" Le secret du changement consiste à concentrer son énergie pour créer du nouveau, et non pas pour se battre contre l'ancien ", enseigne l'écrivain américain Dan Millman. Mais, en Afrique de l'ouest, deux pays ont choisi d'opter pour le sens contraire de cette pensée pourtant vraie. Il s'agit du Mali et du Burkina Faso. Deux États dirigés par deux officiers militaires qui ont accédé au pouvoir par des coups d'Etat.
Coïncidence pour coïncidence, ces deux pays font face au même défi sécuritaire : le péril djihadiste avec une bonne partie de leurs territoires respectifs occupée par des terroristes qui y sèment terreur et désolation. Bref, le Mali et le Burkina Faso vivent la même galère, et ont, naturellement, en ce moment le même objectif: annihiler la menace terroriste. Cette communauté de destins a rapproché, sans doute, ces deux Nations frontalières qui ont décidé, l'une après l'autre, d'opter pour un changement. Celui de tourner brutalement - sans l'élégance diplomatique - le dos à la coopération avec la France scellée depuis des lustres, pour céder aux chants de sirènes de la Russie.
C'est d'abord le Mali qui a rompu les amarres en mettant fin, en 2022, à l'opération Barkhane, avec en filigrane le départ des troupes françaises présentes sur son sol. Un choix soutenu par une propagande souverain Isère. Peut-on parler vraiment de souveraineté quand on n'a pas le contrôle de tout son pays et qu'il y a des endroits où l'Etat n'a plus d'autorité ? Sans oublier qu'on a contracté avec un groupe de mercenaires - le fameux groupe Wagner- pour des opérations de sécurité?
C'est tout le paradoxe que cultivent le colonel Assimi Goïta et ses hommes au Palais de Koulouba à Bamako. A quelques centaines de kilomètres de là, le jeune capitaine de l'armée burkinabè, Ibrahim Traoré, le nouvel homme fort de Ouagadougou, a décidé de leur emboîter le pas en embouchant la trompette russe. De façon souterraine, la junte malienne a créé le contact entre Ouaga et Moscou, et aujourd'hui, le Burkina prend clairement ses distances avec la France. Et l'air chaud de Ouaga devient brusquement rouge. Sans transition aucune: relèvement de l'ambassadeur de France demandé, délai d'un mois donné aux soldats français basés au Burkina Faso pour décamper. Sans autre forme de procès.
Après donc le Mali, c'est au tour du Burkina Faso de filer le parfait amour avec la Russie. Ainsi, la Russafrique se développe, à la grande joie de tous ceux qui dénoncent la Françafrique. Pourtant, rien- absolument rien- ne dit que la Russie fera mieux que la France dans ces deux pays. Encore moins dans la sous-région.
Empêtrée dans une guerre qu'elle a déclenchée contre l'Ukraine, il y a bientôt un an et qui s'enlise, la Russie est aujourd'hui affaiblie par la politique de sanctions économiques orchestrée par les Etats-Unis avec l'appui de plusieurs pays européens. En se tournant vers l'Afrique au sud du Sahara, elle recherche en priorité de nouveaux partenaires économiques afin notamment de " s'approprier " des ressources stratégiques. In fine, Vladimir Poutine, qui souffre de l'isolement sur la scène internationale, veut briser son encerclement économique et politique en défrichant une nouvelle zone d'influence sur le continent. Et, arracher à la France, deux de ses partenaires de surcroît historiques, est, pour la Russie, une manière de prendre sa revanche sur l'un des soutiens forts de l'Ukraine.
Manifestement, Moscou vient chercher un second souffle en Afrique. Elle ne s'y installe pas pour apporter le développement. Le penser, c'est se tromper lourdement comme le niais qui prendrait des vessies pour des lanternes. D'ailleurs, la présence des soldats et mercenaires russes en République centrafricaine en est une parfaite illustration.
En faisant le choix de la Russafrique, le Mali et le Burkina s'embarquent, vraisemblablement, dans une aventure à l'issue incertaine. Avec le risque, au bout, d'un... désenchantement total, comme la Guinée de Sekou Touré qui avait pour partenaires privilégiés l'Union soviétique et des pays de l'ex-bloc marxiste-léniniste, l'ancêtre de la Russie.