Sénégal: Idrissa Baldé, SE Commission nationale de régulation des loyers - ' La Conarel peut s'autosaisir sur toutes les questions...'

19 Mars 2023
interview

Le Chef de l'État Macky Sall a nommé, le 1er mars 2023, Idrissa Baldé, Secrétaire exécutif de la Commission nationale de régulation des loyers des baux à usage d'habitation (Conarel). Maître de Conférence à l'Université Gaston Berger de Saint-Louis, Idrissa Baldé revient, dans cet entretien, sur les missions de cette structure, les attentes des populations sur la baisse des prix du loyer qui est entrée en vigueur le 1er mars 2023.

Vous êtes nommé, depuis le 1er mars 2023, Secrétaire exécutif de la Commission de régulation des loyers des baux à usage d'habitation. Quelles sont les missions assignées à cette nouvelle entité ?

Quand on dit nouvelle ça renvoie à beaucoup de choses. Dans le cadre d'une institution, ça renvoie à tout faire. La chance que nous avons est que les missions vont être notre repère, notre référentiel pour pouvoir assurer cette mission. La mission est fixée par un décret. Ce sont des missions intangibles qui me lient. La Commission a pour missions de veiller à l'application du dispositif de régulation des loyers des baux à usage d'habitation adapté à la situation économique du pays. C'est ce qui est dit dans l'article 2 du décret. Dans le détail, on nous dit qu'elle est chargée de fixer les barèmes de location en fonction des zones géographiques, de connaitre le règlement à l'amiable des litiges relatifs à la situation des loyers et des charges locatives, de proposer des mesures pratiques visant à renforcer la lutte contre les hausses illicites et les pratiques spéculatives au niveau du marché locatif. Elle va aussi contribuer à l'amélioration du dispositif d'accompagnement relatif à l'accès au logement et va recevoir les réclamations des parties en matière de loyer. Enfin, elle va s'autosaisir sur toutes les questions entrant dans son domaine de compétence. Si on doit résumer ces missions, c'est d'abord la régulation qui consiste à équilibrer les barèmes en fonction des données réelles. On a tendance à parler de surface corrigée qui ne revient plus à n'importe qui, ni au bailleur, ni au locataire, de fixer son prix du loyer. Nous allons proposer des mesures pour renforcer la lutte contre les hausses des locations.

Ce sont ces mesures techniques qui vont lier, à la fois, le locataire et le bailleur. Ensuite proposer des mesures pour améliorer l'accompagnement des populations dans l'obtention d'un toit. L'esprit de cette mission est de répondre aux besoins des Sénégalais. Le problème locatif est très sérieux. Il est à la fois économique, social et même politique. C'est une création pertinente parce qu'elle propose des solutions justes et durables à un problème mais pertinent parce que l'efficacité pourra être visée par rapport à la pertinence qui est déjà là, articulée aux actions pour arriver à une efficacité certaine. La question de la baisse du loyer n'est pas nouvelle. Cette fois-ci nous voulons que ça soit vraiment efficace. C'est une mesure salutaire qui fait partie de la vision éclairée de son Excellence le Président Macky Sall qui est à l'écoute du peuple et qui cherche toujours des solutions à apporter à ses problèmes.

La Commission a été mise en place bien après le décret sur la baisse du loyer qui a été publié le 24 février 2023. Comment comptez-vous vous y prendre pour vous rattraper ?

C'est vrai, beaucoup de gens s'interrogent ; " où est la Commission, où est le Secrétaire exécutif ? " Même si la question est pertinente rien ne sert de courir, il faut partir à point. C'est vrai, le décret est sorti, on en parle. Chaque jour, je reçois énormément de demandes, des questions par rapport à ce décret. Ça donne l'impression qu'on oublie un peu même la Commission mais elle est en train de faire son chemin. Nous avons déjà proposé un organigramme. Á partir de l'organigramme nous allons élaborer un projet de budget et ce projet de budget c'est pour prendre en charge les besoins en termes d'investissements et de fonctionnement de la Commission. L'un dans l'autre, nous prenons le train en marche. Le Ministre du Commerce Abdou Karim Fofana nous a réservé un accueil chaleureux, un accueil qui favorise déjà un travail qui ne peut déboucher que sur des résultats efficaces. Nous sommes dans une situation de recherche-action. Nous ne pouvons pas attendre que la Commission soit organisée de la manière la plus scientifique possible et ensuite travailler. Nous allons travailler, nous allons faire du rattrapage. Nous nous impliquons dans la campagne d'informations relative au décret sur la baisse tout en continuant à organiser cette Commission. Je travaille avec le président de la Commission, avec un secrétaire exécutif adjoint, des gens qui ont l'expertise de la question et c'est ce groupe qui travaille dans l'informel pour l'instant mais qui doit travailler pour formaliser cette Commission. Nous contribuons largement à l'information du public, à la réponse aux attentes du public mais tout en nous organisant pour la mise sur pied de la Commission.

Une baisse du loyer a été appliquée en 2014 mais elle a connu un échec. Est-ce que les leçons du passé sont bien tirées ?

Quand nous avons fouillé la documentation, rencontré des experts sur la question, il y a eu déjà une loi de 1981, ensuite la loi de 2014. Aujourd'hui on part de cette situation pour ne pas échouer. Aujourd'hui, tout le monde est d'accord que nous ne devons pas échouer. Tantôt j'ai parlé de la pertinence de la mesure, tantôt j'ai dit que l'efficacité de la mesure de baisse du prix du loyer est une attente sociale. Nous avons suffisamment de ressources humaines de qualité, de ressources matérielles pour arriver à concilier les bailleurs et les locataires autour des concepts d'équité et de justice sociale. Equité dans le sens où toutes les deux parties, locataires et bailleurs, chacun doit être dans son droit. Nous ne sommes pas des juges du loyer, nous sommes là pour l'application des textes. Quand il y a des incompréhensions, nous faisons appel à une conciliation. Le locataire vient chercher un toit décent qui répond aux normes, le bailleur a investi, ce sont des questions à la fois sociale et économique.

Mais est-ce que la Commission a un pouvoir de sanctions ?

Comme on dit en droit, pour constituer une faute, il y a trois éléments : l'élément légal qui est déterminant, l'élément matériel et l'élément moral. En tant que Commission, nous nous appuyons sur l'élément légal qui est la loi qui dit voilà ce qu'il faut faire. En cas d'insuffisances, voilà ce qui attend le fautif. Nous pouvons même saisir celui qui doit sanctionner. La Commission n'est pas dans la sanction, nous sommes dans la régulation. Nous faisons des contrôles qui vont nous permettre d'aller vers les populations, les écouter, de traiter leurs demandes. Chaque fois, nous mettons en avant les deux parties pour leur dire que vous avez intérêt à vous entendre et nous sommes là pour cela. Aujourd'hui, on ne doit pas pouvoir sanctionner un Sénégalais pour un autre Sénégalais. L'esprit fort de la Commission est de créer un climat de dialogue permanent entre l'offre (le bailleur) et la demande (le locataire). Quand on arrivera à dire avec les surfaces corrigées à tel niveau, à tel bâtiment voilà sa valeur locative et qu'on s'entende sur cela, ce sera une question qui relève de la compétence de la Commission. En ce moment, nous ferons tout pour qu'il y ait une véritable régulation dans un sens d'esprit d'équité et de justice sociale.

Comment comptez-vous travailler avec les bailleurs et les locataires ?

Déjà, toutes les deux parties sont représentées dans le Conseil d'orientation. Aujourd'hui, on cherche à étendre, à voir quelles sont les multiples associations. La dernière fois, j'avais suggéré à mon équipe de s'adresser au Ministère de l'Intérieur car on ne peut pas traiter avec n'importe quelle association. Ce sont celles qui sont reconnues par l'Etat du Sénégal qui peuvent entrer dans ces discussions. Dans le Conseil d'orientation qui a une vocation de décision et d'analyse des problèmes, c'est à ce niveau où on va les entendre, les écouter sans compter que nous serons nous-mêmes sur le terrain à les rencontrer, à les écouter. Il y a aussi un numéro vert où on reçoit énormément d'appel. Ce sera un dialogue permanent pour arriver à régler définitivement la question du loyer.

Quels sont les risques encourus par un bailleur qui refuse d'appliquer la baisse qui est entrée en vigueur le 1er mars 2023 ?

On applique la loi. La Commission peut s'autosaisir sur toutes les questions relevant de sa mission. Si un locataire constate que son bailleur ne veut pas appliquer la loi, nous sommes saisis. Nous serons à l'écoute des populations pour prendre en charge toutes ces questions.

Est-ce que la Commission aura les ressources humaines suffisantes pour répondre à toutes les demandes et réclamations des populations ?

Ce sont des critères indispensables pour atteindre des résultats. Des ressources humaines, nous en avons suffisamment au Sénégal. Il ne reste qu'à les mobiliser. Nous ne pouvons pas prendre tout le monde dans la Commission mais il est dit dans le décret que la Commission peut s'adjoindre toutes les compétences nécessaires. Il nous est donné le loisir de chercher des compétences dans des domaines qui interpellent notre mission. Compte tenu de l'importance que le Chef de l'Etat accorde à notre mission, sous l'égide du Ministre du Commerce, Abdou Karim Fofana, nous osons espérer que nous aurons les ressources humaines, matériels nécessaires.

Comment la Commission compte travailler dans les autres régions du pays ?

Dans la mise en place de la Commission, nous avons pensé au projet de lettre que nous devons faire pour les gouverneurs. Ce sont les gouverneurs qui vont créer ces commissions dans les régions et les présidents de ces commissions vont être des responsables régionaux du Commerce. C'est au niveau de ces comités régionaux que va être apprécié l'opportunité de créer des comités départementaux. Beaucoup de ministères seront représentés dans le Conseil d'orientation. Il y aura les architectes, les huissiers, les bailleurs. Au niveau déconcentré, nous allons chercher à avoir la même composition mais sous l'égide des responsables du Ministère du Commerce au niveau régional. Le gouverneur va prendre un arrêté de création de ces structures. C'est cette commission régionale qui va apprécier la nécessité de créer des commissions départementales ou non.

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