Le présent article porte sur le rapport consultatif publié le 21 juillet 2022 par le Bureau de l'Inspecteur général (BIG), sur "Le rôle et l'approche du Fonds mondial en matière de financement national de la santé ".
L'article a été rédigé au début du mois de septembre de l'année dernière, mais sa publication a été retardée, car il s'est avéré quelque peu controversé. Le projet a été largement diffusé et commenté. Certains membres du personnel du BIG et du Secrétariat du Fonds mondial estiment que l'article ne rend pas justice au travail accompli et au contenu du rapport. Ils n'ont toutefois relevé aucune erreur dans le contenu de l'article.
La principale raison pour laquelle le présent article peut ne pas rendre justice au contenu du rapport est peut-être la longueur de ce dernier et le fait que l'article - lui-même déjà très long et dépassant la norme de l'OFM - se focalise sur ce qu'un lecteur indépendant peut tirer du rapport plutôt que de le parcourir entièrement et d'en discuter chaque partie.
Il est intéressant de relever que le thème du rapport est devenu encore plus important au regard du climat économique mondial actuel. Malheureusement, dans sa version publiée, le rapport ne traite pas le sujet de manière adéquate ou appropriée pour les raisons expliquées dans cet article.
Manque de clarté sur la notion de financement national de la santé (FNS)
Le rapport commence par une définition incomplète du FNS, formulée spécifiquement pour les besoins du rapport, qui ne précise pas que le FNS concerne la mobilisation, l'allocation et le déploiement de ressources financières pour la santé provenant de sources nationales et exclut le financement provenant des bailleurs de fonds et des prêteurs non nationaux. Ce point est important, car, dans certains pays, les dépenses publiques de santé comprennent les fonds des bailleurs et les prêts externes transitant par le gouvernement et le FNS est par conséquent surestimé; un point qui a été ignoré. (Pour des discussions plus approfondies sur l'inclusion ou l'exclusion des prêts externes dans le FNS, voir l'article explicatif sur le FNS).
Compte tenu du volume du rapport (50 pages), il est surprenant qu'il ne contienne pas d'explication sur les différents types de FNS. Outre le financement public, il existe des paiements directs, des financements fournis par les assurances (qui sont elles-mêmes financées par les primes d'assurance qui peuvent ou non être inclues dans les paiements directs), les services de santé publics et/ou privés payés par les employeurs, les services de santé fournis en interne par les employeurs de grande envergure, et les services de santé fournis ou soutenus par les ONG nationales. Même les Paiements directs sont de deux types: les frais standard/publiés pour certains types de services de santé et les frais décidés et prélevés au niveau du prestataire de services.
Malgré le titre du rapport, son approche restrictive de ce qu'il appelle FNS révèle que cet avis porte sur les objectifs du Fonds mondial visant à influencer le financement public de la santé et non sur l'ensemble du financement national de la santé.
Absence de données sur le FNS et sur les pays faisant l'objet d'une analyse approfondie et les pays "phares".
Le FNS concerne l'argent mobilisé et dépensé pour la santé, mais le rapport ne fournit aucune donnée financière sur les différentes sources et les tendances récentes en matière de FNS.
Ce constat est d'autant plus surprenant que le BIG a effectué une " analyse approfondie " de huit pays et sélectionné cinq autres pays " phares ", mais n'a pas fourni de données les concernant - et, par conséquent, aucune analyse - sur les sources et les volumes de FNS dans ces pays. Le rapport comporte une note de bas de page concernant les paramètres de sélection des pays. Malgré cela, la raison de la sélection des pays semble être qu'ils constituent les seuls exemples de cofinancement et de financement mixte, et non un quelconque lien avec le FNS qui est pourtant le principal sujet reflété dans le titre du rapport.
Les défis du FNS qui sont exposés dans le rapport seraient plus convaincants s'ils étaient étayés par des données financières.
Données utiles pour les lecteurs
Pour les lecteurs du présent article, les tableaux 1 et 2 ci-dessous (compilés par l'auteur de l'article) fournissent une vue d'ensemble des données les plus récentes disponibles sur le financement et les dépenses de santé dans ces treize pays faisant l'objet d'une analyse approfondie et "phares".
Effets de la COVID-19
Les perturbations causées par la pandémie de COVID-19 ont eu des répercussions négatives sur tous les services et programmes de santé. Pour faire face à la pandémie, les établissements et les travailleurs du secteur de la santé ont été redéployés en vue d'assurer la prise en charge des cas de COVID-19, et de nombreux gouvernements ont été contraints d'allouer davantage de ressources financières en vue de remédier à la situation, et d'acquérir et de distribuer des vaccins. Cela implique que les comparaisons avec les années précédentes ne seront pas utiles lorsque les données sur les dépenses de santé de 2020 et 2021 seront disponibles. Nous nous serions attendus à une augmentation des dépenses, mais de manière surprenante, le rapport le plus récent de l'OMS (Dépenses mondiales de santé: les dépenses publiques en hausse?) nous informe qu'en 2020, les dépenses publiques de santé ont en fait diminué dans 15 des 22 pays dont les données sont disponibles.
Comparaison des pays
À partir des données des tableaux 1 et 2, le lecteur notera les différences flagrantes entre les pays en ce qui concerne les niveaux de dépenses par habitant et les pourcentages financés par les gouvernements, les paiements directs, les autres sources intérieures et les bailleurs de fonds extérieurs. Ces différences sont dues à un certain nombre de facteurs, mais elles sont importantes dans la mesure où elles indiquent que les conclusions et les recommandations générales sur le FNS sont d'une utilité très limitée. Chaque pays a ses propres circonstances qui déterminent les types et les niveaux de ses besoins de financement dans le domaine de la santé, son approche en matière de FNS et la capacité financière des différentes sources.
Progrès en matière d'augmentation du FNS
Le rapport ne mentionne pas non plus les progrès réalisés en matière d'augmentation du FNS que ce soit au niveau mondial, régional ou national dans les pays faisant l'objet d' "une analyse approfondie " et les pays "phares". Pour replacer le sujet du FNS dans son contexte, il est important de comprendre si, ces dernières années, les diverses initiatives visant à stimuler une augmentation du FNS ont produit des résultats concrets.
Le tableau 3 (également compilé par mes soins et qui ne comprend malheureusement pas les dépenses d'investissement consacrées à la santé) compare les pourcentages de financement de la santé déclarés entre 2000 et 2019 dans les pays sélectionnés par le BIG. Il montre qu'au cours de cette période : (i) seuls quatre de ces pays ont augmenté le pourcentage de FNS par rapport au financement total de la santé, tandis que dans neuf pays, le pourcentage de FNS a diminué; et (ii) le financement public de la santé en pourcentage du FNS total n'a augmenté que dans cinq des treize pays. Le lecteur peut tirer ses propres conclusions quant aux progrès réalisés.
Quelques différences entre le modèle FNS du BIG et la réalité
Le rapport contient de trop nombreuses théories et ne prête pas suffisamment attention à la réalité. Par exemple, la synthèse des défis "prioritaires" liés au FNS ne mentionne pas trois facteurs clés:
La sécurité: L'appropriation par le gouvernement et la priorisation de la santé sont tributaires de la stabilité politique, interne et/ou externe. Ce fait est reconnu par le Fonds mondial dans ses politiques relatives aux contextes d'intervention difficiles. (CID). Est-il vraiment raisonnable d'attendre de ces pays qu'ils augmentent leur financement national en matière de santé alors qu'ils sont confrontés à des défis majeurs (comme l'Ukraine)?
La nécessité d'éviter des mesures impopulaires: Pour pouvoir augmenter les dépenses en matière de santé et dans d'autres secteurs, un gouvernement doit générer davantage de revenus. Cela nécessite inévitablement: (a) de renforcer/d'améliorer le recouvrement des impôts ; et, éventuellement, (b) d'augmenter les impôts. De telles mesures sont à la fois impopulaires et risquées sur le plan politique; elles ont donc tendance à être reportées, ce qui est tout à fait compréhensible.
La corruption: Les faiblesses au niveau de la gestion des finances publiques et du financement de la santé perdurent depuis de nombreuses années. La corruption est l'un des principaux facteurs responsables des retards dans la résolution de ces faiblesses. Exercer plus de pression en matière de redevabilité en vue de réaliser des performances et d'obtenir des résultats constitue un moyen d'aborder ce problème. Il est à noter que la section sur la gestion des finances publiques et les données relatives au financement de la santé (qui est la véritable substance du thème de la FNS) ne fait aucune mention de la redevabilité. C'est dommage, car cette section est la seule partie convaincante du rapport.
Sous-estimation des paiements directs
Un autre exemple de non prise en compte de la réalité qui constitue pourtant un problème fondamental en ce qui concerne les données FNS est la sous-estimation des dépenses de santé à la charge des patients dans de nombreux pays. Dans certains cas, ce phénomène est dû à une faible surveillance des services de santé du secteur privé. Parfois, il peut être causé par des faiblesses dans les systèmes de comptabilité et de gestion de la santé, mais la raison la plus courante est liée aux pratiques de corruption. Il s'agit notamment des frais d'utilisation des services de santé qui ne sont pas déclarés, des surfacturations et des prestataires de services qui font payer aux patients des services et des médicaments en principe gratuits. Dans le total estimé, une certaine marge peut être prévue pour les paiements directs non déclarés sur la base d'une enquête, mais les enquêtes sont de portée limitée et peu fréquente, et une telle marge est rarement évoquée.
Corruption
Ce point concerne les annexes 1 et 2 du rapport dans lesquelles le premier résultat souhaité en matière de financement de la santé est "Plus d'argent pour la santé". Les composantes et les interventions liées au renforcement des systèmes sont intéressantes, mais il n'est pas fait mention ici (ni nulle part ailleurs dans le rapport) de la lutte contre la corruption. Lorsque des fonds supplémentaires sont disponibles, la tentation augmente. Des contrôles financiers efficaces, la transparence et une totale redevabilité sont alors nécessaires.
Autres omissions
Le troisième résultat en matière de financement de la santé décrit dans les annexes 1 et 2 (" Accessibilité et viabilité des systèmes de santé ") est subdivisé en deux: (i) une plus grande orientation vers la couverture sanitaire universelle (CSU) dans les politiques du FNS ; et (ii) une viabilité renforcée du FNS.
En ce qui concerne la couverture sanitaire universelle, le rapport ne tient pas compte ou ne mentionne pas le fait qu'elle ne pourra pas être assurée dans les pays où le FNS repose de manière prédominante sur les paiements directs. Les tableaux 1 et 3 ci-dessus montrent que les pays sélectionnés par le BIG sont fortement dépendants des paiements à la charge des patients.
Quant à l'expression "amélioration de la viabilité", elle serait plus claire si elle était formulée comme suit: mise en place du FNS nécessaire pour assurer la CSU. Cependant: (a) les données manquent pour déterminer si, au cours des 20 dernières années, des progrès globaux ont été enregistrés dans le sens d'assurer la viabilité; et (b) la capacité d'augmenter le FNS et de le maintenir dépend des performances économiques d'un pays et de l'absence permanente d'événements imprévus (tels que l'attaque de la Russie contre l'Ukraine ou l'afflux de réfugiés subi par certains pays), réalités qui sont également négligées dans ce rapport.
Aucune référence aux dépenses d'investissements
Les budgets gouvernementaux font généralement la distinction entre les dépenses d'investissement et les dépenses courantes, mais ce point n'est pas mentionné dans le rapport. Les données sur les dépenses de santé qui sont généralement rapportées - par exemple dans la base de données de la Banque mondiale et utilisée dans les tableaux 1, 2 et 3 ci-dessus - font référence aux dépenses courantes. Il n'est pas facile d'accéder aux données sur les dépenses d'investissement pour la santé; pourtant, la couverture, les capacités et l'état des principales infrastructures de santé ont une incidence majeure sur la disponibilité et l'utilisation des services de santé et, par conséquent, sur les dépenses courantes.
Défaut de différenciation entre les allocations budgétaires et les dépenses réelles
Les personnes chargées de la compilation de l'annexe 3 ont commis l'erreur de se référer aux allocations budgétaires pour la santé, le VIH, la tuberculose et le paludisme. En effet, les gouvernements mettent en oeuvre le processus d'allocation budgétaire, mais les dépenses de santé réelles (à l'exception des dépenses imposées à certains d'entre eux en 2020 par la pandémie de COVID-19) sont souvent inférieures - et parfois largement inférieures - aux allocations mentionnées. Les dépenses courantes réelles des gouvernements dans le domaine de la santé tendent à être proches des allocations budgétaires parce qu'elles doivent couvrir les salaires et les autres frais de personnel, les services publics et les autres frais de fonctionnement; bien qu'il existe des cas où les gouvernements retardent le paiement des salaires du personnel, ce qui entraîne un écart plus important par rapport au budget.
Toutefois, les gouvernements, en particulier ceux des pays à faible revenu et des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, dont les ressources sont insuffisantes pour faire face aux demandes en matière de dépenses, réduisent invariablement les dépenses d'investissement. Les retards récurrents dans les investissements en capital ont pour conséquence l'accumulation des besoins tandis que le système de santé se détériore. Compte tenu de cette situation, les allocations budgétaires ne doivent être utilisées qu'à titre de référence. Pour se faire une idée de ce qui se passe réellement et évaluer les résultats, il est important d'utiliser les financements et les dépenses de santé réels.
Accent excessif sur le cofinancement et les financements conjoints et mixtes
Le présent rapport accorde une trop grande importance au cofinancement et aux financements conjoints et mixtes. Il convient de noter que seuls les engagements totaux et pas les montants réels sont cités pour ce qui est du cofinancement. Toutefois, les lecteurs seront peut-être intéressés par les remarques faites en juillet 2022 par le cabinet qui a fourni une assistance technique à l'Angola (voir pharosglobalhealth.com) : "À ce jour, l'Angola est le meilleur et peut-être le seul pays qui comptabilise chaque dollar des engagements de cofinancement convenus avec le Fonds mondial dans le cadre des subventions NFM2 et NFM3."
Vingt pour cent du rapport principal est consacré aux financements conjoints et mixtes; mais les lecteurs noteront que: (a) le rapport ne fournit pas de montants globaux permettant d'évaluer leur importance par rapport au FNS; (b) même le total des engagements de cofinancement n'est pas très important par rapport au total du FNS; et (c) les exemples fournis (d'Haïti et du Laos) concernent le financement par les co-bailleurs et n'ont absolument rien à voir avec le FNS.
Rapport coût-efficacité
L'optimisation des ressources est certes importante, mais les arguments en faveur de l'inclusion de ce critère en tant que levier du FNS sont ténus, et les recommandations sont constituées d'un amalgame de phrases qui ne veulent pas dire grand-chose - et qui risquent d'aboutir à très peu de résultats.
Manque de maîtrise du sujet
Dans la section sur l'importance du FNS pour le mandat du Fonds mondial, on peut lire la phrase suivante : "La traduction de ces engagements en investissements réels nécessitera un leadership politique soutenu et un développement rapide des mécanismes de financement de la santé." À première vue, cela peut sembler correct, mais c'est loin d'être le cas. Premièrement, aucun engagement n'a été mentionné auparavant; deuxièmement, il n'est pas tenu compte des facteurs socio-économiques et de la stabilité politique; et troisièmement, les mécanismes de financement de la santé ne sont pas ce dont on a besoin. Quiconque a travaillé sur le sujet du FNS sait que le temps passé à développer des mécanismes de financement (qui peuvent ou non être mis en oeuvre et fonctionner) est un gaspillage de ressources précieuses lorsque le problème ne se situe pas au niveau des mécanismes de financement de la santé: les difficultés sont dues à la faiblesse des systèmes de gestion de la santé, à la mauvaise gouvernance et au manque de redevabilité.
Dans la même section, on peut lire ce qui suit: "L'appropriation de la santé par un pays est une condition essentielle pour soutenir la capacité du pays à prioriser les investissements dans les systèmes de santé et à garantir des dépenses efficaces et un accès équitable aux soins de santé." Cette phrase peut sembler dire ce que beaucoup veulent entendre, mais elle ne reconnaît pas que l'accès équitable aux soins de santé n'est pas encore universellement accepté comme un objectif. Le paragraphe suivant indique que: "Le FNS est également essentiel pour permettre à un pays d'effectuer une transition réussie en vue de s'affranchir de l'appui des bailleurs de fonds ...". Cela n'est vrai que pour les pays ayant besoin de cet appui, mais les pays bénéficiaires de subventions du Fonds mondial ne sont pas tous dépendants de l'appui des bailleurs de fonds.
Certains pays n'ont qu'un faible niveau de soutien des bailleurs (moins de 5 % du financement total de la santé) et acceptent ce qui est disponible pour la riposte nationale aux maladies, mais ils n'en sont pas nécessairement dépendants. En revanche, d'autres pays, en particulier ceux dont 20 % ou plus du financement de la santé proviennent des bailleurs de fonds, sont dépendants de ce soutien en raison de la faiblesse de leurs infrastructures sanitaires et de divers problèmes sociaux et économiques. Fait intéressant, le tableau 3 du présent article montre que dans neuf des treize pays sélectionnés par le BIG, la dépendance à l'égard de l'appui financier des bailleurs de fonds a augmenté entre 2000 et 2019 et cette augmentation a été significative dans sept de ces pays.
Attributions du Fonds mondial
Le cadre de renforcement du FNS présenté à la page 48 du rapport est utile, mais il va certainement au-delà des attributions du Fonds mondial. Le rôle du Fonds mondial dans le cadre du FNS est peut-être surestimé. Le Fonds mondial a un rôle clair dans la promotion de l'augmentation des dépenses nationales consacrées à la lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme. Toutefois, si le Fonds mondial doit clairement soutenir l'investissement dans la santé au sens large, la responsabilité de la promotion des autres interventions dans ce que le rapport appelle " l'espace FNS" doit être assumée par les autres "acteurs" mondiaux.
Si la direction du Fonds mondial souhaite mettre en oeuvre les 72 recommandations de ce rapport, il faudrait augmenter les effectifs et le budget de manière significative pour y parvenir, une démarche qui ne serait probablement pas soutenue par de nombreuses parties prenantes.
L'ultime omission
La pandémie de COVID-19 a attiré l'attention sur le sous-investissement dans la santé à l'échelle mondiale; chaque pays doit par conséquent augmenter son FNS. Cela dit, les politiciens, qui sont assaillis de demandes d'augmentation des investissements gouvernementaux de toutes parts, doivent mieux comprendre les avantages des investissements accrus dans la santé. Les intervenants représentant le Fonds mondial citent souvent des recherches qui montrent qu'un dollar investi dans la santé rapporte 31 dollars en gains de santé et en retombées économiques. C'est l'argument de vente le plus convaincant que le Fonds mondial et ses partenaires mondiaux réitèrent à chaque occasion. Il est donc surprenant que cet argument, le plus convaincant pour augmenter le FNS - utilisé par le Fonds mondial dans son travail - ne soit pas mentionné dans le rapport.
Retour au "jargon du Fonds mondial"
Je ne peux m'empêcher de faire remarquer que les auteurs de ce rapport sont revenus à l'utilisation du "jargon du Fonds mondial". Les lecteurs du rapport seront frappés, en plus de la "plongée en profondeur" et de l'utilisation excessive de termes exagérés - et parfois inappropriés - tels que "stratégique" et "critique", des expressions et des phrases qui n'ajoutent pas de substance au sujet.
Réaction du BIG à l'article
Une version initiale du présent article a été partagée avec le BIG. Leurs réponses expliquent le contenu et certaines des omissions du rapport.
Le BIG a souligné que:
Les missions de consultation sont axées sur le client. Dans ce cas précis, la consultation relative au FNS a été parrainée par le Directeur exécutif;
Dans le cadre des revues consultatives, il existe généralement un comité de pilotage composé d'équipes pluridisciplinaires du Secrétariat et du BIG. Le comité de pilotage examine l'analyse détaillée qui sous-tend les conclusions et les recommandations, et demande des clarifications supplémentaires si nécessaire afin de poursuivre l'analyse dans le cadre de la mission de consultation. Le comité de pilotage se réunit à des intervalles définis au cours de la mission; et
Une grande partie de l'analyse détaillée partagée avec le comité de pilotage ne se retrouve pas nécessairement dans le rapport final parce qu'elle n'affecte pas les conclusions et les recommandations y afférentes.
Ces éléments d'information sont importants. Pourquoi n'ont-ils pas été mentionnés dans le rapport consultatif? En outre, il est important de relever qu'il n'est fait mention nulle part du comité de pilotage, de ses travaux et de ses décisions.
Le BIG poursuit en expliquant que "Certains des détails (mentionnés dans votre article, par exemple les tableaux 1 et 2) sont dans certains cas partagés séparément avec le comité de pilotage et le commanditaire de la mission consultative. Nous aurions pu facilement produire un rapport de 100 pages ou plus avec certains de ces détails, qui honnêtement ne changent pas les conclusions. Certains d'entre eux sont ce que nous appelons des 'documents de travail' et ne sont pas nécessairement inclus dans les rapports." Êtes-vous convaincu par ces propos? Cela explique-t-il de manière satisfaisante pourquoi un rapport sur le sujet du FNS - et publié dans le domaine public - ne comporte pas une discussion appropriée du sujet et omet de fournir des données financières? Celles-ci auraient pourtant dû être présentées, ne serait-ce qu'en annexe.
En réponse à mon commentaire selon lequel les recommandations ne sont pas convaincantes et certaines peuvent s'avérer inappropriées, le BIG soutient que "les recommandations du rapport ont été discutées avec le commanditaire, comme indiqué à la page 4 du rapport". Il n'existe aucune référence aux discussions des recommandations avec le commanditaire, que ce soit à la page 4 ou ailleurs dans le rapport; mais, de toute manière, cela ne rend pas les recommandations plus convaincantes pour les lecteurs externes.
Le BIG maintient que le champ d'action convenu a été entièrement couvert dans le rapport. L'un des objectifs déclarés de la consultation était d'"Identifier les défis prioritaires en matière de FNS au niveau national, comprendre leurs causes profondes et déterminer par extrapolation les défis prioritaires à relever par des interventions en faveur du FNS". Toutefois, pour convaincre un lecteur que le champ d'action a été entièrement couvert, il convient certainement d'expliquer de manière claire ce qu'est le FNS.
Le BIG a déclaré que:
"Le FNS peut être un sujet très vaste et aucune étude ne peut à elle seule en couvrir toutes les composantes".
Les sujets ... tels que les paiements directs, l'appropriation par les gouvernements, les facteurs macroéconomiques et les tendances ont été couverts en détail lors de la revue consultative. Ces composantes ont été présentées au comité de pilotage dans le cadre du processus d'engagement.
Cette démarche aurait été parfaite si le rapport n'avait été publié qu'en interne. En ce qui concerne le point a), le présent article et celui qui l'accompagne (Déterminer, analyser et accroître le financement national de la santé) sur le FNS fournissent des informations adéquates en un nombre de pages pas si important. Quant à (b), cela ne justifie pas l'omission dans un rapport publié dans le domaine public.
En réponse à mes commentaires sur les progrès accomplis en matière d'augmentation du FNS, le BIG déclare que " Comme indiqué ci-dessus, et mentionné dans le document Focus on Domestic Financing for Health, le cofinancement est un élément clé du FNS " et poursuit en disant que " Notre rapport consultatif indique, à la page 23, "des augmentations significatives du financement intérieur depuis l'introduction du financement de contrepartie " et comprend un tableau qui l'illustre. ", ce qui n'est pas le cas. La page 23 du rapport comprend un tableau sur le cofinancement qui montre effectivement une augmentation. Toutefois: (a) cette augmentation ne correspond qu'à celle du financement du Fonds mondial, ce qui n'est guère impressionnant ; (b) le tableau porte sur le total des engagements, mais pas sur le cofinancement réel qui a été effectivement apporté; et (c) le cofinancement est insignifiant par rapport à l'ensemble du FNS.
Le BIG a déclaré : "Nous ne sommes pas en mesure de commenter votre tableau (tableau 3), car notre rapport parle déjà de l'augmentation du cofinancement dans l'ensemble du portefeuille du Fonds mondial (veuillez vous référer à la figure 4 de la page 23)." De toute évidence, le BIG ne prête pas vraiment attention. Le tableau 3 (ci-dessus) n'a absolument rien à voir avec le cofinancement.
En réponse à mon commentaire sur l'importance excessive accordée au cofinancement et aux financements conjoints et mixtes, le BIG a répondu que "le champ d'action convenu était d'examiner ce que le Fonds mondial a fait dans le passé et les leçons à en tirer. Le cofinancement et les financements conjoints et mixtes sont les deux domaines auxquels le Fonds mondial a eu recours de manière intensive et nous étions tenus de les couvrir de manière exhaustive." C'est une explication raisonnable. Toutefois, dire que le cofinancement et les financements mixtes ont été utilisés "de manière intensive" est exagéré. Il suffit de jeter un regard sur la taille du portefeuille global du Fonds mondial au fil du temps.
Observations finales
Comme mentionné dans l'introduction du présent article, ce dernier a suscité la controverse. D'autres membres du personnel du Secrétariat du Fonds mondial avec qui nous avons partagé cet article ont déclaré:
"La consultation a été conçue pour aider le Secrétariat du Fonds mondial à réfléchir à la manière dont il aide les pays à renforcer le financement intérieur, en exploitant les outils et l'avantage comparatif du Fonds mondial ainsi que son positionnement dans l'architecture de la santé mondiale.
Le rapport est le fruit d'une collaboration entre le BIG et le Secrétariat, et propose des recommandations importantes dans un grand nombre de thématiques, notamment sur la manière dont le Fonds mondial peut détailler davantage son approche en matière de financement de la santé, s'assurer que son modèle opérationnel a une influence positive sur le financement national, renforcer la mise en oeuvre effective de la politique de cofinancement, améliorer/étendre les efforts en matière de financements conjoints et de financements mixtes, améliorer le rapport coût-efficacité, mieux mettre à profit les partenariats en vue d'atteindre les objectifs en matière de financement national, et renforcer la gestion des finances publiques et la production/l'utilisation efficace des données relatives au financement de la santé. Il s'agit de thématiques clés pour le Fonds mondial, et il est essentiel que ce dernier se concentre davantage sur ces domaines pour pouvoir atteindre les objectifs de la stratégie 2023-2028.
Bien que le document consultatif sur le financement national ne couvre pas tous les aspects du FNS ni ne se penche en profondeur sur tous les domaines techniques du FNS, il offre une importante matière à réflexion et des recommandations pour la poursuite des efforts du Fonds mondial en vue du renforcement des systèmes FNS et des ripostes nationales au VIH, à la tuberculose et au paludisme."
Tel que le présent article l'a souligné, le rapport ne porte pas sur le FNS, mais uniquement sur le financement public de la santé et sur les actions menées par le Fonds mondial pour tenter de l'influencer. Même dans ce cas, le rapport n'est pas clair sur la manière dont les financements mixtes influencent le financement public de la santé et omet de mentionner qu'en général, le financement public de la santé par habitant n'a pas augmenté.
Il aurait été souhaitable de réfléchir davantage à la perception de ce rapport dans le domaine public. Les restrictions dans le champ d'application, l'absence de données sur le FNS et de discussions sur les différents types de FNS, et les autres omissions mentionnées dans le présent article rendent ce rapport du BIG peu convaincant pour les lecteurs externes. En l'absence de ces éléments essentiels, il aurait été préférable de ne pas le publier dans sa forme actuelle. Il aurait été plus approprié de se concentrer uniquement sur le cofinancement et le financement mixte et d'exclure le FNS du sujet.
Les lecteurs qui souhaitent en savoir plus sur le sujet du FNS et du cofinancement sont invités à lire les articles correspondants intitulés Déterminer, analyser et accroître le financement national de la santé et l'avenir du cofinancement.