Dans une de nos précédentes éditions, il est question du problème de main-d'oeuvre rencontré par les colons au début de la colonisation.
Effectivement, après la conquête en 1895, l'installation des Français ne se fait pas aussi facilement qu'ils l'ont espéré, non seulement dans le Centre, mais un peu partout dans la Grande ile. Il en est ainsi dans la région de Betsiriry jusqu'à Morondava qui, en fait, aurait permis une communication rapide entre Antananarivo et le canal de Mozambique. Les escarpements y sont plus espacés, le pays est découvert et le Tsiribihina semble être navigable jusqu'à 80 km de la côte. Toutefois, fidèles à leurs traditions, les Sakalava du Menabe ne sont guère disposés à accepter l'autorité française.
C'est ainsi qu'à Maintirano, selon un correspondant du Bulletin du Comité de Madagascar, le chef local se montre de la " dernière insolence ", au moment du passage du général Joseph Gallieni. En s'abstenant de paraitre, il confirme la réponse faite " par la reine de Baly, pendant la campagne ", à l'autorité française. " Je n'ai pas accepté davantage le protectorat de la France. " Pour le chroniqueur, il est des plus urgents de " donner une leçon à tous ces roitelets arabes ". Pour ce faire, il propose l'occupation de leurs ports et la destruction de leurs villages. Il ne se contente pas de cette proposition, il apporte aussi les moyens de la réaliser.
" Incapables de s'astreindre à un travail quelconque, les Sakalava de l'Ouest seront repoussés par nos industries comme par nos armes jusqu'à ce qu'une conquête forcément longue, les accule soit à la Betsiboka dans le Nord, soit à la baie de Saint-Augustin dans le Sud. " Il insiste, cependant, pour que la politique n'entre plus en ligne de compte dans " les appréciations portées sur ces nomades ". Pour mieux dénigrer les Sakalava, le correspondant du Bulletin du Comité de Madagascar établit ensuite une comparaison entre la Côte, d'une part, et de l'autre l'Imerina et le Betsileo. Dans ces derniers pays, les populations sont de grands travailleurs, souligne-t-il.
En dépit de l'insurrection des Menalamba qui a isolé le Centre et dévasté le pays pendant des mois, les Merina assurent depuis le ravitaillement. Envoyés sur le littoral, ils ramènent les denrées alimentaires et les munitions, faute de porteurs disponibles dans les régions littorales. Continuant à argumenter, il affirme que tout essai industriel, minier ou autre, qui aura son centre d'action dans l'intérieur des terres, a plus de chances de réussir, même avec un rendement moindre, grâce à la main-d'oeuvre.
En revanche, ajoute-t-il, toute tentative faite sur le littoral doit faire entrer en ligne de compte le manque de bras et prévoir par la suite une " importation de travailleurs ". Le chroniqueur reprend avec insistance la préoccupation des colons en matière de communication pour transporter jusqu'au Centre les matières premières à exporter. Dans le même ordre d'idées, il met en exergue que les mêmes colons attendent avec impatience la solution définitive du chemin de fer. Celui-ci doit, en effet, assurer aux Français plus de stabilité dans cette main-d'oeuvre car les exigences des transports par porteurs diminueraient.
D'après le journaliste, le Comité de Madagascar devra faire sa priorité du traitement de cette question. " Qu'importe le procédé employé, garantie ou concession de terre, l'essentiel est que la chose soit décidée et qu'on se mette en oeuvre. " Il y met toutefois une condition : " Que le choix à faire par les intéressés des terrains concédés, ne soit pas un arrêt pour nos colons comme dans le projet Coriolis. " À cette époque, effectivement, la plupart des vallées riches de l'Est sont mises sous scellés en attendant que cette société fasse son choix.
Cette situation est pourtant préjudiciable à la colonisation, car les affaires ne manquent pas. Différents secteurs y sont réalisables, notamment l'élevage, l'agriculture, les exploitations minières, diverses industries telles que le tannage du cuir, les essais séricicoles... Néanmoins, cela ne se fera qu'avec des spécialistes qui possèdent un petit capital afin d'assurer leur existence pendant un ou deux ans. Ce, jusqu'à ce qu'ils acquièrent l'expérience du pays et faire des essais probants et fructueux.