La proposition de l'ancien ministre Djibril Bassolé d'ouvrir le dialogue avec les Burkinabè enrôlés dans les groupes djihadistes ne laissent pas indifférent au Burkina.
L'ancien ministre de la Sécurité burkinabè, Djibril Bassolé, a proposé, lors d'un forum à Doha au Qatar, d'ouvrir le dialogue avec les Burkinabè enrôlés dans les groupes djihadistes. Une proposition qui se heurte toutefois à l'hostilité non seulement de la junte au pouvoir mais aussi d'une bonne partie de la population burkinabè. La suspension de la chaîne France 24, qui avait diffusé une interview du chef d'Al Quaïda au Maghreb islamique, est d'ailleurs une illustration de la sensibilité du sujet.
La demande de Djibril Yipéné Bassolé, général de la gendarmerie, ancien ministre de la Sécurité et ancien chef de la diplomatie, de dialoguer avec les groupes armés est donc loin d'être partagée au Burkina Faso.
En effet, de nombreux burkinabè rejettent cette idée. Ils considèrent que négocier avec les terroristes est une concession trop importante.
Des avis qui divergent
Selon Lassané Sawadogo, premier vice-président de la Fédération des mouvements panafricains, Djibril Bassolé défend sur ce point la position de Paul-Henri Sandaogo Damiba, l'ancien colonel putschiste.
"Je suis contre cette proposition. Comment un Etat souverain avec une armée bien composée, formée et équipée, va aller négocier avec des terroristes, une minorité de personnes qui s'est levée contre sa patrie ? Comment peut-on avoir l'idée de négocier ? Djibril Bassolé a l'idéologie de Damiba qui est de négocier avec l'ennemi et d'être sous la domination de l'impérialisme" précise-t-il.
Sur ce sujet, les avis divergent toutefois. Ainsi, Yamel Yago et Aristide Ouédraogo, du Front pour la défense de la République, un parti d'opposition, y voient des pistes possibles pour sortir de la crise actuelle.
Selon lui "la vie humaine n'a pas de prix". il poursuit en expliquant que "si on peut négocier avec le terrorisme et trouver les moyens de ne plus être attaqué, je trouve qu'il n'y a pas de problème. Il faut sauver le peu qui reste. Il n'y a pas de puissance qui ne négocie pas avec les terroristes, même les Etats-Unis et la France négocient avec les terroristes. Il faut tout essayer."
Il rappelle par ailleurs que "les Américains ont permis aux Afghans de négocier avec les talibans à Doha, les Israéliens appellent les Palestiniens des terroristes mais ils négocient pour trouver un terrain de paix. On n'a jamais gagné la guerre sans négociation. Ce sont des hommes, ce sont des humains. C'est justement dans ce sens qu'on peut explorer toutes les voies pour aller à la paix ".
Une option envisageable
Djibril Bassolé semble proposer toutefois des pourparlers avec les Burkinabè qui ont rejoint les groupes djihadistes, mais pas un dialogue avec les combattants étrangers.Pour Lébouré Crépin Zanzé, expert en sécurité, la négociation devrait être une option envisageable.
"Aujourd'hui, le tout sécuritaire ne peut pas résoudre le problème sécuritaire de notre pays. Il faut varier les pistes de solutions. Le général Djibril Bassolé, en disant qu'il faut aller à la négociation avec les groupes armés terroristes, vient confirmer les fonctions qu'il a occupées par le passé. Un général ne fait pas de plan de guerre fermé, un général fait des plans de guerre ouverts. La négociation est la meilleure des stratégies militaires parce qu'elle vous permet de connaitre vos ennemis et ses attentes" précise l'expert à la DW.
Le chef de la junte au pouvoir, le capitaine Ibrahim Traoré, semble pour l'instant écarter tout dialogue et se concentrer sur l'option militaire pour repousser l'avancée des groupes djihadistes.Cette option parait correspondre aux attentes de la plupart des Burkinabè qui sont réticents à l'idée de négocier.
En juillet 2022, son prédécesseur, Paul-Henri Sandaogo Damiba, avait pour sa part appelé les citoyens burkinabè enrôlés dans le djihad à rejoindre le processus de dialogue.