Ile Maurice: Lutte anti-corruption et blanchiment - À quoi servent ces saisies à la pelle ?

Depuis que Franklin a été arrêté par l'ICAC le 7 février dernier, les saisies de biens se font presque quotidiennement. Berlines et autres véhicules de luxe, motos et même bateaux sont concernés. Mais à quoi servent ces saisies en réalité ? D'autant que deux personnes au moins soupçonnées d'être des prête-noms de Jean Hubert Célerine ont déjà été relâchées.

Selon le juriste Rajen Narsinghen, il s'agit de saisies conservatoires, dites temporaires, jusqu'à ce que l'enquête des autorités concernées soit bouclée. Puis, en fonction des retombées, par exemple, si l'accusé a pu expliquer la provenance de ses biens, ceux-ci lui seront retournés. Alors qu'en cas de poursuite de l'enquête, les biens seront référés au bureau du Directeur des poursuites publiques (DPP) sous une accusation de blanchiment d'argent.

Si l'accusé est condamné, les biens seront vendus et l'argent encaissé par l'État. Mais pour notre interlocuteur, ces saisies faites par l'ICAC ne sont que du "cinéma". "Nous avons vu que, dans le cas des Gurroby, leurs bateaux leur ont été restitués alors que l'enquête était toujours en cours. Bien qu'ils aient aussi droit à la présomption d'innocence, est-ce qu'on a pu déterminer d'où venait l'argent avant de leur rendre leurs biens ?"

Dans le cas de Franklin, Rajen Narsinghen soutient que les autorités tardent à avoir des preuves qui l'incrimineraient pour trafic de drogue. "Par exemple, il y a eu une descente tardive sur le terrain à bail des Salines Pilot. Aujourd'hui, Franklin devra venir expliquer si vendre des burgers peut lui rapporter autant d'argent. Sinon, il risque de tout perdre à la suite d'unexplained wealth order", pas pour trafic de drogue.

Cimetière de voitures à Réduit ?

Pour l'avocat Penny Hack, il est urgent de saisir les biens de toute personne soupçonnée d'actes illicites ou de trafic de drogue pour empêcher cette personne de vendre, détruire ou cacher ses biens. On parle là de biens tangibles et non tangibles, comme des comptes en banque. Pour Me Hack, procéder à des saisies oui, mais les autorités doivent pouvoir le faire comme il se doit. "Il faut savoir conserver ces biens (NdlR : la cour de l'ICAC est remplie de voitures et autres véhicules et même de bateaux). Premièrement, parce qu'il se pourrait qu'il faille rendre ces biens aux propriétaires mais aussi parce qu'en cas de saisie définitive, c'est l'État qui bénéficierait de l'argent de leur vente. L'ICAC n'a pas bien réfléchi et planifié en ce sens."

Pourquoi la plupart de ces enquêtes tardent et que certains véhicules finissent par pourrir au Réduit Triangle ? Selon Penny Hack, il n'y a pas de communication et de collaboration entre la police - l'Anti Drug & Smuggling Unit - l'ICAC et la Financial Intelligence Unit (FIU).

Seulement six condamnations pour blanchiment

Selon le dernier rapport de l'ICAC de 2020-2021, seul six condamnations ont été obtenues pour blanchiment d'argent. On ne sait pas toutefois combien de ces six condamnés ont plaidé coupables. Les chiffres pour 2022 ne sont toujours pas disponibles. L'ICAC ne fournit aussi pas le nombre de plaintes traitées pour blanchiment d'argent. Or, ce nombre très bas de condamnations expliquerait, selon plusieurs légistes, le nombre grandissant de véhicules dans la cour de l'ICAC.

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