Le Père Didier Kambiré Holo, prêtre officiant désormais à la paroisse Saint Marc de Yopougon Toits Rouges, explique les dispositions pratiques qu'un chrétien catholique doit prendre durant le temps de carême. Il montre également l'importance de ce rite dans la vie du croyant.

Le Patriote: Qu'est-ce que le carême ?

Didier Kambiré Holo : Le carême vient du mot latin quadragésimal, qui veut dire quarantième jour avant Pâques. C'est ce temps de quarante jours que l'Eglise nous donne pour nous préparer avant cette solennité. Ce temps est meublé de plusieurs choses. Notamment la prière, le jeûne et le partage. Ce que nous qualifions de " trois P ".

LP : Quelles sont différentes étapes de cette période ?

DKH : Pour arriver à Pâques, le premier jour du temps de carême commence par le mercredi des cendres. Dans l'ancien temps, l'on comptait 46 jours. C'est-à-dire du dimanche jusqu'à Pâques. Pour l'église, l'on s'est dit, pourquoi le Seigneur a fait 40 jours de préparation pour commencer son ministère ? Elie s'est préparé quarante jours avant de monter sur le mont Horeb.

Moïse également a fait 40 jours pour recevoir les tablettes de la loi. En rapport donc avec les 40 jours que le Seigneur a faits, où lui-même s'est appuyé sur Moïse et Elie, l'Eglise a donc décidé de faire également les 40 jours de préparation pour aller à Pâques. Il y a donc le mercredi des Cendres et le dimanche de Pâques ou le Triduum pascal. La Semaine sainte commence avec la bénédiction et la cérémonie des rameaux, qui nous rappelle l'entrée triomphale de Jésus à Jérusalem. Ces rameaux seront conservés soigneusement pour utiliser leurs cendres pour l'année suivante.

Avec le Jeudi saint où on a le lavage des pieds, on est en plein dans la Semaine sainte. Quand on enlève les dimanches, à partir du mercredi des Cendres jusqu'à Pâques, cela fait exactement quarante jours. Les dimanches ne sont pas comptabilisés dans le carême. Chez les catholiques, dimanche est un jour de résurrection. Ce n'est pas un jour pour faire la pénitence.

LP : Quels sont les moments les plus importants de la Semaine sainte ?

DKH : C'est le Jeudi saint que commence le Triduum pascal. C'est la messe de la Sainte-cène. La messe où Jésus a fait, non seulement, l'eucharistie, mais il a institué le sacrement de l'Ordre (chaque fois vous ferez cela, c'est en mon nom que vous le ferez). Il y a le Vendredi saint qui est la commémoration de ce que Jésus a vécu le vendredi où il rendu l'âme. Pour l'Eglise, ce n'est pas un simple souvenir, c'est revivre pleinement à la manière vivante. Ce jour-là, le fidèle doit avoir une attitude particulière devant la Croix. Et ce, jusqu'à ce que la Veillée pascale commence.

C'est le seul jour dans l'Eglise où la Croix est comme adorée. Ce vendredi est consacré à la célébration des présentifiés. Ceux qui ont communié le jeudi soir, communieront le vendredi soir, mais cette célébration n'est pas une messe en tant que telle. Après cette célébration, nous entrons dans un silence. Cela va ressembler au silence du tombeau de trois jours que Jésus a vécus. Le soir de la veillée pascale, nous entonnons le chant appelé Alléluia. C'est le chant d'allégresse par excellence pour dire la gloire de Dieu.

LP : Quelles attitudes les fidèles doivent-ils adopter en ce temps de pénitence ?

DKH : Les chrétiens doivent mettre en application les "3 P" (prière, pénitence et partage). Sachez que, contrairement à nos frères musulmans qui jeûnent 30 ou 31 jours, chez nous, c'est quarante jours. Cela, en rapport avec ce que Jésus a vécu en préparation pour son ministère. Au départ, on pouvait jeûner autant que faire se peut. Mais, l'Eglise est entrée dans une logique selon laquelle, nous sommes dans un monde où les activités professionnelles et autres demandent que nous soyons présents en nous-mêmes. Car, quelqu'un qui se met à jeûner est diminué, sans grande force pour les tâches qu'on lui a confiées.

C'est compliqué. Physiquement il n'aura pas assez de force pour exécuter cette tâche. C'est pour cela que l'Eglise a retenu deux jours obligatoires qui sont : le mercredi des Cendres et le Vendredi saint. Parce que, ce jour-là, nous commémorons la Passion et la mort du Christ. Cependant, ceux qui peuvent jeûner le reste des jours pour obtenir grâces ou bénédictions, peuvent le faire sans souci. Ce sera l'idéal.

LP : Comment réussir son carême ?

DKH : L'Eglise recommande alors un repas par jour. Normalement, il est bien d'avoir trois repas par jour. Mais, pendant le temps de carême, il vous est demandé un seul repas par jour. Ce temps nous oblige à nous rapprocher plus du Christ. C'est-à-dire que vous devez multiplier les prières quotidiennes contrairement à celles que vous aviez l'habitude de faire par jour.

C'est un effort que chaque fidèle doit faire pour se rapprocher davantage du coeur de Dieu. Il faut beaucoup se consacrer à la prière, à la pénitence qui est un effort sur soi-même pour pouvoir diminuer les habitudes qui ne plaisent pas à Dieu, ce, pour ne pas que vous l'on soit tenté. C'est une période où l'église nous oblige à beaucoup partager, à travers la charité. Et ce, en se privant de certaines choses qui ne sont pas véritablement utiles. Il faut avoir un bon comportement chaque année à travers le carême. D'un carême à un autre, il faut chercher à bonifier son comportement.

LP : Quelles sont les dispositions à observer durant le jeûne ?

DKH : La privation de nourriture pendant le carême correspond à notre élévation. Quand on se prive de nourriture, le reste doit servir à faire l'aumône et pour s'élever vers Dieu. Selon Gandhi, "Le jeûne constitue pour la vie intérieure ce que les yeux sont pour la vie extérieure". Alors il faut un peu plus de temps de chapelet, de rosaire ou l'adoration durant le temps de carême.

Logiquement tout chrétien qui n'est pas marié ne doit pas avoir des rapports intimes avec une femme qui n'est pas son épouse. Sur ce sujet, Jésus a été clair. Quand vous regardez une femme dans ses yeux et que vous vous consentez à ce regard de possibilité d'aller ensemble, sachez que vous avez commis le péché en pensée. Il faudra confesser cela. C'est pour cela que quand la tentation est forte, il faut se mettre en prière pour éviter cela. Car le jeûne affine notre volonté et fortifie également notre volonté.

LP : Pour terminer, y a-t-il des activités particulières à mener durant ce temps de carême ?

DKH : Il est important de souligner que la participation aux messes est très vitale. Il est conseillé, à part les dimanches, de prendre part au chemin de croix les vendredis et aux différentes messes. Ce qui signifie qu'il faut participer à au moins deux messes dans la semaine. Il faut également participer aux temps d'adoration dans les paroisses dotées de ce privilège. C'est un temps d'entrainement aux combats spirituels. Le temps de carême est une aubaine que l'église donne de rester vif dans notre vie chrétienne.