Ile Maurice: Champ-de-Mars - La course au massacre

Le Champ-de-Mars n'a pas accueilli les habituelles célébrations de la Fête de l'Indépendance cette année encore. Mais de nombreux regards seront tournés vers ce lieu samedi pour la première journée des courses hippiques de 2023. À vrai dire, selon plusieurs personnes interrogées, cet endroit historique est aujourd'hui méconnaissable, massacré, livré à un groupe de personnes au détriment de plus de 210 ans d'histoire. Les photos ne mentent pas...

Il y a d'abord ces élèves qui ont fréquenté le collègue DAV en face du Champ-de-Mars, dans les années 70-80, qui gardent toujours un très bon souvenir du lieu. "Le Champ-de-Mars était connu comme un lieu très apprécié et très convoité des Portlouisiens mais aussi de plusieurs Mauriciens et notamment des élèves. Il était un vaste champ avec au moins trois terrains de football. Les jeunes y jouaient pendant la récréation mais aussi le sport's day se tenait là-bas.". Ils se souviennent même des jeunes qui évoluaient dans le cyclisme et qui y venaient pour faire le tour de la piste sans aucun danger. Puis, il y avait comme un air de paix aux abords du Tombeau Malartic. "C'était propre, le lieu était respecté et très bien entretenu et ils étaient nombreux à venir y prendre l'air sous son ombre."

Un de ces élèves se rappelle du terrain de football - désormais transformé en écurie par People's Turf PLC (PTP) - qui était géré par la municipalité de PortLouis. "Après 16 heures, tous les jours, plusieurs athlètes venaient s'y entraîner. On a formé sur ce terrain plusieurs footballeurs de première division." D'ailleurs, confie notre interlocuteur, les nombreuses infrastructures aménagées par PTP durant la dernière année ne font pas honneur au sport hippique. Pour lui, le Champ de-Mars n'est plus ce qu'il était et n'est plus attrayant.

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Un avis partagé par Monsieur Ng, un habitant de Port-Louis, âgé de 80 ans, fan d'astrologie. "Le Champ-de-Mars s'est transformé en cimetière. Ki kapav fer laba aster? Nanyé... linn vinn makab, térib." Il évoque avec tristesse la non-tenue des célébrations de l'Indépendance en ces lieux le 12 mars. "Pour moi, je l'ai vécu comme un deuil national pour Maurice. Vous ne pouvez pas prêcher l'harmonie, le feel good factor et la paix et ne pas être patriote."

Pour un autre habitant de Tranquebar, Guillaume Marcel, c'est toute une page de l'Histoire qui se tourne. "Quand nous étions petits, nous étions fascinés par les fêtes du 12 mars. Nous y allions même en cas de pluie. Labou lor lipié, nou laba. Li pa ti pé konsern enn dimounn, li ti konsern tou dimounn..." Comment trouve t-il le changement survenu en cet endroit historique ? "Une profonde tristesse de voir qu'ils (PTP) construisent n'importe comment. Ces constructions sauvages sont laides. Ils ont massacré ce patrimoine des Mauriciens." De plus, fait-il ressortir, le Champ-de-Mars n'est plus un lieu pour les Mauriciens car ils sont nombreux à se faire chasser par des "bouncers". "C'est vraiment dommage car nous nous y rendions les dimanches en famille pour prendre l'air. Mé aster nou asiz lor simé mem. À Port-Louis, il n'y a plus d'aire de jeux et d'espace vert, c'est fini."

Osman Mahomed, député de la circonscription n°2 (PortLouis Sud-Port-Louis Central), abonde dans le même sens. "Le Champ-de-Mars est devenu un vaste chantier de construction. Il est quasi impossible d'y faire quoi que ce soit avec les fouilles qui se font ici et là.". D'ailleurs, l'année dernière, le député rouge avait fait allusion au terrain de football reconverti en écurie lors de son intervention sur l'exercice budgétaire 2022-2023. "...Le terrain est en train d'être converti en écuries, faisant perdre au Champ-de-Mars son côté vert. (...) Personne ne sait quel est le véritable plan que PTP a pour cette parcelle de terrain. Et je me demande si la municipalité de Port-Louis, le ministère du Logement et des terres ou le ministère de l'Environnement a accordé une licence d'Environment Impact Assessment à ce sujet (...) Je fais une demande au député Husnoo de se pencher là-dessus parce que personne ne sait ce qui est construit là-bas à la fin de la journée. Nous savons que des écuries sont en cours de construction, mais quoi d'autre, nous ne le savons pas", avait-il dit.

Le député s'interroge aussi sur les impacts de ces constructions à l'avenir. Déjà en 2017, il avait attiré l'attention au Parlement lors du Land Drainage Authority Bill sur les parkings aménagés au Champ-de Mars. Il y avait, pour rappel, même une pétition signée par 1 006 personnes. Le parlementaire avait alors soutenu qu'outre les impacts environnementaux, visuels, récréationnels et sociaux, il y aurait une répercussion certaine sur l'écoulement des eaux, car la superficie plantée de gazon au milieu du Champ-de Mars sera couverte de bitume et donc ne pourra plus absorber l'eau de pluie. Imaginez la quantité d'eau qui ne sera plus absorbée par la terre qui sera recouverte de bitume. C'est vrai, disait-il, que l'eau sera déviée du lieu mais pour aller où ? "On voit que le temps m'a donné raison car pas plus tard que lundi dernier, il y a eu une grosse accumulation d'eau au Champ de-Mars."

Outre les écuries pour chevaux, quelque 80 boxes sur l'ex-terrain de football, PTP y a construit un paddock et un rond de présentation. Prochainement, davantage de boxes pour chevaux devraient y voir le jour. Des travaux sont en cours...

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