L'administrateur général d'Afrique Pesage Burkina, Marcel Djédjé, s'est ouvert à Sidwaya, le mardi 21 mars 2023 (la veille de l'attaque du poste de Niangoloko). Il revient, entre autres, sur les activités de sa structure, spécialisée dans le contrôle de la surcharge routière et les incompréhensions y relatives.
Sidwaya (S) : Depuis combien d'années Afrique Pesage, société spécialisée dans le contrôle de la surcharge routière et de la surcharge par essieux, exerce au Burkina Faso ?
Marcel Djédjé (M.D.) : Afrique Pesage est au Burkina Faso, formellement, depuis 2016. Mais les premiers contacts datent de plus d'une dizaine d'années. Afrique Pesage avait auparavant des prestations auprès de l'Etat burkinabè, notamment de l'appui technique, la formation et la fourniture d'équipements de pesage.
S : Comment se déroule votre travail au Burkina Faso et en quoi consiste-t-il ?
M.D. : Notre travail se passe globalement bien depuis que nous sommes au Burkina Faso. Comme je l'ai souligné tantôt, il y a eu deux phases. La première était sous forme d'appui technique et la deuxième phase consiste à l'exploitation des sites que l'Office national de la sécurité routière (ONASER) nous a concédés. Cette seconde phase se passe bien, même si quelques difficultés persistent.
S : Quelles sont les difficultés auxquelles vous faites allusion?
M.D. : Les difficultés rencontrées sont généralement liées à la méconnaissance de l'activité par les acteurs. Il y a beaucoup de préjugés et de désinformation. Afrique Pesage est jugée à tort, sans qu'on ne l'approche pour connaitre les vraies réalités. En termes de désinformation, Afrique Pesage a longtemps été indiquée comme étant la filiale d'une entreprise française. Ce qui est archi faux, parce qu'Afrique Pesage est une entreprise entièrement panafricaine, conçue par des Africains. Afrique pesage Burkina est une entreprise de droit burkinabè donc il n'y a rien d'étranger dans sa constitution.
S : Des transporteurs routiers critiquent vivement le travail de contrôle de surcharge d'Afrique Pesage Burkina. Comment expliquez-vous cette situation ?
M.D. : Les remous auxquels nous sommes souvent confrontés sont liés à la méconnaissance de notre activité. Ils sont également liés au fait qu' Afrique Pesage n'est pas le seul acteur à exercer son activité au Burkina. Il y a Afrique Pesage, mais il y a aussi l'ONASER avec des méthodes différentes. Afrique Pesage a par exemple informatisé son système de facturation, mais l'habitude étant une seconde nature, certains acteurs ont du mal à se départir des anciennes pratiques. Et cela pose un problème.
S : Vous avez le sentiment d'être incompris ?
M.D. : Oui ! Nous sommes très mal compris, parce que beaucoup de nos partenaires pensent qu' Afrique Pesage est sur les routes pour faire du business, ce qui n'est pas le cas. Nous sommes sur les routes pour apporter notre expertise à l'Etat burkinabè, dans la lutte contre les surcharges.
S : Parfois, des transporteurs n'hésitent pas à remettre en cause vos bascules. C'est quoi réellement le problème ?
M.D. : C'est à tort que ces transporteurs remettent en cause nos bascules. Nos équipements de pesée sont certifiés par l'Agence burkinabè de normalisation, de la métrologie et de la qualité (ABNORM). Je ne crois pas qu'au Burkina il y ait une entité mieux placée que cette structure pour certifier des équipements de pesée. Alors, ce qui se passe, c'est que certains usagers comparent nos équipements à des équipements dont nous même ignorons les origines. La remise en cause de notre travail est aussi due au fait qu'il y a des disparités dans l'application du règlement 14 de l'UEMOA relatif à l'harmonisation des normes et des procédures du contrôle du gabarit, du poids et de la charge à l'essieu des véhicules lourds de transport de marchandises dans les Etats membres. Ce qui se fait dans un pays voisin n'est pas forcément ce qui se fait au Burkina. Malheureusement, toutes ces difficultés sont attribuées injustement à Afrique Pesage.
S : Avez-vous initié des cadres de rencontre avec les transporteurs pour aplanir ces divergences?
M.D. : Bien sûr ! Dès l'entame de notre activité, nous les avons approchés et le dialogue n'est pas rompu entre nous. Je tiens d'ailleurs à rassurer les transporteurs que nos portes restent ouvertes. A chaque fois qu'ils auront besoin d'éclairage, ils trouveront nos portes ouvertes. Nous ne leur tournons pas le dos. Au contraire, nous travaillons pour eux, car ils sont nos partenaires et ce que nous faisons, c'est dans leur intérêt. Une route qui est cabossée est une route accidentogène. Alors que nous savons que ce sont nos parents, nos frères qui sont sur ces routes. Les transporteurs ne doivent pas nous juger à tort.
S : Des transporteurs routiers trouvent que vos facturations au Burkina Faso sont plus élevées que dans beaucoup d'autres pays ou Afrique Pesage est également présente. Est-ce vrai ?
M.D. : Tout cela fait partie de la méconnaissance de l'activité. Les montants des amendes ne sont pas fixés par Afrique Pesage. Ils ont été fixés dans un cadre communautaire, à travers le règlement 14 de l'UEMOA. Par contre, la mise en oeuvre du règlement 14 est du devoir de l'acteur politique. C'est le politique qui insuffle à l'ONASER et à Afrique Pesage la marche à suivre. Afrique Pesage n'est qu'un exécutant. Donc, on lui fait un faux procès en disant que ses factures sont élevées puisque ce n'est pas nous qui fixons les amendes. S : Votre structure n'a véritablement pas son mot à dire dans la fixation des amendes ? M.D. : Non ! Afrique Pesage n'a pas son mot à dire dans la fixation des amendes. Les chefs d'Etat de l'UEMOA se sont réunis et c'est eux qui ont décidé du montant des amendes, à travers le règlement 14. Afrique Pesage en tant qu'entreprise concessionnaire de service public ne peut pas donner d'indication là-dessus.
S : Que dit précisément le règlement 14 de l'UEMOA ?
M.D. : Le règlement 14 a été conçu pour harmoniser le poids de la charge dans les 8 pays membres de l'UEMOA. Ce texte a défini le montant de l'amende en cas de non-respect des consignes édictées. Lorsque vous êtes en surcharge, vous devez payer 60 000 F CFA la tonne supplémentaire en cas de transport international. En cas de transport national, c'est 20 000 F CFA que vous devez payer sur la tonne supplémentaire. Hormis cela, le règlement 14 a identifié les types de camions et a affecté à chaque type, un poids maximal à ne pas dépasser. Vous voyez qu'Afrique Pesage n'intervient nulle part dans la fixation des montants des amendes et la fixation des poids limites.
S : A votre avis, quelles sont les conséquences des surcharges sur nos routes ?
M.D. : Les surcharges sur les routes engendrent de nombreuses conséquences. Il y a d'abord la dégradation précoce de nos infrastructures, le surcoût d'entretien des voies, la dégradation précoce de l'outil de travail des transporteurs. Un camion surchargé est difficile à maitriser. Il y a aussi les risques d'accident, la multiplication des drames sociaux liés au décès de certains acteurs du transport suite à des accidents.
S : Comment se passe votre collaboration avec l'ONASER ?
M.D. : Nos relations avec l'ONASER sont très bonnes. Nous travaillons main dans la main. Afrique Pesage a été mise en mission par l'ONASER pour les besoins du service public. Tous les mois, nos deux structures se réunissent pour examiner l'activité.
S : Quelles sont vos perspectives au Burkina Faso ?
M.D. : En termes de perspectives, nous voulons vraiment apporter notre expertise à l'Etat burkinabè et lui fournir beaucoup d'outils d'aide à la décision. Lorsque nous exerçons l'activité de pesage, nous recueillons sur les routes, un certain nombre d'informations, notamment le taux de surcharge, la nature des produits transportés. Nous voulons accompagner le développement de notre nation commune. Nous souhaitons que le système de gestion du pesage soit harmonisé au Burkina Faso. Comme je le disais, divers acteurs exercent l'activité de pesage au Burkina. Ceux-ci souhaiteraient que le système de pesage développé par Afrique Pesage, sur les stations dont elle a la charge soit répandu sur les autres sites pour faciliter l'activité.
S : Quels sont les axes et les sites où Afrique Pesage est présente au Burkina ?
M.D. : Les axes sur lesquels on trouve Afrique Pesage, c'est essentiellement l'axe Dakola-Ouagadougou et Ouagadougou-Niangoloko. Quant aux sites, nous exploitons ceux de Dakola, de Tanghin Dassouri, de Bobo-Dioulasso et de Niangoloko. Il y a un cinquième, celui de Banfora mais pour des raisons sécuritaires, il n'a pas encore été mis en exploitation.
S : Est-ce que la situation sécuritaire a un impact sur vos activités ?
M.D. : L'insécurité est une affaire de tous. Bien entendu, nous nous faisons accompagner par les forces de l'ordre dans l'exercice de notre mission qui veillent à nos côté nuit et jour.
S : Afrique Pesage est indexée comme étant à l'origine de la vie chère. Que répondez-vous ?
M.D. : Cela fait partie du mauvais procès que l'on fait à la structure. Afrique Pesage ne fixe aucun tarif, elle ne fixe pas non plus le poids limite des camions. Le poids limite des camions, le tarif de l'UEMOA et les amendes sont fixés par le règlement 14. Ce sont ces mesures qu'Afrique Pesage tente de faire respecter avec l'appui des autorités étatiques. Donc dire qu'Afrique Pesage est à l'origine de la vie chère, c'est un faux procès. C'est vrai que des comportements ont existé, mais il ne faut pas perdre de vue que les amendes appliquées sur les routes sont insignifiantes pour réparer les dégâts des surcharges. Il faut que les transporteurs prennent la mesure des dégâts causés par la surcharge sur nos routes, sinon Afrique Pesage n'est nullement à l'origine de la vie chère.
S : Vos partenaires disent que c'est seulement au Burkina Faso qu'on parle de surcharge. Qu'est-ce qui leur fait dire cela ?
M.D. : Cela est simplement dû au fait qu'ils ne savent pas ce qui se fait ailleurs. Ce n'est pas seulement au Burkina qu'on parle de surcharge. On parle de surcharge dans la communauté de l'UEMOA. Les mêmes transporteurs que nous avons au Burkina traversent toute la zone de l'UEMOA. Ils vont même en dehors. Partout où il y a des équipements de pesée, on va forcément parler de surcharge s'il y en a. S'il n'y a pas de surcharge, on n'en parlera pas. C'est une pratique qui vise à protéger les routes de la communauté de l'UEMOA et à faciliter le commerce entre les Etats.
S : Quelle est la contribution d'Afrique Pesage au budget de l'Etat burkinabè ?
M.D. : Afrique pesage travaille pour le compte de l'Etat burkinabè à travers l'ONASER. Toutes les données que nous récoltons sont la propriété exclusive de l'ONASER. Donc nous ne sommes pas autorisés à les divulguer.
S : Qu'est-ce qui fait la spécificité de votre pesage ?
M.D. : Naturellement, il y a une différence entre un pont bascule et un pèse-essieu. Le pont bascule est un plateau gigantesque avec quatre capteurs sur lequel monte le camions et qui reste statique. On y récupère le poids. Mais la finalité de ce pont bascule est purement économique. Ça veut dire qu'après avoir pris le poids, ce qui nous importe, c'est le poids de la marchandise transportée. Généralement, c'est ce qu'on trouve dans les Chambres de commerce et dans les Douanes. Quant au pèse-essieu, il a une autre finalité, car c'est une machine qui a pour but exclusif de protéger la route.
Ça veut dire que lorsqu'une route est faite et qu'elle est équipée d'un pèse-essieu, les camions de transport de marchandise, type poids lourd, quand ils arrivent, vont passer sur le pèse-essieu et celui-ci va capter la pression que ces essieux exercent sur la chaussée. Lorsque vous parcourez nos routes, vous voyez que la chaussée s'est affaissée par endroits. C'est la conséquence des surcharges à l'essieu. Sur les pèse-essieux, les pesées sont faites en dynamique. Ça veut dire qu'on se rapproche du réel. Ce n'est pas lorsque le camion est arrêté que l'on peut constater les dégâts causés par un essieu sur une chaussée. C'est lorsqu'il est en mouvement.
S : Avez-vous un message à l'endroit des transporteurs routiers ?
M.D. : Les transporteurs routiers sont nos partenaires. C'est ainsi que nous les appelons. Je voudrais les rassurer et leur dire qu'Afrique Pesage n'est pas là pour faire du business. Nous ne sommes pas non plus là pour les empêcher de mener leurs activités. Au contraire, nous sommes là pour protéger leur outil de travail. Nous sommes à leur entière disposition.