Tchad: Pluie de grâces présidentielles à N'Djamena

On ne sait pas si le ramadan y est pour quelque chose, le Tchad étant un pays fortement musulman, mais c'est comme si la grâce présidentielle y était le maître-mot ces derniers temps. La dernière fois, le 21 mars 2023, ce sont 400 ex-rebelles dont 380 ex-combattants du Front pour l'alternance et la concorde au Tchad (FACT) qui, à peine condamnés par le tribunal de grande instance de N'Djamena, ont été graciés par le président de la République, le général Idriss Mahamat Déby Itno.

On leur reprochait, entre autres chefs d'accusation, d'avoir officiellement assassiné le père de ce dernier, parti inspecter les troupes au front en avril 2021. Ils avaient aussi été reconnus coupables d' « acte de terrorisme, mercenariat et atteinte à la sécurité du territoire national ».

En effet, le 20 avril de la même année, l'armée annonçait que le maréchal Déby, qui dirigeait le Tchad depuis plus de 30 ans d'une main de fer, avait été tué au front par les rebelles. Dans la foulée, elle nommait l'un des fils du défunt président, en l'occurrence Idriss Mahamat Déby Itno, président de la République, pour une période de transition, à la tête d'une junte militaire de 15 généraux.

La démarche est suffisamment rare pour ne pas être soulignée. On n'avait pas encore fini de commenter la première grâce présidentielle qu'intervient une seconde quelque trois jours plus tard. Après donc les rebelles, le chef de la junte tchadienne gracie 259 des 269 manifestants contre le pouvoir en octobre 2022, qui avaient été jugés et condamnés à la prison ferme, lors d'un procès de masse à huis clos, sans avocats ni médias indépendants, cela après plus d'un mois et demi de détention dans une geôle de haute sécurité en plein désert.

Les accusés avaient écopé de deux à trois ans de prison ferme pour des 'faits d'attroupement non autorisé, de destruction de biens, incendie volontaire, violence et voie de fait, coup et blessures volontaires, trouble à l'ordre public (...) ».

Constitués de jeunes pour la plupart, les condamnés avaient, en son temps, répondu à l'appel à manifester de l'opposition contre la prolongation de deux ans au pouvoir de Déby fils, sur recommandation d'un « Dialogue de réconciliation nationale », boycotté par une grande majorité de l'opposition politique et de plusieurs groupes rebelles armés parmi les plus importants.

En moins d'une semaine donc, c'est quelque 600 prisonniers qui auront bénéficié de la magnanimité du maître de N'Djamena qui consent ainsi à « un geste de pardon pour permettre à tous les fils et filles du Tchad de bâtir leur pays sur de nouvelles bases ». Une perche qui leur est tendue pour leur permettre de retrouver la liberté, leurs familles et de reprendre le cours de leur vie, selon le coordonnateur du collectif de leurs avocats, qui voit en cette initiative une volonté du gouvernement d' « apaiser les tensions ».

Mais cela sera-t-il suffisant pour calmer les contempteurs du pouvoir en place à N'Djamena ? Pas si sûr, quand on sait bien que le noeud gordien dans cette situation, c'est la possibilité pour le jeune général Idriss Mahamat Déby Itno de se présenter à l'issue de la transition. Tout le contraire de ses promesses de départ donc.

Déby fils arrivera-t-il à amadouer, par ses grâces présidentielles à répétition, une classe politique très exigeante et irréductible ? Rien n'est moins sûr. Attendons donc de voir.

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