Après L'Oiseau du Paradis et tant d'autres abris, en voici un autre, mais un shelter privé cette fois, géré prétendument dans un but non lucratif. Le paiement des subventions par enfant tenterait-il certains ?
Surpopulation, manque d'hygiène, personnel pas formé et surtout manque d'expertise de la direction de l'abri Pure Mind Heaven, un nom qui fait penser à l'autre abri au nom tout aussi paradisiaque, L'Oiseau du Paradis. En fait, dit Stéphanie Anquetil, c'est l'enfer pour ces enfants déjà malheureux car sans famille ou séparés de leurs parents. Aux maux psychologiques s'ajoutent maintenant des maux physiques. Et cela, alors que ces abris devaient offrir une nouvelle vie à ces enfants innocents et isolés.
La députée travailliste a fini par se demander si les abris privés et même publics ne sont pas intéressés uniquement par les crédits accordés par le gouvernement. "Rs 12 000 par enfant ! Est-on en train de faire de l'argent sur le dos de ces enfants ?" s'est-elle demandé lors de la conférence de presse du PTr le 17 mars. Car toujours, selon elle, cet abri accueille 25 à 30 enfants. Un peu comme ces classes surchargées. Un simple calcul indique pour 25 enfants une rentrée d'argent de Rs 300 000 par mois. "Ceci explique-t-il cela ?" se demande-t-elle.
Odeurs nauséabondes
Il faut ajouter à cela les subventions reçues du privé. Quelle est la valeur de l'aide ainsi reçue ? Lutchmee Gokhool, la présidente de l'Association Pure Heaven Mind, a promis de nous donner les chiffres et les détails mais elle n'est pas revenue vers nous. En tout cas, on apprend qu'une grande firme a fait don en 2022 de matériels scolaires, de vêtements et même de meubles, entre autres. Contactée, la responsable du département CSR de cette compagnie affirme que d'autres dons ont été faits à la demande de Lutchmee Gokhool. Elle explique aussi que lors de la demande d'aide, la directrice de l'abri a bien fait comprendre qu'elle travaille comme journaliste à la MBC...
Une responsable d'une autre firme donatrice a confirmé la manière utilisée par Lutchmee Gokhool pour l'approcher. Nos deux interlocutrices sont toutes les deux d'accord pour dire que la visite de l'abri leur a laissé de mauvais souvenirs car il était très sale, avec des odeurs nauséabondes flottant dans l'air. L'une de nos interlocutrices en était tellement bouleversée qu'elle a voulu en parler aux autorités concernées mais ne l'a finalement pas fait en pensant aux enfants.
Combien est dépensé par l'association ? Nous avons demandé à Lutchmee Gokhool si elle peut nous soumettre les comptes de l'abri. Mais, encore une fois, elle nous a promis de nous les montrer mais n'a pas tenu ses promesses.
Stéphanie Anquetil a aussi fait état de la vitesse à laquelle l'association a commencé à obtenir le financement du gouvernement. "Alors que normalement, dit la députée rouge, cela prend au moins deux ans." Lutchmee Gokhool explique qu'il y avait un besoin urgent de récupérer les enfants de l'abri Havre d'Avenir qui venait de fermer ses portes, qu'elle avait déjà fait une demande pour l'ouverture de l'abri depuis deux ans et qu'elle n'a reçu les crédits qu'après trois mois d'opération. Mieux encore, l'association Pure Mind Heaven a été incorporée en plein confinement, a révélé Stéphanie Anquetil, soit le 18 mars 2021. Mais comment est-ce possible ? Réponse de Lutchmeee Gokhool : elle l'avait fait en mai 2019. Or, selon la ministre Kalpana Koonjoo-Shah, elle-même en réponse à une PQ de Stéphanie Anquetil, "the Residential Care Institution Pure Mind Haven was registered as a place of safety under the Child Protection [...] on 19 March 2021 and was operational as from 25 March 2021." Lutchmee Gokhool s'est-elle trompée ? Elle ne nous répond plus...
Est-ce qu'elle et les autres dirigeants de Pure Mind Heaven ont l'expertise nécessaire dans ce domaine ? Pas de réponse claire de Lutchmee Gokhool qui, elle, est "Production Coordinator" à la radio nationale. Et comme expérience, nous dit-elle, elle a été prof de langue orientale pendant deux ans. Les autres dirigeants n'ont aucune qualification dans le domaine.
Rien que la télé comme loisir
Pour rappel, Rita Venkatasawmy, l'Ombudsperson for Children, avait, dans son rapport annuel publié en octobre 2022, soumis des recommandations concernant notamment la surpopulation dans les abris pour enfants. Les foyers d'accueil ne devraient pas accueillir plus de 12 résidents, avait-elle écrit. Elle avait prôné une stratégie de désinstitutionalisation (visant non la fermeture de ces institutions mais leur évolution et la transformation des structures existantes afin de garantir le respect des droits des personnes). Toujours dans ce rapport, l'Ombudsperson for Children avait déploré le manque de facilités pour les activités physiques des enfants. "Dans un abri, il n'y avait aucune balançoire, pas de toboggan, de cordes à sauter, de tricycles et d'espaces verts dans ce shelter qui accueille des bébés et des enfants en bas âge. Rien que la télé !" Rita Venkatasawmy regrette aussi que les "caregivers" des shelters soient très mal payées pour les lourdes tâches qu'elles accomplissent. Qu'a fait le ministère du Développement de l'enfant et du bien-être de la famille depuis ? Visiblement, pas grand-chose.