Madagascar: Les désagréments de Radama et de Legros face à Ramahavaly

Andrianam­poinimerina s'est toujours refusé à ce que les Vazaha pénètrent dans ses territoires, étrangers considérés, entre autres, comme les alliés de ses ennemis, les populations côtières. Et bien rares sont les voyageurs européens qui peuvent visiter les Hautes-Terre centrales, surtout sa capitale, Antananarivo. Cependant, on trouve sur les marchés imériniens différents produits d'importation. Il existe, en effet, une corporation de commerçants dont le travail consiste à se ravitailler en marchandises dans les ports.

Quand le jeune Radama succède à son père, il ouvre grand les portes de son royaume. Ambitieux, mais aussi soucieux de s'initier à la modernité et de montrer qu'il n'est pas " moins civilisé ", il commence par " déposer " les fétiches royaux.

Toutefois, il laisse à son peuple, le choix de garder sa foi traditionnelle ou d'opter pour la religion des Vazaha. D'ailleurs, les soldats qui vont en guerre, continuent de porter sur eux leurs talismans protecteurs personnels, tandis que les gardiens des fétiches royaux engagés dans l'armée, ne manquent pas de les y emmener.

Quoi qu'il en soit, chacun est libre de croire en leurs pouvoirs. Le jeune roi, lui, n'y croit pas, rapporte la tradition. Ce qui lui vaut bien des désagréments.

D'abord, de la part des Tsimahafotsy d'Ambohimanga, en colère de voir le jeune roi commettre un sacrilège quand il fait monter sur la Colline bleue sacrée, des cochons, animaux fady. Alors qu'il revient d'une expédition armée dans le Sud, il voit les Tsimahafotsy l'accueillir au portail d'Ambatomitsangana. Aussitôt, Ramangarano, le gardien de Kelimalaza, l'attaque en l'accusant " de salir le dieu, d'empuantir la Colline sacrée avec ses cochons... "

Le roi, très fougueux dans sa jeunesse, raconte la légende, piqué au vif, s'emporte et saute de son filanjana, monte sur le portail et vitupère : " Dieu ? Quel Dieu ? Un dieu ou une déesse ? Je suis le seul dieu ! " Devant sa colère, ses sujets se rétractent et demandent son pardon. Ce qu'il accorde volontiers sans distribuer de sanctions. Depuis, dit-on, Ramangarano ne lui parle plus de Kelimalaza et se contente de garder le fétiche royal dans son clan.

Le deuxième incident, en fait, c'est le jeune roi qui le provoque, raconte toujours la tradition. Il concerne le fétiche Ramahavaly et ses serpents. Radama ne croit donc ni en Kelimalaza, ni en Fantaka, ni en Ramahavaly. Un jour, dit-on, il envoie Ramahavaly soigner Andriamary à Ambohi­trondrana, sans trop y croire, traitant les Ambohidralambo de fous par devers eux. Par la suite, il demande qu'on ramène le fétiche et ses attirails à Antananarivo, dans le but de tester leurs pouvoirs.

Après avoir demandé qu'on excite la colère d'un reptile, Radama place sur ses épaules le kilangala, hampe au bout de laquelle on porte les fétiches et leurs attirails. Aussitôt, dit-on,

"Ramahavaly s'entortille autour de lui et le jette à terre à plusieurs reprises ". Radama demande à ce qu'on le libère. Mais en vain, car soit le gardien du fétiche s'y refuse, soit la bête sacrée ne veut pas le lâcher.

En tout cas, le souverain doit reconnaitre sa puissance pour y parvenir, conviction qui doit être prouvée par une offrande sacrée de venty sy loso sy ariary. C'est ainsi, dit-on, que le roi croit de nouveau en Ramahavaly qui demeure fétiche royal.

Quelque temps après, alors que le charpentier Legros (ou Le Gros) s'évertue à construire le Palais de Soanierana, narre-t-on, il voit passer le gardien de Ramahavaly et le fétiche royal, et se renseigne sur ses réels pouvoirs. Sceptique et, sans doute, pour démontrer la vanité d'une telle foi aveugle, Legros défie le fétiche (et donc son serpent) en un combat singulier. Malgré les efforts de dissuasion du roi, il persiste dans son défi.

Rendez-vous est donc pris sur la Place d'Andohalo où une foule immense de Malgaches et d'Européens s'amasse déjà. Dès que le combat commence, un serpent gros comme une jambe s'enroule autour de Legros, tandis que Ramahavaly quitte les lieux pour rejoindre le Rova. Legros, dit-on, au milieu de ses cris, doit reconnaitre les pouvoirs de Ramahavaly pour pouvoir être libéré. Ce que Radama ordonne car " il n'a aucun litige avec le Vazaha " et s'il n'y a eu ce défi ridicule, un tel spectacle n'aurait jamais eu lieu.

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