Thiès — La rétention d'informations décidée par certains syndicats de la santé lors de leur mouvement de grève qui a duré huit mois a empêché une analyse correcte des indicateurs sanitaires de la région de Thiès pour l'année 2022, a déploré mercredi le médecin-chef.
"Pour cette année, nous avons traversé pratiquement huit mois de grève, avec des rétentions d'informations depuis les évènements malheureux de l'hôpital Mame Abdoul Aziz Sy de Tivaouane. Malheureusement la rétention d'informations ne nous a pas permis d'avoir suffisamment de matière pour analyser les données que nous avons", a dit le Docteur Mama Moussa Diaw à l'APS.
Suite au décès de 11 bébés dans un incendie à l'Hôpital de Tivaouane, des agents de santé avaient été arrêtés, poussant des syndicats de la santé à déclencher un mot d'ordre de grève pour réclamer la libération de leurs collègues. Le plan d'actions incluait, entre autres, la rétention des informations sanitaires.
Le médecin-chef de la région médicale a indiqué au lendemain de la Revue annuelle conjointe (RAC) de la région, qu'hormis la tuberculose et la vaccination pour lesquelles jusqu'à 80% des données de l'année 2022 sont disponibles, les données accessibles varient entre 50 et 75%, voire 80%. Ce qui n'est pas, selon lui, de nature à donner une "analyse correcte" de la situation des indicateurs.
Déplorant l'indisponibilité de données obligeant les autorités sanitaires à "se contenter" des données de l'année 2021 comme base de projection, le Docteur Mama Moussa Diaw a appelé tous les acteurs à la "responsabilité" pour livrer les données en leur possession.
A défaut de la totalité des informations sur 2022, la comparaison entre le peu de chiffres accessibles et ceux de 2021, laisse apparaître un "recul", "même si nous savons qu'indirectement, il y a des services qui ont progressé", a-t-il fait valoir.
Il a évoqué des exemples de services qui n'existaient pas en 2021 et qui ont marché en 2022. C'est le cas de la chirurgie au niveau des blocs opératoires, l'offre de service au niveau des blocs SONU, aussi bien à Thiadiaye qu'à Mbour a augmenté l'accès aux césariennes pour les femmes enceintes, a poursuivi le responsable sanitaire, non sans évoquer des services d'urgence qui ont aussi fonctionné en 2022.
Des "progrès" dans la vaccination contre la covid-19
Le médecin-chef de région note à ce propos une "grande progression" d'environ 80%. D'un seul bloc opératoire qui fonctionnait, on est passé à cinq sur les six prévus, a-t-il relevé, ajoutant qu'il n'y a que le bloc de Khombole qui n'a pas commencé, les travaux n'étant pas encore terminés.
Selon Mama Moussa Niang, la vaccination contre la covid-19 a aussi enregistré des "progrès", passant de près de 14% à 16,5, voire 17% de couverture. Une deuxième campagne de vaccination contre la covid-19 a même été lancée pour atteindre une couverture de 70% de la population, a-t-il renseigné.
"Pour le reste, il ne serait pas correct de faire des comparaisons, parce qu'on n'a pas assez de matière", a-t-il admis, expliquant le sentiment parfois d'avoir des "données très bas", par la non disponibilité de la totalité des données. "C'est l'arbre qui cache la forêt", a-t-il dit.
"La grande recommandation est de mener des enquêtes démographiques de santé (EDS) en continu, pour pouvoir évaluer réellement l'année 2022 dans la région de Thiès", note le médecin-chef de région.
Ces autres méthodes permettent d'obtenir des données "plus fines, captées directement auprès des populations", pour faire des projections, argue-t-il.
combattre les maladies chroniques
Pour lui, même si elles demandent beaucoup plus de moyens, les enquêtes EDS doivent être menées pour permettre aux autorités d'être "plus autonomes et de prendre des décisions basées sur des données fiables".
Si les données de routine ont l'avantage d'être disponibles immédiatement, elles sont réputées pour avoir une "part de subjectivité" parce que produites par les agents de santé eux-mêmes. Les enquêtes sont "plus fines", bien que leurs résultats arrivent avec un "décalage", a-t-il expliqué.
"Il est souhaitable de régler les problèmes sociaux pour qu'on n'ait plus à (faire face à) la rétention d'informations", a préconisé responsable de la région médicale de Thiès.
En termes de perspectives, les autorités sanitaires de la région de Thiès, face à la tendance sédentaire de la population, combattent les maladies chroniques, comme l'hypertension artérielle et le diabète, mais aussi travaillent au renforcement du tissu sanitaire, avec les nouveaux centres de santé, comme le Centre gériatrique de Thiès, pour diversifier l'offre de service, a poursuivi le médecin-chef.
Autre axe d'intervention, le renforcement et la professionnalisation des mutuelles et la promotion de l'adhésion à ces organisations "pour que les populations puissent se soigner sans s'appauvrir".
A ce sujet, il appelle les bonnes volontés à appuyer l'enrôlement des populations dans les mutuelles, qui a un impact sur la prise en charge de leur santé. La région médicale veille à offrir la chirurgie de proximité, dans les centres de santé de 10-ème, de Mbour Téfess, de Popenguine, afin d'alléger la pression sur les hôpitaux.
La région de Thiès "travaille un peu comme un pays" sur une base de 2,3 millions d'habitants, plus que certains pays, pour avoir l'essentiel au niveau de Thiès sans penser à évacuer sur Dakar, a dit le Docteur Mama Moussa Diaw, qui n'a pas manqué d'évoquer l'évolution de la prise en charge des cancers.