Qu'est-ce qui fait donc courir les Etats-Unis ces derniers temps. D'abord ce fut le chef de la diplomatie américaine Anthony Blinken, en août 2022 ; ensuite il y eut la tournée de la première dame, Jill Biden, en février dernier. Et voilà maintenant Kamala Harris, la vice-présidente, qui a entamé hier, un périple d'une semaine qui doit l'amener successivement dans trois pays anglophones (Ghana, Tanzanie, Gambie), des contrées où la démocratie est sur de bons rails.
Visiblement, ça semble être le principal argument du choix des pays à visiter... même si les Américains savent souvent s'accommoder des dictateurs et tyrans tant que ça les arrange. Maintenant, on remarquera au passage l'absence d'un Etat francophone sur l'itinéraire de la vice-présidente.
La visite du numéro deux de l'exécutif américain arrive à un moment où les grandes puissances se battent férocement pour l'Afrique, qui pour protéger leur pré carré, qui pour leurs intérêts économiques et stratégiques. On comprend donc l'intérêt de la première puissance pour ce continent aux belles promesses et qui serait " le continent de l'avenir ", comme ce que tout le monde chante. Ne serait-ce que pour sa jeunesse, son poids démographique et, surtout, la richesse de son sol et de son sous-sol qui n'arrive pourtant pas à le faire décoller. Quoi donc de plus normal qu'au cours de son séjour, la vision positive de l'Amérique sera le thème dominant, même si on peine à en connaître les contours exacts.
Au menu des rencontres, des sujets d'importance seront abordés : démocratie, allègement des dettes, croissance économique, sécurité alimentaire, invasion de l'Ukraine... Au-delà des questions politiques et diplomatiques, il y aura aussi une séquence affective pour la vice-présidente, née d'un père jamaïcain et d'une mère indienne, qui retourne sur les pas de son enfance, notamment en Tanzanie où elle s'y était rendue lorsque sa grand-mère originaire d'Inde y travaillait. Le périple est donc comme un mélange d'affect et de pragmatisme, même si on se demande quel impact ça aura véritablement sur le pauvre quotidien des Africains.
Pauvre Afrique ! En 1884, elle était déjà, lors de la Conférence de Berlin, l'objet de convoitises et de rivalités des puissances de l'époque qui se sont littéralement partagées des zones d'influence dont nous trainons encore aujourd'hui les séquelles. Et voilà que, un siècle et demi plus tard, comme si l'histoire bégayait, le berceau de l'humanité de nouveau en proie aux même rivalités à la seule différence que cette fois-ci, ce n'est par les coups de canons ou à la force des baïonnettes, mais par le soft power, stratégie devenue la principale arme, peut-être même plus redoutable.
Pour tout dire, la sémillante Kamala Harris viendra en touriste, repartira comme elle est venue, laissant derrière elle le berceau de l'humanité rempli de tous les malheurs du monde : pauvreté, maladies, guerres, catastrophes climatiques. Quand allons-nous enfin comprendre que nous devrions être les principaux acteurs de notre cause et que personne ne viendra nous sauver, pas plus que les Américains, les Russes ou les Chinois ?