Ile Maurice: Réduction des 'stakes money' - Quand People's Turf ferme le robinet

La lune de miel est terminée et le réveil brutal. Après une première campagne l'an dernier qualifiée de "fer labous dou" par certains observateurs hippiques - en raison de son "prize money" plus avantageux que son concurrent, MTC Sports and Leisure Ltd (MTCSL) - , People's Turf serre la vis cette année avec des "stakes money" réduits de moitié. Une situation intenable pour pratiquement toutes les écuries.

"Une catastrophe. Une aberration." Patrick Merven, président de la première association des entraîneurs, n'a pas mâché ses mots pour qualifier la décision de People's Turf PLC (PTP) de revoir à la baisse le barème des prix pour la saison 2023. Car pour notre interlocuteur, ce n'est ni plus ni moins l'intégrité des courses qui est menacée. "C'est incompréhensible. Les stakes money doivent augmenter et non pas diminuer ! À titre de comparaison, le montant des prix pour 20 journées organisées par PTP l'an dernier sera plus conséquent que celui payé pour les 36 journées cette année. Pire, pendant le huis clos, c'était presque le double de ce qui est proposé actuellement." Pour les profanes, le stakes money, c'est l'argent reçu sur un cheval concourant, par le propriétaire, selon le rang du cheval dans la course.

Il faut dire que la baisse des stakes money, couplée aux coûts additionnels des écuries tels les salaires des palefreniers, qui représentent environ Rs 300 000 additionnelles de dépenses pour les entraîneurs, accroissent la pression sur les formations en lice cette année. Pour Samraj Mahadia, qui a connu une bonne dose de succès l'an dernier, l'avenir s'annonce très sombre. "Le montant proposé par PTP est tout simplement dérisoire, voire choquant. Je lui fais un pressant appel pour revoir sa copie car si cette nouvelle grille est maintenue, la fermeture de plusieurs écuries est assurée."

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Financièrement impossible

Du côté de l'écurie Narang, on est tombé des nues en prenant connaissance du nouveau barème. "Tous nos frais ont augmenté et notre situation ne va pas s'arranger ainsi. J'espère de tout coeur que PTP vienne de l'avant avec d'autres moyens pour venir en aide aux écuries car valeur du jour, ce sera financièrement impossible pour nous d'aller au bout de la saison", estime Shirish Narang.

Les propriétaires de chevaux, maillons essentiels de l'industrie, ne savent plus à quel saint se vouer. Pour faire simple, les prix remportés ne suffiront pas à couvrir toutes les dépenses encourues. "Dans la plupart des cas, le prize money ne suffira même pas à couvrir le keep mensuel du cheval", fustige Samraj Mahadia.

Cette problématique, l'entraîneur Ricky Maingard en est bien conscient, lui qui est également propriétaire de la moitié de son effectif. "Cela fera un gros trou dans nos revenus car nous dépendons essentiellement des stakes money pour survivre. Selon mes calculs, les prix ont chuté de près de 75 % par rapport à la période du Covid. Je vais devoir analyser la situation avec mes propriétaires et m'adapter en fonction de leur décision", estime cet entraîneur expérimenté, pour qui le transfert de certains de ses coursiers vers son satellite yard à Cape Town est tout simplement hors de question, car financièrement irréalisable.

À titre de comparaison, il serait bon de rappeler que PTP a déboursé plus de Rs 41 millions en stakes money pour la saison 2022 (voir tableau). Alors qu'elle avait garanti une somme de Rs 15 000 pour tous les coursiers non placés l'an dernier, celle-ci n'est plus à l'ordre du jour. Pire, les propriétaires de coursiers qui termineront à la quatrième place n'auront plus que leurs yeux pour pleurer.

Cette baisse des stakes money pourrait ne pas être définitive (voir encadré), mais elle envoie un très mauvais signal pour cette industrie qui tente encore de redécoller, après avoir subi les effets dévastateurs du Covid-19. Si cette décision est motivée par des impératifs vitaux pour PTP, d'aucuns y voient là une façon de "punir" ceux qui ont apporté leur soutien à la MTCSL l'an dernier.

De plus, People's Tote, qui tournera à plein gaz cette saison avec une variété de paris, devrait garantir à l'organisateur de courses des revenus non négligeables, d'où l'incompréhension générale par rapport à la baisse des stakes money.

Réponse de l'organisateur des courses: "Gérer, c'est prévoir"

Ne pas commettre les mêmes erreurs commises par sa rivale MTCSL. Telle est en substance l'explication obtenue du management de PTP pour justifier la baisse des "stakes money" cette saison. Une situation qui est toutefois appelée à évoluer, selon l'organisateur.

"PTP a consenti à de gros efforts en 2022 et elle a dû puiser dans ses réserves pour proposer des 'stakes money' intéressants pour les écuries. Nous avons même alloué Rs 15 000 pour les chevaux non placés. Cependant, après une année d'expérience en tant qu'organisateur de courses hippiques, il est devenu évident qu'on se devait de réduire le montant payé aux écuries, au risque de courir à notre propre perte.

Une fois n'est pas coutume, nous sommes d'accord avec l'ancien président du MTC, Jean-Michel Giraud, qui affirmait qu'on ne pouvait pas augmenter le barème des 'stakes money' dans le contexte économique actuel. D'ailleurs, l'exemple de la MTCSL, qui a dû renoncer à la saison 2023, en raison de pertes accumulées l'an dernier, notamment en essayant de maintenir des 'stakes money' compétitifs, est très parlant.

Même Anne-Sophie Julienne, qui était d'accord avec les 'prize money' proposés par la MTCSL l'année dernière, a fait comprendre par la suite que le Club a enregistré des déficits de plus de Rs 70 millions par rapport à la précédente saison. Gavin Glover, qui a rencontré les employés de MTC/MTCSL la semaine dernière, affirmait, lui, qu'il n'y avait pas une roupie dans la caisse du Club bicentenaire. Dans la foulée, nous avons pris connaissance des problèmes avec le plan de pension de ces nombreux employés et plusieurs autres factures impayées.

Gérer c'est prévoir, d'où notre décision de revoir à la baisse les prix attribués aux écuries. Toutefois, nous nous engageons à réévaluer cette situation durant le courant de la saison et éventuellement revoir à la hausse les 'stakes money' dans la mesure du possible."

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