Les assassins de l'ancien président tchadien, Idriss Déby Itno, ont payé très cher leur acte. La justice a condamné, le mardi 21 mars 2023, plus de 400 personnes à la prison à vie pour avoir porté atteinte à la vie du maréchal. Elles étaient également poursuivies pour " acte de terrorisme ", " mercenariat " et " enrôlement d'enfants dans l'armée ". L'information a été rendue publique par le procureur général de N'Djamena, Mahamat El-Hadj Abba Nana.
Il a, par ailleurs, indiqué, que 24 personnes ont été acquittées à l'issue du procès. La plupart des personnes condamnées sont des membres du Front pour l'alternance et la concorde au Tchad (FACT). C'est le groupe armé le plus puissant du pays qui avait entrepris une descente sur N'Djamena courant 2021. L'armée tchadienne tentait de contrer l'ambition du FACT, quand Idriss Déby Itno, en bon chef de guerre, avait lui-même pris les commandes des opérations, jusqu'à perdre la vie, le 20 avril 2021.
Le procès des bourreaux du maréchal ouvert, à la mi-février dernière, a donc livré son verdict, mais très peu d'informations ont filtré. Les auditions se sont tenues à huis clos dans l'enceinte de la prison de Klessoum, à une vingtaine de kilomètres au sud-est de la capitale, si bien qu'il est difficile d'avoir une idée des débats. Comment le président Déby a-t-il été tué ? Est-ce véritablement au combat qu'il a passé l'arme à gauche ? Qui lui a tiré dessus ? Ce sont autant de questions qui resteront, encore longtemps sans réponses.
On nage toujours en plein flou, malgré la tenue du procès. Les rebelles condamnés sont-ils les vrais auteurs de la mort de Déby ? Mystère et boule de gomme. La version officielle raconte que Déby a perdu la vie au front, dans le désert du Kanem, pendant une offensive des soldats tchadiens contre les rebelles du FACT. Les combats étaient tellement intenses, que l'ancien président tchadien aurait été touché par un éclat ou un tir rebelle et n'aurait pas survécu, malgré les efforts consentis pour le sauver.
Il reste que cette version n'a pas convaincu une certaine opinion, pour qui Déby aurait été victime d'un complot familial. S'il ne soutient pas ouvertement cette thèse, le journaliste et historien, Alain Foka, avait ouvertement remis en cause la mort au front du chef de l'Etat tchadien. Celui-ci a-t-il des informations qui disent le contraire ? Il n'en a pas dit plus depuis lors. Le pouvoir pouvait pourtant constituer un objet de rivalité dans la famille Déby, les intérêts n'étant pas forcément les mêmes. Il est établi que Déby n'avait pas moins de 7 épouses, avec de nombreux enfants.
L'entente n'était pas toujours cordiale dans le cercle familial, selon certaines indiscrétions. On se rappelle d'ailleurs de la découverte du corps dans vie d'un de ses enfants, Brahim Déby, à Courbevoie dans les Hauts-de-Seine en France, en juillet 2007. La mort de ce fils jet-setteur et fêtard avait fait l'objet d'un procès en 2009 dans l'Hexagone avec des condamnations, tout comme il avait suscité la polémique dans l'entourage de Déby, pour ne pas dire un climat de méfiance. Après tout, et au sortir du procès, le défunt président semble être parti dans sa tombe avec le secret de sa mort.
Au-delà de tout ce qu'on peut imaginer et de la nécessité de lutter contre l'impunité, la condamnation des rebelles des FACT n'est pas du genre à faciliter le processus de paix au Tchad. Ce groupe rebelle à redouter espérait la libération de ses membres arrêtés, lors du dialogue national inclusif, ce qui n'a pas été le cas. Une raison de plus pour que le FACT prenne en ennemi juré l'exécutif tchadien, dirigé de plus de deux ans, par le fils du défunt président, le général Mahamat Idriss Déby. Il faut pourtant que les bruits de botte cessent à jamais au Tchad, pays qui a souffert et continue de souffrir des crépitements des armes.