Dans le village de Doucoumbo, en Pays Dogon, résidents et déplacés internes cohabitent. Ici, on se rend compte que les impacts du conflit ont aussi un retentissement économique. Afin de pourvoir subvenir durablement aux besoins essentiels de sa communauté, Kadidia a fondé une association de femmes dénommée " Tjèsiri ".
Ce jeudi matin, Kadidia, présidente de l'association Tjèsiri, qui regroupe une vingtaine de femmes du village de Doucoumbo, accueille avec enthousiasme les agents du Comité International de la Croix-Rouge (CICR) venus pour une visite de suivi. Elle est fière de leur montrer l'unité de fabrication de savon de l'association.
Depuis que nous pratiquons cette activité, nous arrivons à avoir un revenu stable. Les fonds gagnés nous aident à prendre soin de nos familles. Nos produits sont utilisés pour la toilette, pour la lessive et le nettoyage. Ainsi, nous contribuons non seulement à l'assainissement de nos familles et de notre environnement, mais aussi au développement du village, déclare-t-elle fièrement.
Les femmes membres du groupement ne peuvent s'empêcher de sourire quand on évoque la fabrique. C'est un vrai accomplissement pour elles et une fierté pour Kadidia qui en est à sa tête.
Mère de quatre enfants, Kadidia est une référence en matière d'action pour l'émancipation des femmes dans la région. Elle milite depuis de nombreuses années pour une amélioration significative de leurs conditions de vie. La fabrication artisanale de savon est l'une des activités entreprises par son association pour relancer l'économie de leur village.
" La fabrication prend trois jours. Nous commençons toujours par nettoyer le matériel avant de mélanger les produits. Les savons sont à base d'huile de palme, connue pour ses riches vertus ", explique-t-elle.
Ralentissement des activités économiques
Situé dans le Pays Dogon, avec des paysages magnifiques où se côtoient les falaises et les plateaux historiques, le village de Kadidia est bouleversé par le conflit et les violences armées depuis de nombreuses années. Le ralentissement des activités économiques est l'un des problèmes qui pèsent le plus sur les habitants de Doucoumbo. Autrefois, ce village touristique accueillait des milliers de visiteurs. Les foires et les événements culturels permettaient à la population de vendre des produits artisanaux. Tandis que l'agriculture et l'élevage constituaient leurs moyens de subsistance.
De nos jours cependant, les activités touristiques ne sont plus d'actualité à Doucoumbo et les foires se font rares. L'agriculture et l'élevage sont fragilisé par les conséquences du conflit et les aléas climatiques telles que le manque de pâturage et la mauvaise répartition des pluies. De plus, la plupart des ménages hébergent des personnes issues de déplacements internes et partagent l'ensemble des biens disponibles au sein de la communauté jusqu'à l'amenuisement ou l'épuisement de leurs stocks, ce qui accentue leur précarité.
" Nos économies se sont épuisées au fur et à mesure que le conflit s'étendait. Nous ne savions plus à quel saint nous vouer et nous perdions espoir ", raconte Kadidia.
Lutter contre la précarité
Pour parer à cette situation, les femmes du village, sous la direction de Kadidia, ont fondé leur association Tjèsiri en 2018. Elles commencent par mener des activités de sensibilisation sur le mariage précoce et par la défense des droits des enfants et des adultes. Leurs projets se diversifient au fur et à mesure qu'elles sont appuyées par des organisations. C'est notamment grâce à une organisation internationale qui leur a permis de suivre une formation sur la fabrication de savon qu'elles ont pu développer cette activité.
Quant au CICR, c'est en 2022 que l'institution a soutenu ces femmes à travers un fond pour l'achat des équipements et matériels indispensables à la fabrication artisanale du savon : des tables, des bottes, des gants, une moto tricycle....
Le CICR a également donné à l'association un second fonds de roulement pour l'achat des intrants. Ceci pour permettre à ces femmes d'accroître leur revenu et de subvenir à leurs besoins socio-économiques de façon simple et viable.
"L'association utilise le procédé de fabrication à froid, c'est une méthode artisanale réalisée à température ambiante et ne nécessitant aucune cuisson. Cette technique est la plus simple et la plus adaptée, car elle ne nécessite pas de grands moyens", explique Jude Kitoko, un délégué du CICR.
À l'image du nom de leur association signifiant " bravoure ", Kadidia et les femmes qui l'accompagnent ont ainsi surmonté les obstacles pour relancer l'économie de leur village. Au terme de la fabrication, le savon " kadi " est vendu à 400 FCFA l'unité et à 5 200 FCFA le carton. Il est non seulement commercialisé dans le village de Doucombo, mais aussi dans les localités environnantes comme Mopti, Bandiagara, Markala, Koro, Sévaré, Bankass, Kori-Kori et Ficko.