Madagascar: Insurrection violente, répression sanglante

La IVe République française, née dans le contexte de l'Union française, est bâtie sur des contradictions qui l'affaiblissent. En décembre 1946, commence la guerre d'Indochine, « page douloureuse de la décolonisation». Le développement des nationalismes dans la plupart des Territoires d'Outre-mer « condamne, à plus ou moins brève échéance, la politique d'assimilation, lente et bien timide » (Histoire de Madagascar pour les classes terminales, 1967).

L'instabilité ministérielle ajoute encore à ces hésitations. Dans le monde, l'antagonisme des USA et de l'URSS ne manque pas une occasion de se manifester. « La guerre froide commence dès 1947, elle durera plus de six années. La déception est grande pour tous ceux qui ont salué la paix comme à une délivrance définitive! » Un malaise politique et social se développe presque partout. A Madagascar, la mise en place des rouages représentatifs, prévus par les décrets d'octobre et de novembre 1946, se poursuit. On procède aux élections des membres des Assemblées provinciales qui désignent, à leur tour, ceux de l'Assemblée représentative.

La victoire du Mouvement démocratique de la rénovation malgache (MDRM) s'affirme partout, sauf dans la province de Mahajanga. Contesté par l'Administration et le haut-commissaire Marcel de Coppet (durant son deuxième séjour dans la Grande ile) malgré ses victoires, le Mouvement dispose de plus des deux-tiers des sièges et l'emporte sur le Parti des déshérités de Madagascar (Padesm). Cette supériorité lui confère, le 29 janvier 1947, tous les sièges des représentants du deuxième collège à l'Assemblée de l'Union française. L'enjeu de ces luttes est grand. Les esprits s'échauffent, les passions s'exaspèrent, les incidents se multiplient.

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Un climat dangereux s'établit partout. Des bruits alarmants, contradictoires se répandent, augmentent encore le malaise général. L'insurrection- rébellion selon les colonisateurs éclate dans la nuit du 29 au 30 mars, «brutale, incompréhensible ». Elle trouve dans la forêt orientale une aire favorable. Malgré les rumeurs des jours précédents, « ici, la surprise est totale ».

Au cours de la nuit, les principaux centres- Moramanga, Manakara, Farafangana, Ambila-Lemaitso, Vatomandry- sont investis par les révoltes. Des fonctionnaires, des commerçants, malgaches et français, sont massacrés. Dans la brousse, les colons isolés succombent.

En revanche, sur les Hautes-Terres, dans le Sud et dans l'Ouest, le haut-commissaire reste maitre de la situation et s'efforce de calmer les plus excités. « Un désarroi profond nait de cette situation terrible. » D'avril à juillet, le mouvement progresse sur la falaise, en direction des Hautes-Terres. Il atteint son extension maximum en septembre.

Car, déjà, dans le milieu hostile de la forêt dense de l'Est où ils se cachent, la plupart des révoltés connaissent une situation matérielle difficile que la saison des pluies aggrave encore. « Isolés, au milieu des populations dépourvues et malheureuses, ils ne peuvent plus vaincre. » Il faut plus d'un an, jusqu'en décembre 1948, pour réoccuper militairement la côte et la falaise orientales. « Terrible comme la révolte, la répression laissa dans la forêt un horrible souvenir. »

Des procès s'ensuivent. Les parlementaires malgaches et le MDRM sont immédiatement accusés d'avoir préparé et ordonné le soulèvement. L'Assemblée nationale et le Sénat consentent à lever leur immunité parlementaire. Ils expriment cependant le désir de les entendre et de les voir comparaitre devant un tribunal français. Mais ils sont jugés à Antananarivo. Commencé le 22 juillet 1948, le procès dure plus de deux mois, mais n'apporte aucun éclaircissement.

Le 4 octobre, les députés Joseph Ravoahangy-Andrianavalona et Joseph Raseta sont condamnés à mort, avec quatre autres accusés dont Jacques Rabemananjara, et sept autres le sont aux travaux forcés. Des tribunaux de tous ordres, débordés par le nombre et le volume des affaires, fonctionnent jusqu'à la fin de 1948. En France le retentissement de l'insurrection est considérable. Car « le soulèvement est l'un des évènements qui aboutissent, après une décade de crises internes, en Outre-mer et dans la Métropole, à l'échec de l'Union française et à la naissance de la Communauté.»

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