Dakar — L'écrivain, conteur et professeur de lettres modernes Massamba Guèye estime que loin d'être "des facteurs bloquants", l'audiovisuel et l'internet représentent "des niches d'opportunité" pour le conte.
"Le conte est devenu aujourd'hui un art de la scène et des médias. Et les espaces, outils--la télévision, l'internet, la radio-- ne sont pas des facteurs bloquants pour l'art oratoire dont le conte, mais ce sont des niches d'opportunités à saisir", a-t-il déclaré, samedi, lors un entretien accordé à l'APS à Ker Leyti.
La maison de l'oralité et du patrimoine "Ker Leyti", situé dans le quartier de Keur Massar, dans la banlieue dakaroise, prépare la journée mondiale du conte prévue lundi.
Le conteur Massamba Guèye estime qu'il faut s'adapter au contexte actuel pour donner au conte sa chance.
Il a rappelé que les conteurs ont été formés aux outils du numérique avec le Fonds Force-Covid-19, mis en place par l'Etat sénégalais, afin de les aider à profiter des avantages du numérique.
"Nous avons beaucoup de sites internet dédiés au conte, notamment, conteafrica.org, kerleyti.com, dans lesquels on diffuse des contes, sur des chaînes youtube, les réseaux sociaux, comme Tiktok, Instagram, Facebook dans lesquels on dit nos contes au-delà des sites classiques", a indiqué l'ancien directeur général du théâtre national Daniel Sorano.
Selon lui, l'émission radiophonique "Contes et légendes" diffusée depuis 2000, sur Radio Sénégal internationale (RSI), chaque mercredi, a permis de sauver 1200 contes sénégalais et même africains. Et les pièces de théâtre radiophonique "Makhouradia Guèye chauffeur de taxi", et "Les nuits du conte" du comédien Pape Faye ont beaucoup aidé le conte, qui est "un art démocratique".
L'émission "La télé est à nous" sur la Radiodiffussion télévision sénégalaise (RTS), a aussi permis au conte de gagner de l'ampleur. Il y a aussi les podcasts "Xam sa demb, xam sa tey", initiés par le Goethe institut Dakar et qui racontent l'histoire générale du Sénégal.
C'est selon le fruit d'un combat mené depuis 1997 par des conteurs tels que Babacar Mbaye Ndack, Mame Daour Wade, Aziz Guèye, Mapenda Sarr, Ibrahima Ndiaye "Mame Yakhi Laalo", Khalima Sarr, Serigne Ndiaye Gonzales, entre autres.
"Notre combat en 1997 était d'amener le conte à la télévision, à la radio et pour que les gens comprennent que celui qui dit un conte n'est pas quelqu'un qui n'a pas de valeur", explique-t-il.
L'ancien professeur de français au lycée des Parcelles Assainies se réjouit que les conteurs aient réussi à placer la parole à un très haut niveau aujourd'hui.
Massamba Guèye en veut pour preuve les cérémonies présidentielles où les maîtres de cérémonie sont des conteurs.
L'inauguration du stade du président Abdoulaye-Wade, les audiences des joueurs des équipes nationales au Palais, le Forum de l'eau au Sénégal sont autant d'évènements à l'occasion desquels des conteurs ont eu à s'illustrer comme maîtres de cérémonie, a-t-il relevé.
"Le conte a donné une stature a cette forme de parole traditionnelle. Ce qu'il avait perdu sur le plan social, il est en train de le regagner dans l'espace familial, en passant par un art de la scène et un art des médias", a souligné le professeur de lettres modernes.