Il ne faudrait pas trop s'attendre à ce que la reprise parlementaire de mardi change grand-chose en termes de transparence sur les affaires concomitantes qui occupent nos tristes actualités politiques.
Le temple de la démocratie, fermé depuis décembre dernier, est devenu un lieu où l'autocratisation se manifeste sous les traits d'un speaker qui, au lieu de jouer à l'arbitre entre la majorité et l'opposition, officie comme gardien de but pour le camp gouvernemental. La suspension démesurée d'Arvin Boolell (de quatre mois) en est l'illustration, s'il en fallait une. Alors que le cadrage partisan de la MBC, qui montre, en temps réel, un camp sous une lumière et l'autre camp sous une autre, est une provocation audiovisuelle - d'autant que le speaker leur octroie l'exclusivité de la couverture en direct des travaux parlementaires.
On verra sur la centaine de questions à l'agenda - portant sur les élections municipales, la mafia qui a infiltré les institutions et le réseau Franklin, l'état de l'économie, entre autres, combien seront répondues et combien seront renvoyées aux calendes grecques. Avec l'aide du speaker, pas plus de 30 % sont répondues. Pour le reste, on attendra en vain les written answers...
Les signes de la guerre totale sont désormais visibles. Les enjeux sont si énormes qu'aucun bloc ne peut se permettre de perdre la prochaine joute électorale. Chaque leader doit rivaliser d'ingéniosité et de stratégies afin de mobiliser ses troupes.
Pravind Jugnauth, informé quotidiennement par le NSS, se sait fragilisé politiquement. Son incapacité à mettre fin aux scandales gouvernementaux illustre son déficit de leadership, tandis que les effets d'annonce et la campagne zet labou de son camp n'arrivent pas à produire l'effet escompté sur la masse. La série ininterrompue de scandales a, en fait, fini par rendre blasée la majorité des électeurs vis-à-vis non seulement du gouvernement mais aussi des oppositions démembrées, ou des partis politiques en général.
Ce ras-le-bol grandissant envers les politiciens vient alors grossir le bassin des indécis, qui aurait dépassé le taux psychologique des 50 % de l'électorat - c'est-à-dire que plus d'un électeur mauricien sur deux ne se retrouve actuellement dans aucune des alliances politiques qui s'agitent. On parle ici de l'abstention grandissante et du phénomène de rejet pour les partis traditionnels qui n'arrivent pas à se renouveler.
Ce n'est pas difficile à prévoir : en démocratie, l'usure du pouvoir est réelle et ce gouvernement Jugnauth a été, durant ces dernières années, constamment secoué par une déferlante de scandales qui ont d'abord miné, ensuite noyé, les réalisations comme le salaire minimum (devenu en temps électoral le "benchmark" pour la pension de vieillesse - véritable non-sens économique), les Jeux des îles (sans, toutefois, pouvoir utiliser comme il se doit le stade Côte-d'Or, qui a englouti des milliards), Metro Express, le coûteux projet Safe City déployé avec l'aide chinoise et Huawei, et maintenant le pré-primaire gratuit.
Ceux qui pensaient que les années post-Indépendance allaient favoriser l'émergence d'une nouvelle sève s'en mordent les doigts. Les alliances sont devenues incontournables et sont dépourvues d'idéologie politique.
Une alliance, cela aurait dû ressembler à un mariage, c'est-à-dire basée sur ce frisson particulier, des fois indescriptible car irrationnel, que l'on appelle l'amour. Il peut être d'ordre romantique ou charnel, ou les deux, mais l'amour demeure ce philtre magique qui efface toutes les difficultés ou toutes les "contraintes" qui pourraient surgir de part et d'autre. Si l'amour se révèle fort, il peut souder une relation pour longtemps, parfois pour la vie. En alliance politique comme en relations internationales, par contre, il n'y a point ou peu d'amour (ou d'idéologie) mais uniquement des intérêts. Peut-être tout au plus une "alchimie". Ce qui peut aider. Mais une alliance est surtout un mariage de raison (pas de passion) et un alliage d'avantages, de dividendes, de profits, ou encore un compromis culturel, un "trade off" de concessions froidement calculées, et il n'est aucunement "pour la vie". Si, dans un mariage, on peut vivre l'extase, dans une alliance, on compte, on dénombre, on jauge. Les tickets, les ministères, les ambassades et autres nominations, les avantages divers, mais aussi les objectifs et leurs échéances, un programme commun, un plan d'action.
La grande alliance n'est pas un mariage d'amour et son socle, comme dans tout mariage politique, sera donc continuellement mis à l'épreuve par les cultures et les ambitions différentes ou divergentes des partenaires.
Le compromis, par nature, n'est jamais ni tout à fait sincère ni parfait. C'est bien pour cela que l'on parle de concessions et de compromis. C'est ce qui explique aussi pourquoi les alliances ne durent jamais, et que les cassures demeurent la seule certitude de l'équation. À moins que...