Sénégal: Les chances compromises

L'opposant sénégalais, Ousmane Sonko, retourne au Tribunal de Dakar, ce jeudi 16 mars 2023, dans le cadre du procès en diffamation intenté contre lui par le ministre du Tourisme, Mame Mbaye Niang. Le plaignant réfute les accusations de détournement de la somme de 29 milliards F CFA du Programme des domaines agricoles communautaires (PRODAC) portées contre lui par Ousmane Sonko. Il entend laver son honneur devant les juges, surtout que le fondateur du parti, Pastef, dit détenir un rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) le mettant en cause.

Le procès avait été ouvert le 16 février dernier, après une énorme bousculade occasionnée par les partisans de Sonko, pour ensuite être renvoyé à la date d'aujourd'hui. Hormis la forte mobilisation des inconditionnels de l'accusé, ce qui a failli conduire à des dérapages, l'ouverture du procès avait été également émaillée par un incident mémorable. De retour de l'audience, Sonko avait été extrait de force de la banquette arrière de son véhicule par des éléments des forces de l'ordre, qui, au préalable, avaient brisé la vitre. L'opposant avait été par la suite ramené chez lui sain et sauf. Au regard des débuts difficiles du procès en diffamation, il n'est pas évident que sa reprise se passe dans une ambiance moins tendue.

L'Opposition sénégalaise qui crie au harcèlement contre son leader, a déjà annoncé les couleurs, avec la tenue d'un " giga meeting " et des marches nationales dans les 46 départements du pays, les 14 et 15 mars 2023. Fort heureusement, ces manifestations, visant à dénoncer "l'instrumentalisation de la justice contre les opposants", ont été autorisées par les autorités. Sans quoi, des affrontements allaient encore se produire dans les rues sénégalaises, puisque l'Opposition avait prévenu passer outre toute interdiction de ses activités. Le gouvernement sénégalais se défend de violer les droits humains, mais il est difficile de ne pas le soupçonner de mener une chasse aux opposants, à un an de la prochaine présidentielle.

Ousmane Sonko, le challenger le plus sérieux au Président Macky Sall, semble être particulièrement dans le collimateur des cabinets noirs de la république. La succession de ses déboires judiciaires parait étrange, si elle ne pose pas question. Au-delà de l'indignation que le procès en diffamation suscite dans son entourage, Sonko risque gros dans cette affaire. Tout comme dans celle relative à l'histoire de viol,dans laquelle il est impliqué, depuis mars 2021. Il avait été emprisonné dans le cadre de ce dossier, pour ensuite être libéré sous contrôle judiciaire et renvoyé, en janvier 2023, devant un tribunal pour un procès, dont la date n'a pas encore été arrêtée. Candidat déclaré à la présidentielle du 25 février 2024, Sonko pourrait voir ses chances compromises en cas de condamnation dans ces deux affaires. Les lois sénégalaises prévoient des peines d'inéligibilité, pour certains délits comme ceux reprochés à Sonko.

Ces deux dossiers pourraient sceller le sort de l'opposant sénégalais et brouiller son avenir. Comment ne pas penser, dans ces conditions, que l'opposant est la cible d'un système. Si le président Macky Sall, qui maintient le flou sur ses ambitions prépare le terrain à un 3e mandat jugé illégal, il court le risque de plonger son pays dans une situation déplorable. S'en prendre à Sonko est un projet périlleux, tant il est très populaire auprès de la jeunesse sénégalaise qui voit en lui une possibilité d'alternance, un symbole de renouveau. Il est considéré dans l'opinion sénégalaise, comme un homme probe et de conviction. Son interpellation dans le dossier du viol, on s'en souvient, avait suscité des violences, avec une dizaine de morts.Macky Sall marche sur des oeufs et il doit prendre garde...

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