Si un fort taux d'inflation était attendu, suivant les ravages de la pandémie sur l'économie mauricienne, une hausse de la consommation et de l'endettement des ménages dans cette conjoncture est toutefois surprenante. En effet, la dette des ménages affiche Rs 146 milliards à janvier 2023. Aussi, le dernier Financial Stability Report de la Banque de Maurice indique que les crédits aux ménages ont augmenté au cours du premier semestre 2022, principalement des crédits immobiliers. Par conséquent, le taux de croissance annuel du crédit aux ménages a atteint son plus haut niveau en huit ans, soit 13,3% en juin 2022. Ce qu'il est intéressant de noter, c'est qu'entre décembre 2021 et juin 2022, le taux directeur variait de 1,85 % à 2,25 %.
En d'autres mots, même si les Mauriciens avaient conscience des difficultés économiques à venir, à savoir un fort taux d'inflation en pleine baisse de croissance post-Covid, ils ont quand même fait le choix d'augmenter le poids de leurs dettes, encouragés évidemment par la réaction tardive de la Banque centrale à renforcer sa politique monétaire. À présent, avec un taux directeur de 4,5 % et des risques de nouvelles hausses pour atteindre nos objectifs inflationnistes, le retour de bâton de l'endettement des ménages risque de faire mal.
Qu'est-ce qui explique cette tendance à la hausse de l'endettement des ménages ? Selon le rapport de la Banque centrale, les conditions favorables de l'économie et du marché du travail, et les mesures de soutien de l'État dans cette période post-Covid ont contribué à la forte croissance des crédits aux ménages.
Bien que l'augmentation de 40 points de base du taux directeur au cours des six premiers mois de 2022 ait entraîné une hausse des coûts d'emprunt, les taux d'intérêt du marché sont restés favorables pour le crédit immobilier à l'époque, ce qui a permis une croissance continue. Une époque, on l'aura compris, révolue.
Il est intéressant de noter que les crédits non-immobiliers aux ménages ont aussi augmenté à un taux annuel de 12,6 % à fin juin 2022, indiquant une tendance à la hausse soutenue de la consommation. Justement, les dépenses de consommation des ménages ont augmenté à un taux annuel de 13,1 % au deuxième trimestre 2022.
Cependant, la Banque centrale met en garde : des changements dans la situation économique et sociale des ménages, tels qu'une augmentation des taux d'intérêt, pourraient avoir un impact sur leur capacité à rembourser leur dette, même si leur solvabilité est satisfaisante dans des conditions stables. "Risks to financial stability arising from the household sector have so far been well contained. Risks to the outlook have increased, though. Monetary policy tightening, high inflation and the phasing-out of several pandemic-related support measures as from 1 July 2022 may exert financial strains on households going forward", prévient la Banque de Maurice.
Il ne faut pas oublier que dans une situation inflationniste, les revenus réels des ménages sont en baisse, tout coûtant plus cher, ce qui peut avoir un impact sur la capacité de remboursement des dettes. Si le ménage donne priorité à ses dettes, d'un autre côté c'est la qualité de vie qui prend un sacré coup, d'autant que les moratoires pour le remboursement des dettes ne sont plus d'actualité. Actuellement, certains Mauriciens se voient dans l'obligation de vivre par la dette, incluant l'achat à crédit pour certaines nécessités ou la renonciation à certaines habitudes, dont l'alimentaire, pour pouvoir tenir leur engagement vis-à-vis de leur banque.
En attendant, compte tenu du déficit commercial et de la dépréciation sévère de la roupie vis-à-vis de nos devises de réserve principales, soit l'euro et le dollar, la forte inflation persistera quelque temps, du moins le temps que les nouvelles mesures de la banque centrale aient un impact, rendant le repaiement des dettes encore plus difficile.
"Risks to financial stability arising from the household sector have so far been well contained. Risks to the outlook have increased, though. Monetary policy tightening, high inflation and the phasing-out of several pandemic-related support measures as from 1 july 2022 may exert financial strains on households going forward."
Donc, finalement faire le choix de l'endettement n'est pas sans conséquence, surtout en période inflationniste, avec une roupie sévèrement dépréciée depuis le début de l'année, l'euro ayant franchi la barre des Rs 50 et le dollar s'échangeant à Rs 46,95, selon le taux de change indicatif de la SBM. Pour le contexte, la dépréciation de la roupie exerce une pression continue sur les prix, entraînant une hausse de l'inflation qui est pénible pour les plus démunis, même si elle remplit la caisse de l'État à travers l'augmentation des recettes provenant de la TVA et du carburant, entre autres. Maîtriser la dépréciation de la roupie devrait donc aussi être une priorité pour l'État et la Banque centrale, s'ils sont engagés à combattre l'inflation.