Ile Maurice: Ashwanee Budoo-Scholtz - Droits humains et vertus de la patience

Ashwanee Budoo-Scholtz est deputy director pour l'Afrique de Human Rights Watch (HRW). Elle était la modératrice au lancement du rapport de HRW accusant les Etats-Unis et le Royaume-Uni de crime contre l'humanité envers les Chagossiens.

Goûter pour la première fois à un plat chagossien. En conserver précieusement la chaleur des épices et la brûlure du déplacement forcé, encore si vive 50 ans plus tard. Ces émotions, Ashwanee Budoo-Scholtz a su les partager dans le cadre très formel de la présentation du rapport de Human Rights Watch (HRW), That's when the nightmare started UK and US forced displacement of the Chagossians and ongoing criminal crimes, le 15 février dernier.

Deputy director pour l'Afrique de HRW, la Mauricienne a agi comme modératrice lors de la présentation de ce rapport accusant le Royaume-Uni et les Etats-Unis de crime contre l'humanité envers les chagossiens. Ashwanee Budoo-Scholtz, 34 ans, originaire de Nouvelle-France, occupe le poste de deputy director pour l'Afrique de HRW depuis le 1er août 2022. Elle est basée à Pretoria, en Afrique du Sud.

Ce rapport sur la situation des Chagossiens est son premier projet pour le compte de HRW. Quand elle intègre l'ONG américaine, les travaux sont déjà lancés. Pour les renforcer, il faut du travail de terrain. Ashwanee Budoo-Scholtz rentre à Maurice pour une immersion auprès de la communauté chagossienne. "Je croyais connaître cette histoire, mais je me suis rendue compte que leur histoire personnelle m'échappait."

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Elle assiste aux réunions des Chagossiens dans les locaux de l'association Les amis d'Agaléga. Elle accompagne l'équipe de HRW qui réalise un émouvant documentaire sur les Chagossiens. "J'ai vu comment ceux qui ont des difficultés se rencontrent une fois la semaine pour que quelqu'un les aide à remplir le formulaire de demande du passeport britannique. C'est un sens d'appartenance extraordinaire."

Le séjour est aussi rythmé par le plaidoyer auprès des autorités. Elle a eu des rencontres avec le bureau du Solicitor General, celui de la Haut-commissaire britannique, celui du Premier ministre. "HRWatch ne parle pas de souveraineté. Nous nous concentrons sur les droits humains."

Réaliste, Ashwanee Budoo-Scholtz le concède : "Le plaidoyer en faveur des droits humain est un domaine où vous ne devez pas vous attendre à des résultats immédiats. Il faut revenir continuellement sur la question. Ce n'est pas parce que vous en parlez aujourd'hui que les droits des femmes, des enfants, des minorités vont arrêter d'être bafoués. Vous faites de votre mieux en vous disant que vous contribuez à construire un meilleur avenir."

Une philosophie qu'elle a forgée au fil de son expérience professionnelle. Avant d'intégrer HRW, elle a travaillé de 2017 à 2022 pour le Centre for Human Rights à l'université de Pretoria. "Quand vous arrivez, vous avez tellement d'énergie, vous voulez changer le monde. Pour être honnête, c'est un peu frustrant au début."

Mais les convictions sont intactes. La deputy director confie : "I really feel the time was yesterday for them to return. Bien sûr, les Chagossiens doivent avoir droit à une meilleure compensation. Mais j'en ai rencontré certains qui disaient : "ki mo pou fer ar kas sa laz la" ?" Ce qui leur tient le plus à coeur est de revoir leur terre natale. "Je comprends totalement. Même si ma maison est en Afrique du Sud, 'home' pour moi, c'est Maurice." Ashwanee Budoo-Scholtz a épousé un Sud-Africain il y a deux ans et demi.

Aînée de trois enfants, née d'une femme au foyer et d'un père chauffeur-livreur, Ashwanee Budoo-Scholtz étudie le droit à l'Université de Maurice. Dans l'idée de se spécialiser dans les lois de la finance. Mais le déclic se produit quand elle assiste à un procès simulé devant l'African Commission on Human and Peoples' Rights, un exercice auquel se livrent les étudiants en droit.

L'étudiante décroche une bourse pour une maîtrise financée par l'Union européenne et le German Academic Exchange, pour des étudiants de milieux défavorisés, pour qu'à leur tour ils militent en faveur des droits humains. En 2012, direction l'Afrique du Sud pour le mastère. Elle rentre en 2013 pour les examens du barreau auxquels elle échoue. Elle ne reste pas sur un échec et postule pour une bourse doctorale à l'université de Pretoria. Dans la foulée, elle est attachée auprès du Rapporteur spécial des droits des femmes en Afrique pendant deux ans et demi, jusqu'à ce qu'elle termine son doctorat.

Mariage des enfants, exploitation sont autant de sujets qu'elle traite. "Quand vous rentrez du travail, vous réfléchissez beaucoup au sens de la vie. A la chance que vous avez d'avoir eu une éducation. Et de faire ce que vous faites." Chez Human Rights Watch, on met l'accent sur le counselling, dit-elle. "Parce que vous prenez soin des autres, mais qui prend soin de vous ?"

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