Une conférence-débat portant sur l'immunité par rapport à l'impunité s'est tenue au Centre Arrupe, Faravohitra, hier. Durant les échanges, l'idée que les immunités et privilèges de juridiction favorisent l'impunité a été dénoncée.
Un facteur de blocage qui favorise l'impunité. En somme, c'est ainsi que sont perçus les immunités et privilèges de juridiction dont jouissent les parlementaires, les hauts dignitaires étatiques, des corps de fonctionnaires et les éléments des Forces de défense et de sécurité (FDS).
"L'infime différence entre immunité et impunité", a été le thème d'une conférence débat organisée par l'association Taninjanaka, qui s'est tenue au centre Arrupe, Faravohitra, hier. Un thème qui touche à une corde sensible du domaine "juridico-politique", malgache. Que ce soit dans les lettres ou dans les faits, il n'y a qu'un mot, qu'une abstention de prendre une décision, pour que l'immunité mène à l'impunité. Un cas qui prévaut aussi pour les privilèges de juridiction et les autorisations de poursuite.
Mettant le thème dans le contexte de la lutte contre la corruption et l'application de la loi dans le cadre de l'État de droit et de la bonne gouvernance, Sahondra Rabenarivo, présidente du Conseil supérieur de l'intégrité (CSI), une des panélistes, a été cash. "L'immunité est un facteur de blocage, puisqu'en général, aucun ministre n'ose signer une autorisation de poursuite. En conséquence, toutes les poursuites des hauts fonctionnaires sont bloquées. L'immunité devient impunité lorsque la loi n'est pas appliquée", déplore-t-elle.
Comme l'indique la présidente du CSI, il y a les parlementaires qui jouissent de l'immunité. Il y a les chefs des institutions et les membres du gouvernement qui jouissent du privilège de juridiction qu'est la Haute cour de justice (HCJ), avec la procédure nécessaire de mise en accusation. Il y a également les corps de métiers comme les hauts gradés de la magistrature, les inspecteurs des douanes, ceux des impôts, ou encore du trésor, les éléments des FDS dont la poursuite judiciaire nécessite des autorisations de poursuite signée par le ministre référent.
Bien que des affaires soient en instance depuis quelques années, jusqu'ici, aucune mise en accusation de haute personnalité ou ancienne haute personnalité n'a été actée par l'Assemblée nationale. Comme l'affirme Sahondra Rabenarivo, aucune autorisation de poursuite de parlementaire n'a été donnée par le Parlement. Exception faite de la gendarmerie nationale, rares sont les autorisations de poursuites signées par les ministres concernés.
Deadline
Le député Djohary Lee Andrianambinina, rapporteur de la commission sur la mise en accusation devant la HCJ, a été parmi les panélistes hier. Il concède que "la politique prend souvent le pas sur le volet technique", en parlant de la procédure de mise en accusation devant la HCJ. Les débats y afférents sont souvent désertés par les députés. Aussi, le quorum nécessaire pour le vote de la mise en accusation n'est jamais atteint. Un temps, un élu a même expliqué son refus de voter par crainte de se retrouver, un jour, sur le banc des accusés.
S'agissant des corps professionnels cités précédemment, la crainte d'une fronde corporatiste est la principale raison pour laquelle les autorisations de poursuite sont rarement signées. Faisant le rapprochement avec la lutte contre la corruption, la présidente du CSI souligne que les corps professionnels protégés par les autorisations de poursuite, coïncident avec les secteurs où il y a les plus fortes suspicions de corruption. Il s'agit ainsi un des points qui compliquent la lutte contre la corruption.
L'année dernière, l'Assemblée nationale a même voté une proposition de loi qui implique qu'une autorisation de poursuite signée par le ministre de l'Intérieur est nécessaire pour la poursuite judiciaire des maires et des chefs de régions, en l'occurrence les gouverneurs. "La tolérance zéro contre la corruption, prônée, tend à n'être qu'un slogan et n'est pas appliquée. S'il y a réellement une tolérance zéro, il devrait y avoir un taux d'autorisation de poursuite de 100%. Les autorisations doivent être plus nombreuses que les refus ou les demandes sans suite", assène Sahondra Rabenarivo.
Afin de pallier ce blocage, la présidente du CSI suggère que des deadlines soient établis pour les réponses aux demandes d'autorisation de poursuite. Des limites temporelles au-delà desquelles, s'il n'y a pas de réponse, les poursuites pourront être engagées. Pareillement pour la mise en accusation devant la HCJ. Elle recommande qu'un délai soit imparti à l'Assemblée nationale pour trancher sur la question.
Mais pour en revenir au regret affirmé par le député Andrianambinina, il faudra aussi trouver une façon de contourner les intérêts politiques qui pèsent lourdement sur ce sujet.
Un argument soulevé par Lova Rabary Rakotondravony, journaliste, et parmi les panélistes hier, donne matière à réflexion. Mener les poursuites judiciaires jusqu'à terme pourrait briser la présomption de culpabilité ou la suspicion d'impunité de certaines catégories de personnes qui tend à devenir une culture dans le pays, sans égard pour la sacro-sainte présomption d'innocence. Seulement, là entre en jeu la crédibilité du système judiciaire.