"L'outrage fait publiquement, d'une manière quelconque, dans l'exercice de leurs fonctions, ou en raison de leurs fonctions (...) soit à un Tribunal ou à une Cour de justice, ou à un ou plusieurs magistrats (...) sera puni par une peine d'emprisonnement, et d'une amende qui n'excédera pas Rs 10 000."
Dans nos textes de loi, l'outrage est un délit clairement défini avec comme peine : emprisonnement et amende.
Après avoir entendu Pravind Jugnauth haranguer les chefs religieux du Sud, lors d'une réunion privée à Surinam, le mardi 14 mars, il est évident que le Premier ministre, en critiquant aussi sévèrement la magistrate Jade Ngan Chai King (d'"inkonpétan ki pa konn lalwa") et le DPP Rashid Ahmine, dans le cadre de la libération sous caution de Bruneau Laurette, a, peut-être, commis un double outrage. Mais qui va le traîner en justice pour ce dérapage ? Le Bar Council (d'autant que Pravind Jugnauth a dit ce soir-là qu'il parlait comme un "avocat") ? La cheffe juge ? Des citoyens présents à la réunion privée du Coquillage Hall ?
Un citoyen qui a écouté la bande sonore qui circule pourrait aussi consigner une déposition et loger une Private Prosecution. Un avocat de carrière me faisait alors remarquer que "the funny part is that the DPP will be called upon to take a stand".
Si l'on se tait dans cette affaire, on va permettre à l'État de droit de foutre le camp. Dans une autocratie qui se construit, le droit ne se présente plus comme un droit mais comme un devoir. C'est un devoir pour la société et l'humanité. Cela ne relève pas d'une discipline du domaine légal. C'est d'abord et avant tout une science de la vie humaine, n'est-ce pas ?
Autre temps, autres moeurs. Le 5 février 1951, la Cour suprême a écouté la motion du Procureur Général contre Guy Rozemont, premier député de Port-Louis, et président du Parti travailliste, accusé... d'outrage à la magistrature. Le Mauricien rapporte que Rozemont avait tenu des propos déplacés et menaçants contre les magistrats lors d'un meeting public à Plaine-Verte, le dimanche 25 janvier 1951. Rozemont fut alors condamné à six semaines d'emprisonnement par les juges Espitalier-Noël, R. Neerunjun et Brouard. Si Pravind Jugnauth avait tenu ses propos en 1951, il aurait connu le même sort !