Le journaliste français Olivier Dubois est donc libre après plus de 700 jours passés aux mains de ses ravisseurs du Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (Jnim). Après cette libération, on peut commencer à se poser des questions autour des dessous de cette libération et de celle d'un autre otage, un humanitaire américain, Jeffery Woodke.
À leur retour, les deux otages ont remercié la France et le Niger, raconte Gaëlle Laleix, du service Afrique de RFI. Les États-Unis, quant à eux, ont exprimé leur gratitude vis-à-vis de Niamey pour " avoir permis le retour à la maison " de Jeffrey Woodke, a déclaré Jake Sullivan, le conseiller américain à la sécurité nationale. Un grand secret entoure les conditions de libération des deux otages.
L'implication de l'État nigérien dans des négociations ne fait en revanche plus de doutes. Une dizaine de jours avant la libération d'Olivier Dubois, le chef d'état major de l'armée nigérienne est arrivé à Bamako où il a été reçu par le président de la transition, le colonel Assimi Goïta, écrit notre correspondant régional, Serge Daniel. Le haut gradé nigérien est officiellement venu parler des problèmes de sécurité entre les deux pays qui ont une frontière commune. Le sort du journaliste a-t-il été évoqué discrètement ?
Libération d'Olivier Dubois: édition spéciale du 21 mars
" Le savoir-faire des services nigériens "
La certitude, c'est que, au fur à mesure que les relations entre le gouvernement français et les militaires maliens se dégradaient, les négociations avec les ravisseurs d'Olivier Dubois n'avançaient plus vraiment. Paris aurait donc sollicité Niamey pour accélérer les démarches.
C'est ce que pense Abba Sedick, essayiste nigérien, ex-rédacteur en chef à Jeune Afrique, et spécialiste du Sahel, pour qui " les services nigériens [...] ont construit une certaine expertise dans les négociations difficiles " : " Comme l'a dit Pierre Legrand [otage durant plus de trois ans au Sahel, entre 2010 et 2013, Ndlr], lorsque le président Mahamadou Issoufou s'installe au pouvoir en 2011, il hérite de ce dossier puisqu'ils avaient été enlevés en septembre 2010 à Arlit. Et une de ses préoccupations, c'est justement d'obtenir rapidement des résultats. "
Il poursuit : " Le président Mohamed Bazoum a une connaissance de ce dossier puisqu'il était ministre des Affaires étrangères au moment du premier épisode. Il a été ministre de l'Intérieur. Donc, lui-même a une connaissance de cette question. Mais il s'est entouré aussi d'une Task force dont il a hérité du président Issoufou, qu'il a maintenue, et le savoir-faire des services nigériens puisqu'ils ont obtenu il y a quelques mois, au mois d'août, la libération d'une otage américaine. "
Olivier Dubois et Jeffrey Woodke étant sur le territoire malien, il a fallu la coopération des " hommes de terrain ". On parle de plus en plus d'un médiateur connu de la région malienne de Kidal. Il aurait joué un rôle central entre les autorités nigériennes et les jihadistes.
Depuis février 2022, les autorités ont amorcé des discussions avec des groupes terroristes. Un premier succès a été rencontré en août, avec la libération d'une religieuse américaine, Soeur Suellen Tennyson. Des sources proches du dossier avaient alors assuré à RFI qu'aucune rançon n'avait été payée. Un membre d'un groupe armé avait en revanche été libéré.
La question d'éventuelles contreparties
Sur la question d'éventuelles contreparties, notre journaliste David Baché ajoute durant une édition spéciale de RFI : " Les déclarations officielles disent qu'il n'y a pas eu de rançon. Des sources sécuritaires nigériennes assurent qu'il n'y a pas eu non plus d'échanges de prisonniers. En tout état de cause, il est difficile de penser qu'il n'y a eu aucune contrepartie. Mais au moment où nous parlons, nous sommes incapables de dire ce qu'ont été ces éventuelles contreparties. "
Le paiement d'une rançon pour la libération d'Olivier Dubois et Jeffrey Woodke " semble un scénario bien éloigné de la vérité " confie un conseiller de la présidence nigérienne. La fin de leur captivité intervient quelques jours après la visite à Niamey du secrétaire d'État américain, Anthony Blinken. Preuve tangible d'un solide partenariat.