Mali: Mort de Soumeylou Boubèye Maïga - Un an après, un ancien procureur ressuscite la thèse de l'assassinat

Ancien premier ministre Malien Boubeye Maiga
analyse

C'est un véritable pavé qui vient d'être jeté dans le Djoliba. Alors qu'avec le temps on n'en reparlait plus ou pas assez, voilà que l'affaire Soumeylou Boubèye Maïga, du nom de l'ancien Premier ministre malien décédé en mars 2022 dans des circonstances troubles, ressurgit à Bamako.

Une après année après donc, de nouvelles révélations aussi embarrassantes qu'accablantes semblent conforter la thèse de la " mort programmée " de celui qui était considéré comme l'une des bêtes noires de la junte malienne.

Et la charge est d'autant plus grave qu'elle émane d'une des plus hautes personnalités de l'appareil judiciaire au moment des faits.

En effet, prenant la parole dimanche dernier à l'occasion de la clôture de la conférence nationale de l'Alliance pour la solidarité au Mali (ASMA), l'ancien premier avocat général de la cour suprême, Cheick Mohamed Chérif Koné, a qualifié d'assassinat et de " tragédie judiciaire " la mort de celui que son institution avait inculpé en août 2021.

" Soumeylou Boubèye Maïga a exprimé son souhait de voir la transition prendre fin à date. Il a été ciblé. Les tenants de la transition voulaient autre chose. Ils voulaient une transition sans fin ", a confié M. Koné, aujourd'hui coordinateur général d'un mouvement opposé au pouvoir militaire, avant d'être plus précis sur cette mise à mort dont le mode opératoire révolte toute conscience humaine : " Ce sont les deux premiers responsables de la Cour suprême qui sont à la base de cette tragédie judiciaire ".

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Des dénonciations qui rejoignent peu ou prou celles portées quelques jours auparavant par le célèbre chroniqueur radio et leader d'OSC Moahamed Youssouf Bathili, plus connu sous le surnom " Ras Bath ", et qui lui ont valu une interpellation hier lundi.

L'on se rappelle que, poursuivi pour " faux et usage de faux et favoritisme " dans l'enquête sur l'achat d'équipements militaires et l'acquisition d'un avion présidentiel en 2014 quand il était ministre de la Défense, Soumeylou Boubèye Maïga avait été emprisonné le 26 août 2021.

Malgré la détérioration soudaine de son état de santé, malgré les alertes de ses médecins, malgré l'interpellation ouverte de son épouse à l'endroit du colonel Assimi Goïta afin que son mari ne meure pas par " abandon ", les autorités politiques et judiciaires maliennes sont restées droites dans leurs bottes et dans leurs toges : pas d'autorisation d'évacuation du malade à l'étranger pour des soins adéquats.

Il a fallu que le " Tigre ", comme le surnommaient ces camarades politiques, soit pratiquement à l'article de la mort pour que l'on ait la magnanimité de lui accorder la faveur de se faire transférer dans une clinique de Bamako.

Autant dire pour éviter qu'il rende son dernier souffle en prison, ce qui aurait été autrement plus accablant pour le pouvoir, lequel n'a pas manqué, tenez-vous bien, de " saluer la mémoire d'un grand serviteur de l'Etat, son engagement pour la démocratie... " à l'annonce du décès.

Comme si tout cela ne suffisait pas, le gouvernement va une fois de plus s'illustrer par un indécent chantage fait à la famille en concédant de lui rendre le corps du défunt à condition qu'elle renonce à toute idée d'autopsie.

Que pouvait bien cacher cette interdiction d'examen du cadavre ?

Comme on le voit, sur les circonstances du décès de l'ancien chef du gouvernement malien, il y a comme quelque chose de pourri au palais de Koulouba, et les dernières accusations de l'ex-premier avocat général de la Cour suprême redonnent du grain à moudre à tous ceux qui ont toujours soutenu l'hypothèse de l'élimination d'un adversaire politique.

Tout comme il est loisible de voir dans ces révélations des velléités de règlements de comptes de la part d'un homme déchu d'une si prestigieuse fonction.

Mais aussi inextinguible que soit sa rancoeur, un homme politique, qui plus est magistrat de formation, peut-il proférer de telles allégations sans pouvoir en administrer la moindre preuve en temps opportun ?

Comme on le constate, un an après cette troublante affaire, les fantômes de Soumeylou Boubèye Maïga sont aux trousses de ceux qui l'ont tué, tout au moins de ceux qui l'ont laissé mourir.

Il faut espérer que ce dernier rebondissement en date rappellera au bon souvenir des colonels le sort qui est aujourd'hui celui de Mme Bouaré Fily Sissoko, poursuivie également dans le dossier de l'acquisition de l'avion présidentiel.

Ancien ministre des Finances, elle est en détention préventive depuis près de vingt mois sans procès.

Malgré sa lettre ouverte adressée au président Goïta pour l'ouverture d'un procès afin qu'elle puisse " démontrer aux yeux du peuple malien son innocence pour son honneur et pour celui de sa famille ", à 67 ans, l'ex-argentière est toujours maintenue en prison bien que toutes les conditions soient réunies pour la tenue d'un jugement.

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