Outre la drogue, la police procède à des saisies d'argent et de bijoux lors des perquisitions chez des personnes suspectées de délits. Or, si les plants de gandia arrachés finissent en cendres, est-ce le cas pour les deux autres catégories de biens ? Où sont-ils acheminés ? Comment ? Qui "veille sur eux" ? Et quelle est leur destination finale ? Tour d'horizon.
Saisies de drogues par-ci, de millions de roupies par-là : autant de cas répertoriés par les médias récemment. Un des derniers en date est celui d'une marchande de plage de 70 ans qui conservait Rs 2,5 millions en liquide sous son matelas à son domicile à Flic-en-Flac. Une somme qui proviendrait de son commerce, a-t-elle indiqué aux enquêteurs. Que se passe-t-il lorsque surviennent de telles saisies d'argent ? Connaissent-elles le même sort que la drogue, et particulièrement le gandia, qui finit par être détruit par les flammes ?
Ce n'est pas le cas, indiquent des policiers et anciens cadres de la police. "On n'a pas le droit de détruire l'argent saisi. Seuls les faux billets le sont. L'argent saisi, dans le cadre de suspicion de délit, devient alors une pièce à conviction et est sous mis sous scellés. Les officiers peuvent le placer dans une enveloppe qui sera alors cachetée", explique un policier.
Comment se passe cette mise sous scellés justement ? Tout dépend du montant saisi. S'il s'agit d'une petite somme, elle peut être conservée au poste de police, soutient un ancien officier. En cas de gros montants, il faut un espace spécifique pour la conservation. Selon Ranjit Jokhoo, ancien inspecteur de la Major Crime Investigation Team (MCIT), il faut faire des entrées dans l'Exhibit Register et le Safe Register. "On peut utiliser des coffres des district ou divisional headquarters de la police qui seront fermés à clé pour de gros montants", déclare un autre ancien cadre de la police.
Dans le cas des coffres-forts de Navin Ramgoolam où Rs 220 millions avaient été saisies en février 2015, ce dernier avait demandé que Rs 95 millions lui soit restituées en 2019. Selon lui, ce montant ne ferait pas l'objet d'enquête et était en possession de la Banque de Maurice.
La conservation de ces pièces à conviction se fait tout au long de l'enquête policière et des audiences en cour. Ainsi, indiquent nos interlocuteurs, la clé du coffre est gardé par l'officier en charge de la division en question. Des quarterly inspections ont lieu par d'autres officiers, souligne le policier. Ces conditions prévalent jusqu'à ce que le magistrat donne son verdict final et précise ce qu'il adviendra de la somme d'argent en question après le procès. Par exemple, selon le jugement, le montant saisi peut finalement être crédité au Consolidated Fund de l'État, souligne Ranjit Jokhoo. Ou alors, elle peut être restituée à son propriétaire sur décision judiciaire.
Qu'en est-il des bijoux saisis ? Des entrées sont d'abord faites pour ces objets. "Par exemple, les policiers vont inscrire le descriptif tel que yellow metal, entre autres détails relatifs aux bijoux. Puis une expertise est faite par des bijoutiers pour authentifier s'il s'agit d'or ou d'imitations. Ces articles sont aussi conservés dans les coffres policiers", poursuit-il. S'ils sont soupçonnés d'être issus d'un vol, il faut que les propriétaires, ayant porté plainte pour ce délit, puissent identifier ces objets de valeur, explique l'ancien policier. Si les bijoux saisis sont suspectés d'être liés au trafic de drogue ou au blanchiment d'argent, là encore, c'est la cour qui tranchera sur le sort de ces pièces à conviction.
"Ils constituent une forfeiture, c'est-à-dire une confiscation. L'Accountant General peut être sollicité pour cela. Les bijoux issus du trafic de drogue peuvent, par exemple, être mis en vente par la police après le jugement de la cour", souligne un cadre policier à la retraite. Ce sera aussi le cas si les bijoux ont été saisis dans une maison abandonnée et que le propriétaire des objets n'a pu être retracé.
Si le procès est rayé et que la cour n'a pas statué sur les bijoux saisis, la police peut solliciter le Directeur des poursuites publiques pour déterminer la manière d'en disposer, souligne Ranjit Jokhoo. Là encore, il est possible qu'ils fassent l'objet de publications et de ventes à l'encan. "Il y a une procédure pour cela. Les fonds seront alors reversés au Consolidated Fund, conclut notre interlocuteur.
Ces grosses saisies d'argent liquide
Depuis des années, de grosses sommes d'argent liquide sont confisquées par la police. Bien que le nombre de saisies ne soit pas disponible, la presse évoque plusieurs exemples... de sommes mirobolantes. Ainsi, le 22 février dernier, Rs 2,5 millions ont été saisies chez la marchande de plage de Flic-en-Flac. Au mois de janvier, une autre saisie de Rs 1,1 million était intervenue chez un laveur de voitures de 24 ans habitant de Baie-du-Tombeau. En décembre 2022, un comptable 36 ans habitant un village du Sud a été arrêté lors d'une descente de la police.
Il est accusé de blanchiment d'argent après que deux sacs d'argent ont été retrouvés à son domicile. L'un d'eux contenait Rs 1,6 million et l'autre Rs 1,5 million. Interrogé par la police, il a déclaré qu'il s'agissait de son argent qu'il conservait chez lui pour ne pas avoir à payer de taxe. Le 11 novembre 2022, la Special Striking Team de Jagai a saisi une somme de Rs 4 303 000 et 1 550 euros (environ Rs 69 883,40) chez un homme d'affaires à Quatre-Bornes. Arrêté pour blanchiment d'argent, le suspect de 55 ans a été relâché sur parole.
À la même période, la police a saisi 1,5 kg de cannabis dans deux colis différents à Flic-en-Flac. Un sac contenant Rs 306 000, soupçonnées de provenir du trafic de drogue, et 60 sachets en plastique transparent ont également été retrouvés, entre autres objets. En 2021, trois membres de la famille Gurroby, soupçonnés de blanchiment d'argent, ont été arrêtés. Montant saisi : Rs 12 millions, dont une partie en roupies et l'autre en devises étrangères, des pierres précieuses valant de Rs 3 à 4 millions ainsi que des lingots et pièces d'or et d'argent.