Afrique: Absence de statut légal et présence d'usines de farine et d'huile de poisson - Un paradoxe qui hante les femmes transformatrices

communiqué de presse

Faute de ressources, au Sénégal, les femmes transformatrices des produits halieutiques rencontrent d'énormes difficultés. La présence des usines de farine de poisson exacerbe ce problème. Autrefois, ces femmes tenaient les charges familiales avec leurs revenus. Ce qui n'est plus possible aujourd'hui.

Avec l'avènement des usines, le métier de transformation des produits halieutiques ne nourrit plus son homme. Les femmes sont désormais contraintes de partager le peu de capture que ramènent les pêcheurs avec leurs concurrents. Elles se contentent la plupart du temps des étals vides, les usines ayant tout englouti. Pourtant, c'est un métier où s'activent des milliers de femmes.

Grâce aux efforts de nos mamans, tantes, soeurs et filles, toute la région ouest-africaine bénéficiait des produits transformés à des prix accessibles, comme en témoigne Maty Ndao, présidente des femmes transformatrices des produits halieutiques du site de transformation de Cayar. "Auparavant il y avait beaucoup de poissons. Certains pays de la sous-région venaient ici pour s'approvisionner en produits halieutiques. Les Burkinabés quittaient leur pays pour acheter du poisson fumé ici. Non seulement le produit était accessible mais surtout, on s'en sortait très bien, surtout, côté financier ", elle ajoute : " Le matin, j'étais pressée de venir au travail, car une fois devant les produits, je retrouvais le sourire". Un sourire qui vraisemblablement a été étouffé par les maux qui minent le secteur de la pêche.

Anta Diouf, femme transformatrice à Mballing, se souvient également de la belle époque, quand elle débordait de commandes venant de toutes parts dans le monde. Les revenus de leurs activités de transformation leur permettaient de subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs familles. Scolarité des enfants, frais d'hôpitaux, dépenses quotidiennes provenaient de leurs gains. De véritables piliers de familles ! " On n'attendait pas la dépense quotidienne de la part de nos époux.

Parce que notre commerce marchait très bien. Chaque matin, je sortais 6000 f pour la dépense. Nous sommes toutes des mères de famille. Au-delà de la dépense quotidienne aussi, chaque fin du mois, on faisait des économies pour les enfants afin d'assurer leur scolarité, leurs soins sanitaires et nos dépenses personnelles. Beaucoup d'entre nous sont des veuves et nos enfants sont encore des petits. Donc c'est à nous d'assurer les charges familiales ", affirme Maty Ndao.

Malheureusement depuis quelques années, les femmes transformatrices de produits halieutiques peinent à assurer ces charges familiales. Elles sont obligées pour la plupart de s'endetter pour survivre, ou sinon de se retrouver au chômage. À Cayar par exemple, le nombre de femmes sur le site de transformation a drastiquement diminué de 300 à 50, alors que chacune employait en moyenne 5 personnes, toujours selon Maty.

À cette allure, ce métier risque de disparaître. Il n'y a plus de travail. Certaines parmi elles sont obligées de monter d'autres petits commerces pour s'en sortir, comme la vente de fruits par exemple. "Quand je me rappelle de ces beaux moments au quai de pêche avec les poissons à n'en plus finir, et que je regarde la situation actuelle, j'ai les larmes aux yeux", confie la présidente de l'association. C'est dur. Les usines de farines de poissons ont leurs propres mareyeurs.

Depuis leur arrivée, le travail de ces femmes est à l'agonie. Les usines achètent tous les poissons à des prix élevés. Elles ont les moyens, ce qui n'est pas le cas pour les transformatrices. L'Etat doit prendre des mesures pour mettre un terme aux activités de ces usines, qui en plus de priver les femmes de leur matière première, pollue leur cadre de vie. " Nous subissons une concurrence déloyale de la part de ces usines, nous n'avons plus accès à la ressource. Là où on avait 50 caisses de poissons, aujourd'hui, on ne peut même plus avoir 20 caisses.

Nous voulons que les navires industriels et les usines de farine de poisson nous laissent avec nos petits poissons pélagiques. S'il s'agit des gros poissons, il n'y a pas de problème, ils peuvent pêcher. Mais qu'ils nous laissent avec les petits poissons ", fustige Anta Diouf. Lors d'un séminaire à Saint-Louis, les femmes ont exhorté les navires industriels à laisser les poissons pélagiques aux pêcheurs sénégalais. Mais cette décision n'a pas été respectée par les bateaux de pêche étrangers, souligne Maty Ndao. Pour toutes les deux, les femmes se battent pour les générations futures: " Nous voulons qu'à leur arrivée, ils trouvent quelque chose de notre part.

Comme nos parents l'ont fait pour nous. Mais ces usines tuent notre activité ". En ce jour où les femmes sont célébrées à travers le monde, vivement que l'Etat du Sénégal écoute ce cri de détresse des femmes transformatrices et prennent des mesures pour protéger leur métier et moyens de subsistance.

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