Dans la sous-région ouest- africaine, le constat crève les yeux, l'air du temps est aux coups d'Etat militaires. Comme par effet de contagion donc, le Mali qui a ouvert la brèche, s'est trouvé des compagnons d'aventure, en l'occurrence la Guinée, le Burkina Faso et dans une moindre mesure, le Tchad.
Assimi Goïta a, de ce fait, cessé d'être le mouton noir. Exit donc le temps où l'armée, pour être véritablement républicaine, devait se cantonner dans ses casernes. Si l'on peut comprendre que les hommes en treillis se délectent de leur retour en grâce dans les arcanes du pouvoir, ce que l'on comprend moins, ce sont les ovations et les soutiens dont ils bénéficient de la part de civils qui ont tourné le dos à la légitimité démocratique.
C'est à se demander si les militaires que l'on voue aux gémonies pour avoir interrompu par la force des armes, des régimes constitutionnels, ne sont pas les bras armés de groupuscules civils qui ont fait le choix de la courte échelle pour accéder au pouvoir d'Etat. En tout cas, le constat est là, aujourd'hui, que dans tous les pays où l'armée a récemment pris le pouvoir, les Transitions sont animées par des civils qui défendent becs et ongles leurs parrains militaires contre la communauté internationale qui exige un retour rapide à l'ordre constitutionnel.
Ces civils en arrivent même à oublier que c'est sous la pression de la communauté internationale que les militaires leur ont cédé une partie de leur pouvoir arraché de force par les armes. Mais sont-ils véritablement conscients des risques qu'ils font courir à la démocratie qu'ils disent pourtant défendre ?
Nos armées sont parfois instrumentalisées par des élites intellectuelles qui les utilisent pour assouvir leur soif du pouvoir
Le premier de ces risques est qu'en apportant leur soutien aux militaires, ils participent à développer l'amour immodéré des hommes en armes pour le pouvoir d'Etat. Ce ne sont certainement pas les Voltaïques qui sont descendus dans la rue pour réclamer l'armée au pouvoir, à la chute du président Maurice Yaméogo, le 3 Janvier 1966, qui diront le contraire.
En effet, parvenue au pouvoir à l'appel du peuple, l'armée n'a véritablement jamais voulu retourner dans les casernes. Ainsi, sur les 63 années d'indépendance du Burkina Faso, ex- Haute-Volta, les militaires ont régenté la vie de la Nation pendant près de 50 ans et ne semblent pas prêts à y renoncer.
Le second risque en soutenant les régimes militaires, c'est la perpétuation de l'instabilité politique. Il est évident que lorsque les règles constitutionnelles de passation du pouvoir ne fonctionnent plus, les changements à la tête de l'Etat ne se font plus que par les coups de force avec tout ce que ces pronunciamientos comportent comme violences, chasse aux sorcières, pillage de ressources, absence de reddition de comptes, pour ne citer que ces seules conséquences.
Cela dit, l'on ne peut traîner sur le bûcher, les soutiens civils aux régimes militaires. Car, ce sont les agissements d'autres civils au pouvoir qui servent souvent de prétexte aux putschistes pour passer à l'action. Corruption, affairisme, pillage des ressources de l'Etat, népotisme sont, en effet, les causes qui poussent les militaires à s'emparer du pouvoir.
L'on garde tous en souvenir les scandales au sommet de l'Etat au Burkina Faso comme cette affaire de charbon fin. Un autre exemple serait les scandales liés aux équipements militaires qui impliquent la famille de l'ex-président malien, Ibrahim Boubacar Kéita (IBK). En tout état de cause, l'on peut se risquer à penser que ce ne sont pas nos armées qui sont malades de pouvoir mais qu'elles sont parfois instrumentalisées par des élites intellectuelles qui les utilisent pour assouvir leur soif du pouvoir.