Mali: L'influenceuse 'Rose vie chère' sera jugée pour ses propos critiques sur la transition

Au Mali, Rokia Doumbia, plus connue sous le nom de " Rose vie chère " ou " Tantie Rose poivrons ", sera jugée pour " incitation à la révolte " et " violences envers le chef de l'État ". Influenceuse active sur les réseaux sociaux, elle avait diffusé la semaine dernière une vidéo dans laquelle elle dénonce l'augmentation des prix et l'" échec " de la transition.

" Sous votre gouvernance, ça ne va pas ", " vous n'avez pas fait un coup d'État pour ça ", " cette transition est un échec " : dans sa vidéo d'un peu plus de deux minutes, tournée dans un magasin de chaussures, Rokia Doumbia dénonce l'augmentation des prix des denrées de base ou encore les coupures de courant, et interpelle directement les " colonels " qui dirigent le pays, à commencer par Assimi Goïta, chef de l'État.

Présidente de l'association " Anw ka siguida be tagne " (" Notre communauté avance "), cette influenceuse suivie par 170 000 personnes sur les réseaux sociaux, a été placée sous mandat de dépôt et transférée le 15 mars 2023 à la prison pour femmes de Bollé, à Bamako, après trois jours d'interrogatoire.

Un jugement prévu le 14 juin

Elle sera jugée le 14 juin prochain pour " incitation à la révolte ", " troubles à l'ordre public ", " outrage et violences envers le chef de l'État " et " infractions relatives à la cybercriminalité ". C'est ce qu'indique une convocation émise mercredi 15 mars par le Tribunal de la Commune IV de Bamako, que RFI a pu consulter.

%

" Elle ne fait que dire ce qui ne va pas pour tous les Maliens ", déplore l'un de ses proches, qui estime avec inquiétude que les autorités de transition veulent " la faire taire " et dissuader toute voix critique de s'exprimer.

C'est à cause de cette vidéo live que l'influenceuse, Rokia Doumbia alias Mme combattre la vie chère - Tantie Rose, a été interpellée hier lundi par le 5ème arrondissement de Police et placée en garde à vue.----//////------" Cette transition est un échec avec un bilan de 0%. Aucun... https://t.co/o0mf0TlsyY pic.twitter.com/9ksWSBruqJ-- KONATE Malick (@konate90) March 14, 2023

Le 13 mars, c'est le chroniqueur radio Ras Bath qui a été incarcéré après avoir estimé que l'ex-Premier ministre Soumeylou Boubeye Maïga, mort en détention il y a un an, avait été " assassiné ". Il sera jugé le 13 juin prochain pour, notamment, " atteinte au crédit de l'État ".

▶ À lire aussi Mali: le chroniqueur Ras Bath sera jugé pour avoir dénoncé l'"assassinat" de Soumeylou Boubeye Maïga

" L'objectif, c'est d'intimider "

Pour Omar Berté, avocat et politologue malien, c'est " un signal à l'encontre des voix dissonantes, qui risquent la prison à chaque fois qu'ils prennent la parole pour critiquer l'action gouvernementale ".

Ce chercheur associé à l'université de Rouen souligne : " C'est inquiétant pour la liberté d'expression, c'est inquiétant pour la démocratie malienne. On s'enfonce beaucoup plus dans le musellement de la liberté d'expression au Mali, pour dire les choses clairement. L'objectif, c'est d'intimider les gens, toute personne qui serait tentée d'avoir des opinions divergentes, ou qui serait tentée de prendre la parole pour critiquer la transition. Depuis un certain moment, que ce soit des politiques, des journalistes ou des activistes, les gens ont des choses à dire, mais ils ont peur de prendre la parole au risque d'avoir des ennuis avec la justice. "

Omar Berté conclut : " Nous sommes en train de partir dans une situation qui ne laisse aucune place à la liberté d'expression, aucune place aux critiques contre les autorités de transition, ce qui est très regrettable. "

AllAfrica publie environ 400 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.