Madagascar: Des méthodes pour se débarrasser d'un suspect

Jadis, du temps des roitelets et seigneurs territoriaux, il n'est pas très recommandé de se faire un ennemi, avoué ou non. Cela risque de mettre un innocent dans le même sac que les criminels invétérés et aboutir à la mise à mort, selon les méthodes en vigueur. Parmi celles-ci, quatre sont souvent pratiquées et s'appliquent à toute personne suspectée (ou susceptible ?) de détenir des ody (grigris) puissants et de les utiliser contre son prochain.

À commencer par le finomana (décoction à base de tanguin). Le suspect doit d'abord récupérer une pierre dans une marmite d'eau bouillante où l'on a versé de la poudre de tanguin. S'il se brûle- ce qui est le cas pour la plupart des suspects- il est coupable et doit boire de cette tisane à base de plante vénéneuse.

Le lel'antsy est semblable. On fait rougir au feu la lame d'un couteau et on l'applique sur la langue du suspect : si elle est boursoufflée, il est coupable et donc mis à mort. De toute évidence, dans les deux cas, si le suspect est vraiment coupable et détient donc un ody may pour le protéger de cette brûlure, il s'en sort blanc comme neige.

Le rano be voay, une autre méthode, consiste à plonger le suspect dans une rivière infestée de crocodiles. Si ceux-ci ne réagissent pas, c'est qu'il est coupable, car il possède donc un puissant ody fanidy qui ferme ces reptiles féroces et les empêche de bouger. Verdict : condamnation à mort. Par le sosoa mora, on fait ingurgiter au présumé coupable une pleine marmite de riz bouilli au... tanguin. S'il arrive à tout régurgiter, il est jugé innocent. Pourtant, parfois, ses accusateurs n'acceptent pas ce jugement et lui font boire du tanguin, en cachette des juges-notables et du fokonolona. En fait, rares sont les suspects, coupables ou innocents, qui s'en sortent vivants.

Quand Andrianampoinimerina arrive sur le trône, puis réunit et étend l'Imerina, il met fin à ces " dispersions de méthodes qui prouvent l'anarchie et favorisent l'injustice ". Seul, le jugement par le tanguin (direct ou indirect) est maintenu. Les crimes concernés par ce jugement portent sur la détention et l'usage de ody puissants : les ody fangalarana pour voler, les fihadim-pasana pour piller les tombeaux, les fihadiam-bodirindrina pour cambrioler, les fandrava laka pour semer le désordre, les kabary tsy misy pour rendre muet, les ody fitia pour rendre fou d'amour (au sens propre du terme), les mamorika et mamosavy pour tuer.

Et plus particulièrement, toute personne suspectée de détenir un ody tsy matin-tangena qui la protège des effets mortels du tanguin, ou d'avoir fait un pacte avec une bête féroce (fatidra amina biby masiaka), ou avec un ody (fatidra amina ody), est passible de mort immédiate.

Andrianampoinimerina, en organisant son service judiciaire, place au sommet de la hiérarchie, en tant que juges royaux, les Zanakandrianentoarivo. Comme c'est une grande responsabilité- car ils doivent juger en toute équité et sans discrimination- qui mérite compensation, le dixième des biens du coupable leur revient. De quoi susciter bien des tentations auxquelles ils se laissent attirer. Les suspects riches, même innocents, qui passent devant eux, sont tous déclarés coupables. Face à cette corruption, Andrianampoinimerina les destitue et les remplace par les Andriamasinavalona qui devront officier dorénavant en présence des vadintany ".

Ce n'est que dans certains crimes que l'on pratique le jugement par le tanguin : d'abord, en cas de finomam-pitsarana au niveau des juges royaux contre les sorciers et tout détenteur de ody puissants; ensuite, en cas de conflit entre deux personnes dont les torts respectifs sont difficiles à déterminer, mais là, deux chiens servent de cobayes. Le alan'andriana adidy concerne tout un village ou un groupe de gardes seigneuriaux quand un noble à une dent contre l'un ou l'autre, ou décède d'une manière suspecte. À moins qu'il ne s'agisse d'un messager royal qui trouve aussi une mort inexpliquée au cours d'une mission.

Enfin, le tavibe se déroule durant les deux mois qui précèdent une circoncision dans la famille royale ou une circoncision communautaire des sujets. Dans le tan-tsamiriry ou kaikavo, l'accusateur n'est pas le fokonolona, mais une personne qui doit payer des dommages-intérêts à sa victime si elle s'avère innocente. Quant au madio tena, il se déroule quand il y a suspicion au sein d'une famille dans un village... Le suspect demande " de l'eau au roi " pour se purifier de la calomnie. S'il s'en sort vivant, il offre un festin au fokonolona.

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