Au groupe Rogers, les effets du changement climatique sous ses différentes formes ont suscité un intérêt pour aller au-delà de la finalité de toute entreprise, celle d'atteindre les résultats financiers escomptés. Il veut doter le pays d'un atout : démontrer qu'en termes de développement durable, Maurice a de quoi séduire ses partenaires. Bel-Ombre est devenu le berceau où l'«Art de vivre tropical durable» est une réalité.
Imaginez un scénario où certains pays, ou groupement de pays, comme l'Union européenne - un des principaux partenaires tant commercial qu'économique de Maurice -, ont recours à l'imposition d'une taxe pour tout type de transactions bilatérales et dont le montant est calculé selon le degré d'implication dans la lutte contre le rejet dans l'atmosphère des gaz à effet de serre. Un phénomène à l'origine des modifications constantes du climat qui, pour s'ajuster à ces nouvelles conditions, répond par un réchauffement climatique.
Le signe avant-coureur que le recours à une taxe pour lutter contre le changement climatique est derrière la porte est la décision du gouvernement néerlandais d'introduire, à partir de novembre, un programme de réduction du nombre de vols à Schiphol, l'aéroport d'Amsterdam. Raison évoquée : la lutte contre la pollution de l'air et le changement climatique. Les hommes d'affaires, les sociétés ou les grands groupes mauriciens peuvent-ils élaborer leur programme de développement en faisant abstraction des menaces imminentes du changement climatique sur l'économie mauricienne ? Réponse du Chief Executive Officer d'un groupe solidement implanté dans le secteur économique de Maurice depuis plus de 225 ans : «S'il y a quelque chose qui m'empêche de dormir, c'est ce qui nous arrive au niveau planétaire. C'est plus grand que chacun d'entre nous. Je pense qu'on va voir pire que ce que l'on a anticipé.»
Il s'agit de Philippe Espitalier-Noël, Chief Executive Officer du groupe Rogers. Il prenait la parole le jeudi 23 mars au quartier général du groupe à la Rogers House, à Port-Louis. C'était dans le cadre d'une rencontre avec des représentants de la presse à la suite d'une enquête dont une des observations est la posture des dirigeants du groupe à adopter un niveau trop élevé de retenue à l'égard des médias. Une posture qui a occasionné une véritable rupture de contact avec ce secteur, plateforme incontournable en vue d'augmenter sa visibilité.
La meilleure façon de combler ce vide, c'était de parler à coeur ouvert des efforts du groupe pour se repositionner dans un environnement où le changement ne connaît pas de repos. Comme pour dire que le groupe Rogers n'a rien à cacher, bien au contraire, est plus présent qu'on ne le croit dans ce monde caractérisé par une mutation constante. Tout au long de son intervention, Philippe Espitalier-Noël a démontré que le groupe sait quoi faire pour obtenir les résultats escomptés dans les cinq segments où il a décidé de concentrer ses efforts.
La clé de cette réussite du groupe repose sur quatre facteurs qu'il a su intégrer dans son mode opératoire, à savoir une vision qui s'articule autour de la volonté du groupe de gérer son destin, de s'armer de l'agilité qui lui permet de prouver qu'il peut digérer le changement, de l'intégrer, afin de s'en servir pour saisir des opportunités. Cela amène, certes, des disruptions mais cela apporte pas mal d'opportunités également.
Les deux autres facteurs sont d'abord l'engagement aux termes duquel «on veut s'assurer que quelque part, on est en mesure d'aller au bout de notre conviction et qu'on est présent pour les uns et les autres en entreprise afin que le collectif devienne de plus en plus costaud et beaucoup plus fort, beaucoup plus profond que l'individuel». Et l'excellence qui consiste à démontrer que le groupe dispose de toutes les qualités que nécessite son engagement.
«Excellence dans le service et dans les relations avec la clientèle ; excellence par rapport à une obligation de travailler, de plus en plus, dans le digital, de s'assurer que nous avons une philosophie de communication avec une clientèle et qui va au-delà du face to face, et qui nous permet aussi de travailler à distance, avec le progrès de la technologie d'avoir une somme de connaissances avec plus d'une centaine de cols blancs qui travaillent avec nous, avec les vraies compétences techniques, des ingénieurs et d'autres. On a été très loin dans l'usage de la technologie au service de l'entreprise forcément même durant le Covid.»
Après plus de 225 ans d'expérience dans l'environnement commercial et économique, aux niveaux local, régional et international, aucun défi ne fait peur au groupe comme chercher des occasions de croissance sur le plan international. «C'est un élément important pour nous. On a une philosophie d'internationalisation qui peut être un peu différente de celle des autres. Nous, on a choisi d'avoir une internationalisation graduelle où nous ne pensons pas que ce soit une bonne idée de se lancer avec une philosophie profonde, dans un projet énorme, en investissant des milliards sur les marchés, mais de toujours développer de petits business, petit à petit, graduellement, en essayant de comprendre l'endroit, les conditions économiques dans lesquelles on travaille. C'est vrai pour La Réunion, Madagascar, le Kenya. C'est aussi vrai pour le Mozambique, pour l'Inde ou encore Singapour. Je pense que tout cela nous a permis, entre autres, de développer des contacts, de comprendre la culture et la manière d'opérer, et aujourd'hui, la bonne nouvelle, c'est que toutes nos opérations internationales sont profitables.»
Cependant les défis liés au changement climatique donnent des sueurs froides à un des hommes d'affaires les plus influents de l'île. Car ce qui l'effraie le plus, ce sont les risques de transition. «Ces risques sont extrêmement dangereux», explique Philippe Espitalier-Noël. Car ils proviennent des décisions qu'un groupe de pays peut prendre pour atténuer les effets du changement climatique comme la réduction du trafic aérien. Ne voulant pas se laisser emporter par le pessimisme occasionné par des risques, Philippe Espitalier-Noël ne va pas baisser les bras. C'est ainsi que le positionnement du groupe Rogers dans une situation prédominée par les incertitudes liées au changement climatique s'articule aussi autour de l'obligation d'en tenir compte dans ses opérations, d'améliorer la conscience des quelque 4 500 employés des cinq segments du groupe et de celle de ses clients pour qu'ils participent à un changement responsable.
Le groupe a choisi Bel-Ombre comme le berceau de son intérêt pour la promotion du concept de l'«Art de vivre tropical durable» du pays. Une posture qui va permettre à Bel-Ombre de valoriser pleinement les multiples dimensions de ce territoire, en prenant les mesures requises pour être :
· un sanctuaire qui sert à protéger les nombreuses formes de vie qui prospèrent dans les écosystèmes terrestres et marins complexes; · un terroir qui donne à nos produits tropicaux leur saveur unique ;
· un lieu où les pratiques durables sont expérimentées et implémentées pour relever les défis de demain ; et
· un terrain de jeu luxuriant porteur d'un remarquable répertoire d'expériences.
L'objectif du groupe consiste à conférer au pays un instrument capable de lui permettre de démontrer qu'en matière de développement durable, Maurice fait de son mieux pour tant soit peu lutter contre la hausse du niveau de gaz à effet de serre déversé dans l'atmosphère. Cela, au cas où cette performance devienne une obligation pour évoluer sur des marchés, voire une contrainte vitale.