Congo-Kinshasa: Site Ewa-Kindobo - Le conseiller David Mukeba prépare le lit à la spoliation officielle

Descendu sur le terrain pour une visite des lieux " afin de permettre au cabinet du chef de l'Etat d'avoir une idée précise de la question sur laquelle il est saisi ", David Mukeba, chargé des questions d'infrastructures au cabinet du président de la République, insiste sur la possibilité que possède l'Etat d'exproprier pour besoin d'intérêt public.

Attendu le 23 mars sur le terrain à Kindobo, dans la commune de la Nsele à Kinshasa, par des victimes des expropriations des terrains du site Ewa, le conseiller du chef de l'Etat en matière d'infrastructures s'attelle à préparer ces dernières à la dépossession officielle de leurs terres. Il leur fait comprendre que l'Etat avait la possibilité de leur prendre ces terrains pour une utilité publique.

S'estimant victimes de dépossession illégale de leurs lopins de terre alors qu' elles possèdent tous les documents légaux, ces victimes ont écrit au chef de l'Etat pour récupérer leurs terrains. Forts du fait qu'ils sont interdits d'accès à ce site par des éléments de la Garde républicaine, ces dépossedés ont sollicité de Félix Tshisekedi son intervention afin de récupérer ces terrains qu'ils ont légalement acquis.

Réagissant à cette démarche, le conseiller du président de la République chargé des Infrastructures est descendu sur le terrain. Pour donner leur version des faits, ces acquéreurs dépossedés de leurs terres ont répondu massivement à ce rendez-vous, avec l'espoir de rencontrer ce proche du chef de l'Etat et de trouver une solution à leur souci. " Nous sommes restés ici depuis le matin à attendre cette autorité qui arrive vers midi. Mais, à l'entendre, nous sommes déçus. C'est comme s' il est en train de nous préparer à cette spoliation officielle ", a souligné John Mulumba, une des victimes.

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Pour ces victimes, même dans le cas d'une expropriation pour besoin d'intérêt public, le vice de procédure relevé et tout ce qui entoure cette action indiquent déjà qu'il y a un problème. " La question que je veux poser au conseiller du chef de l'Etat, par médias interposés, est de savoir, en cas d'expropriation pour utilité publique qu'il a aimé tant évoquer, si les négociations se font en amont ou en aval ", a indiqué un Congolais qui estime avoir besoin d'une terre pour ses projets d'investissement dont les capitaux sont déjà disponibles.

Des confusions ou manque de maîtrise du dossier

Sur place, le conseiller du président de la République a demandé à visiter le terrain querellé avant de parler aux plaignants. Après ce tour des lieux, il s'est prêté à un exercice qui a paru périlleux pour lui car, déjà, au lieu de parler du site Ewa, le conseiller a constamment répété un autre site à problème, Pool Malebo, situé plus loin, dans une autre localité.

Et c'était aux victimes de lui rappeler, à chacun de ses égarements, le site dont il est question. " Pour une autorité de son rang, qui descend sur le terrain afin de chercher des solutions à un problème posé, il parle du site Pool Malebo alors que dans les documents officiels en ma possession, en tant qu'un des acquéreurs des lopins de terre sur ce site, le gouvernement parle du site Ewa. Ça, c'est une malheureuse confusion de sa part. Mais qu'à cela ne tienne ! ", a regretté John Mulumba.

Pire, le conseiller du chef de l'Etat, qui a promis de bien étudier ce dossier et de travailler avec des ministères sectoriels concernés pour permettre de mieux se prononcer, insiste sur l'expropriation pour besoin d'utilité publique. David Mukeba est revenu à plusieurs reprises sur cette possibilité d'expropriation légale jusqu'à faire croire à ces personnes qui s'estiment lésées qu'il s'obstinait à faire entrer en eux cette possibilité prévue par les lois de la République; une option plus plausible à prendre dans cette affaire.

Des acquéreurs déçus

Pour ces personnes qui se disent victimes d'une expropriation hors normes, le conseiller du chef de l'Etat n'a pas convaincu car, au lieu de condamner la façon dont cette dépossession des terrains s'est faite, il s'est plutôt permis de l'encenser. " S'il faut exproprier pour intérêt public, comme veut le faire croire le conseiller du président Félix Tshisekedi, cela doit suivre une procédure.

On ne pouvait pas venir à la Zorro chasser les propriétaires qui ont acquis ces terrains d'une manière légale, détruire leurs constructions et d'autres biens et leur empêcher l'entrée du site en y postant des éléments de la Garde républicaine qui, on le sait, ont pour mission de garder le chef de l'Etat, sa famille et ses biens ", a souligné John Mulumba. Il a ajouté que même si l'Etat prévoyait une indemnisation des personnes dépossédées, cela ne pouvait se faire qu'à la suite de l'évaluation de ce que chacune d'elles aurait investi dans sa parcelle.

Une présence militaire renforcée

La présence des éléments de la Garde présidentielle sur ce site fait croire que ce domaine appartient désormais au chef de l'Etat et à sa famille. Pour mater la foule qui voulait y rencontrer le conseiller du chef de l'Etat et lui poser de visu ses problèmes, plus de deux dizaines d'éléments de la Garde républicaine armés, parmi lesquels des hauts gradés et des instructeurs commandos (identifiés par les mentions sur leur tenue/T-shirt jaune) se sont ajoutées à ceux de garde et déployées sur les lieux.

Des sources proches de ce dossier ont, par ailleurs, renseigné que ce terrain a été doté à des Indopakistanais qui y érigent déjà un mur de clôture. Ce qui a de plus révolté les acquéreurs dépossédés. " Comment peut-on déposséder des citoyens pour le confier à des étrangers qui, assurément, vont y installer leurs entités commerciales ? ", s'indignent ces victimes. Dans leurs revendications, ces acquéreurs parmi lesquels des Congolais et une société chinoise qui y fabrique déjà des barres de fer disent attendre récupérer leurs terrains.

Dans tout cela, l'un de professionnels des médias dans l'exercice du métier est rentré à la maison sans deux boutons de sa chemise et l'autre, avec une enflure de la jambe. Il y a eu une note positive : des caméras et des téléphones confisqués ont été remis. Certains, après vérification que le contenu n'a pas heurté la sensibilité de la Garde républicaine déployée sur le lieu.

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