Cela fait un an, ce lundi 27 mars 2023 que le massacre de Moura a eu lieu. Ce village, dans la région de Mopti, dans le centre du Mali, a été le théâtre d'une opération antiterroriste de l'armée malienne et de ses supplétifs russes. Opération qui a duré cinq jours et au cours de laquelle plusieurs centaines de personnes ont été tuées. Les survivants ont également rapporté des actes de torture et de viols. Mais douze mois plus tard, les conclusions des enquêtes promises par la justice militaire malienne, comme par la Mission des Nations unies dans le pays, n'ont toujours pas été publiées.
Le procureur du tribunal militaire de la région de Mopti avait promis, dans un communiqué daté du 6 avril 2022, que les résultats des " investigations approfondies " menées par la gendarmerie malienne seraient rendues publiques, pour " faire toute la lumière " sur les " allégations d'exactions " portées contre l'armée malienne et ses supplétifs russes.
Avant même l'ouverture de cette procédure, l'état-major des armées du Mali avait jugé " infondées " des accusations destinées à " ternir l'image des Fama " (Forces armées maliennes), louées pour leur " professionnalisme ".
La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) a également mené sa propre enquête. En dépit de multiples demandes, ses spécialistes de la section Droits de l'homme n'ont jamais été autorisés par les autorités maliennes de transition à se rendre sur les lieux. Mais ils ont pu recueillir de nombreux témoignages et procéder à des recoupements.
Pourtant, le rapport attendu n'a, lui non plus, toujours pas été publié. Et ce alors que le Conseil des droits de l'homme des Nations unies a lui-même exigé, en janvier dernier, une enquête indépendante sur les " possibles crimes " de l'armée malienne et du " groupe Wagner ", notamment lors de l'opération militaire de Moura.
Une opération qui a été menée un jour de marché, qui s'est étendue sur cinq journées et au cours de laquelle l'armée malienne affirme avoir " neutralisé " 203 personnes, toutes jihadistes.
Les témoignages de survivants, collectés et publiés depuis par de nombreux médias et organisations de défenses des droits humains, font état de 200 à plus de 500 morts, enfants compris, très majoritairement civils. Des actes de torture - personnes obligées de rester allongées des heures en plein soleil, de transporter les corps des morts dans des fosses - et des dizaines de viols ont également été rapportés. Les témoins racontent que ce sont les supplétifs russes de l'armée malienne qui dirigeaient les opérations.
Dans une vidéo diffusée en juin dernier, Hamadoun Kouffa, le chef de la Katiba Macina du Jnim - Groupe de soutien à l'Islam et aux musulmans, lié à al-Qaïda - avait affirmé qu'une trentaine de ses combattants seulement étaient présents à Moura lors de l'opération de l'armée et avait nommément accusé les soldats maliens et leurs supplétifs russes, désignés sous le nom de Wagner, d'avoir tué des centaines de civils.
Le village de Moura est un point de ravitaillement habituel des jihadistes de la Katiba Macina, qui imposent depuis plusieurs années leurs règles aux habitants.