À l'époque de cette Chronique du 9 juillet 1997, cela faisait vingt ans, depuis décembre 1976, que les Comoriens de la ville de Majunga durent être évacués au cours d'une "opération Sabena", du nom d'une compagnie aérienne belge, après le massacre d'un millier (?) d'entre eux par des Betsirebaka et des Antandroy. Pourtant, deux ans plus tard seulement, en mai 1978, après l'assassinat du président comorien Ali Soilihi dont parle la chanson des "Lôlô sy ny Tariny", des Comoriens revinrent à Madagascar. Encore 45 ans, et on assiste à l'immigration inverse : la mort en mer d'une trentaine de Malgaches qui tentaient clandestinement de rejoindre Mayotte, DOM français distant de 400 kilomètres, fait la Une des journaux. Entretemps, Madagascar s'est enfoncé dans le quart-monde des pays les moins avancés.
(début de citation)
Chanson prémonitoire des Lolo sy ny tariny en 1978 : " Indro Kaomôro niverina, niverina ho colonie ". L'histoire raconte qu'en juillet 1912, les Comores furent rattachées à Madagascar. Et les rats de bibliothèque savent qu'au siècle dernier, les princes malgaches qui ont souffert de la fortune de la guerre, allèrent s'exiler et régner aux Comores, comme Ramanetaka, cousin germain de Radama I, fuyant les sbires envoyés par Ranavalona Ière. On se souvient de Mohamed Djohar, Président de la République des Comores, qui a fait ses études chez nous, devisant allègrement en malgache.
Au référendum de 1974, la Grande Comore, Anjouan et Mohéli choisirent l'indépendance, tandis que Mayotte optait pour son rattachement à la France. La relative prospérité de Mayotte, comparée au sous-développement du reste de l'archipel, explique que des séparatistes anjouanais veuillent aujourd'hui rejoindre le bercail de la France. Alors que le drapeau national comorien comporte une quatrième étoile, symbole d'un retour de Mayotte parmi les autres Comoriens, Anjouan, où s'enfuit Ahmed Abdallah en juillet 1975, brandit le drapeau tricolore.
Encore une fois, et sans préjuger de la dimension de ce mouvement séparatiste, le peuple risque de faire l'histoire. Quand ce n'est pas avec les pieds, qui emportèrent le mur de Berlin, ce sera par les boutres comme l'immigration massive vers le havre français de Mayotte. Les gens ne sont pas fous, de rester fidèles à un régime incapable de les nourrir alors qu'à portée de vue, par temps clair, d'autres Comoriens vivent grassement.