Maroc: Les prix atteignent un seuil tristement historique

Apathie du gouvernement, forcing des exportateurs, toquade des consommateurs

"La situation est catastrophique et les prix ont atteint des seuils inimaginables. Tel est le cas des oignons dont le prix d'une caisse a atteint 400 DH, soit 15 DH le kilo. Idem pour les tomates cerises, les poivrons et les pommes de terre qui coûtent respectivement 13 DH, 22 DH et 9 DH le kilo.

Des prix hors normes que je n'ai jamais vu tout au long de mon parcours au marché de gros de Casablanca", telle est la réponse d'Abderrazak Chabi, secrétaire général de l'Association du marché de gros des fruits et légumes de Casablanca (AMGFLC), au discours de la ministre de l'Economie et des Finances, Nadia Fettah, présenté, mardi, devant la Commission des finances et du développement économique à la Chambre des représentants, concernant les mesures gouvernementales destinées à faire face à la hausse des prix des produits et biens de consommation et à protéger le pouvoir d'achat des citoyens.

Frénésie

Pour notre interlocuteur, le marché est aujourd'hui en ébullition et personne ne sait où va nous emmener cette folie des prix. D'après lui, cette nouvelle envolée des prix des légumes s'est accentuée davantage depuis jeudi dernier. Et pour cause : l'export des légumes et fruits vers l'étranger.

" C'est le retour à l'exportation qui a changé la donne. En effet, les exportateurs ont mis de la pression pour que les exportations reprennent. Notamment vers les pays africains qui sont peu regardants sur les normes et les standards comme c'est le cas pour les marchés européens.

Ces exportateurs cherchent avant tout les devises alors que la situation est grave ", nous a-t-il expliqué. Et pour donner une idée sur cette gravité, notre source nous a indiqué que les prix des tomates sont passés de 3,5 DH à 10 DH à Agadir, une fois que l'embargo sur l'export a été levé.

En effet, des dizaines d'agriculteurs, producteurs-exportateurs de légumes et de fruits dans le Souss, se sont donné rendez-vous dans la soirée du lundi 20 mars à la Chambre d'agriculture pour protester contre la suspension des exportations de la tomate, entrée en vigueur samedi dernier. Pour eux, les prix de vente sont devenus inférieurs aux coûts de production, ce qui leur a occasionné de sérieuses pertes.

Menace

Des propos qui ne convainquent pas le secrétaire général de l'AMGFLC qui estime que notre sécurité alimentaire est menacée puisqu'elle est aujourd'hui partagée entre les marchés de l'UE, l'Afrique, les pays du Golfe et la Russie.

" Nos responsables sont en train d'instituer le désordre voire le chaos si rien n'est fait ", lance-t-il avant d'affirmer que cette envolée des prix est la responsabilité des consommateurs eux aussi, atteints d'une frénésie d'achat notamment pendant la période précédant le Ramadan et celle en cours et qui concerne certains légumes et pas d'autres. " En effet, ces hausses ne concernent que certains produits puisque d'autres ne coûtent que quelques centimes, tel est le cas des navets, betteraves et choux, à titre d'exemple", a-t-il indiqué.

Monopolisation

L'envol inquiétant des prix des fruits et légumes est aussi ressenti dans d'autres villes comme Al Hoceima où les prix ont dépassé toutes les estimations. " Aujourd'hui, cette cité, et de l'aveu du HCP, est l'une des villes les plus chères au niveau du pays.

La multiplicité des intermédiaires, des spéculateurs et des chaînes de distribution et la hausse des coûts des carburants ont rendu la vie dure à la population locale", nous a expliqué Khalid Zaitouni, président de l'Association de protection des consommateurs à Al Hoceima.

Et de poursuivre : " En comparaison avec d'autres villes, il y a une différence de 3 ou 4 DH au niveau des prix des tomates, des oignons et carottes, à titre d'exemple. L'éloignement de la ville et l'absence de l'agriculture au niveau de la région n'expliquent pas cette situation. Le vrai problème est la monopolisation des marchés par trois intermédiaires qui font la pluie et le beau temps ".

Notre source ajoute qu'il n'y a pas que les prix des fruits et légumes qui s'envolent, ceux des viandes ont atteint également des seuils inquiétants. " En effet, un kilo de viande rouge coûte entre 90 et 95 DH et 100 DH pour la viande hachée alors que dans d'autres villes, les prix sont entre 75 et 85 DH ", précise-t-il.

Légèreté

Et qu'en est-il des Commissions mixtes de contrôle des marchés ? A rappeler, à ce propos, le discours de Nadia Fettah qui a parlé d'une hausse de 76% des opérations de contrôle dès le début de cette année. " Tout le monde sait que ces commissions ne servent pas à grand-chose puisqu'elles sont dépourvues des prérogatives en matière de réglementation des prix et de lutte contre les fraudes ", nous a répondu Khalid Zaitouni.

Et de conclure : " Nous avons déjà souligné dans un communiqué qu'il y a une certaine légèreté dans l'application des lois et dans le contrôle de la part des parties concernées.

D'autant que les lobbies nationaux et locaux interprètent à leur guise la loi sur la liberté des prix et de la concurrence tout en exploitant la conjoncture économique mondiale pour servir leurs propres intérêts économiques sans prendre en compte le pouvoir d'achat de nos concitoyens. Ce qui menace sérieusement la paix et la sécurité sociale de notre pays ".

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