Ile Maurice: Prêt médical à taux zéro - Ce plan qui suscite diverses interrogations

Le ministère de la Santé a signé un Memorandum of Understanding (MOU) avec 18 cliniques privées, la State Bank of Mauritius Limited (SBM) et la MauBank Limited afin de permettre aux patients de bénéficier d'un prêt à zéro intérêt pour des soins en clinique, sous certaines conditions. Ce prêt a été introduit comme mesure budgétaire en 2022. Le public a-t-il pris avantage de ce prêt ? C'est ce que nous avons essayé de savoir.

Tout d'abord, comment ça marche ? D'emblée, le patient doit fournir un certificat médical prouvant qu'il doit suivre un traitement dans une clinique privée. De son côté, la clinique privée remet un devis avec le montant que le patient aura à payer et qu'il devra ensuite soumettre à la banque. La banque, elle, réglera la note directement à la clinique. Le ministère de la Santé versera les intérêts du prêt directement à la banque.

Selon les modalités de ce prêt, le montant à débourser varie entre Rs 50 000 et Rs 1 million et le remboursement peut aller jusqu'à sept ans (84 mois, y compris le moratoire de 12 mois sur le capital). Pour y être éligible, le revenu mensuel brut total du ménage du bénéficiaire (les deux époux conjointement ou une seule personne) ne doit pas dépasser les Rs 200 000. Ce plan est ouvert à tout Mauricien résidant dans l'île depuis au moins six mois avant le traitement, sauf s'il ou elle s'est absenté(e) du pays pour un traitement, des vacances, des affaires ou des études, précise le site de la SBM. Ce prêt devra être utilisé pour financer uniquement des traitements/ opérations dans un hôpital privé agréé.

La chirurgie esthétique, la greffe de cheveux et la liposuccion sont exemptées de ce plan. «Est-ce qu'une clinique offrant des soins esthétiques figure sur cette liste ?» s'interroge le Dr Vasantrao Gujadhur.

L'ex-directeur des services de santé au ministère estime que le gouvernement utilisera l'argent des contribuables pour payer les intérêts. «Indirectement, c'est la population qui contribue au financement du traitement du patient dans une clinique. Tout cela est un business. La clinique recevra son argent directement de la banque en une seule tranche, la banque recevra ses intérêts directement du gouvernement et c'est la population qui paiera en partie», explique-t-il.

Le Dr Gujadhur fait ressortir qu'il existe deux catégories de citoyens. L'une, qui peut se permettre ou qui est éligible pour obtenir un prêt. Il choisit sa clinique, son médecin traitant et ne figure sur aucune liste d'attente. «La population contribuera à ses traitements en le payant partiellement à travers les impôts». L'autre catégorie concerne ceux qui ne peuvent se le permettre ou qui ne sont pas éligibles à un prêt et qui doivent suivre leur traitement dans un hôpital public. «Ces personnes seront sur liste d'attente pour une chirurgie, si besoin est.»

Notre interlocuteur estime qu'il y a une demande croissante non satisfaite des patients fréquentant les établissements publics. «En raison d'une utilisation inefficace des ressources, le gouvernement a maintenant recours aux soins de santé privés contre paiement au lieu d'améliorer l'efficacité au niveau des hôpitaux. Des patients iront dans des cliniques privées et se retrouveront par la suite en difficulté financière pour rembourser le prêt», explique notre interlocuteur.

Selon lui, cette pratique va à l'encontre du principe de base de l'Universal Health Coverage. Cette couverture sanitaire universelle (CSU) préconise que tout le monde puisse accéder aux services essentiels, sans en souffrir financièrement. «Son objectif est de garantir que toutes les personnes obtiennent les services de santé dont elles ont besoin sans en souffrir financièrement au moment du remboursement.» Il existe trois dimensions à la CSU: la couverture démographique, celle financière et la couverture des services.

«Maurice est toujours confrontée à des défis pour parvenir à l'équité, à la qualité et à la protection financière de la couverture sanitaire. L'objectif politique global du gouvernement est d'atteindre le niveau de santé le plus élevé possible, indépendamment du sexe, de l'âge, du handicap, du statut social et de la capacité à payer», fait ressortir le Dr Gujadhur. Selon lui, Maurice s'est engagé à fournir des services de soins de santé gratuits à sa population, que ce soit des soins de santé primaires que des soins spécialisés. «Durant les dernières années, le gouvernement a investi de plus en plus dans la santé. Cependant, les Mauriciens paient encore trop de leur poche, ce qui les expose à la crise financière liée à la mauvaise santé», se désole l'ancien directeur des services de santé.

Du côté du ministère de la Santé, l'on explique que le prêt médical à taux zéro a surtout pour objectif de permettre à tous les Mauriciens de bénéficier de soins dans les cliniques privées, surtout en ce qui concerne les traitements qui ne sont pas disponibles dans les hôpitaux publics. «Maurice fait partie des rares pays au monde où l'accès aux soins est à un maximum trois kilomètres de chaque maison.

Le ministère continue à décentraliser ses services de santé avec les nouveaux mediclinics et dispensaires à travers l'île.» D'ajouter que «Maurice peut se vanter d'être l'un des pays d'Afrique avec le plus fort taux d'Universal Health Coverage et nous poursuivons cette politique avec la présence de spécialistes dans les mediclinics». Le ministère de la Santé ainsi que l'Organisation mondiale de la santé pensent que l'Universal Health Coverage ne deviendra plus robuste qu'avec l'apport des secteurs de santé publique et privée, avance le préposé du ministère. «Il ne s'agit pas d'une concurrence mais plutôt d'une complémentarité. L'intérêt est remboursé aux banques par le ministère de la Santé à travers le budget du ministère.»

Notre interlocuteur ajoute que la SBM et la MauBank ont accepté dans une démarche de permettre à un plus grand nombre de personnes de se tourner vers les cliniques si elles le souhaitent, élargissant ainsi l'éventail de soins à Maurice. «Les hôpitaux ne demandent pas aux Mauriciens de s'adresser au privé, le choix appartient aux patients. Il va sans dire que le ministère continue d'améliorer ses services de santé et d'ajouter des spécialités qui n'étaient pas disponibles dans le service de santé publique auparavant.»

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