Dakar — Le procureur général de la cour d'appel de Dakar, Ibrahima Bakhoum, a annoncé mardi l'arrestation de Yarga Sy, un agent d'une entreprise de sécurité aéroportuaire, pour "des faits d'homicide involontaire, de tentative d'assassinat et d'administration d'une substance nuisible à la santé", sur l'opposant Ousmane Sonko.
"En explorant le dossier médical de ce dernier (Ousmane Sonko), on espérait y trouver des indices faisant état de l'administration d'une substance toxique ou d'une atteinte à son intégrité physique. Mais [...] la piste de la tentative d'assassinat n'a pas permis d'obtenir du corps médical des éléments pouvant nous renseigner de sa réalité ou pas", a déclaré M. Bakhoum lors d'un point de presse.
Toutefois, "l'enquête a permis de savoir qu'il est constant et factuel qu'une personne nommée Yarga Sy [...] a remis au sieur Ousmane Sonko une écharpe verte, jaune et rouge contenant du liquide, dont il dit que c'est du vinaigre", a-t-il expliqué.
Le procureur de la cour d'appel de Dakar est d'avis que "s'il y a manifestement atteinte à son intégrité physique ou sanitaire", "la seule piste que l'enquête a permis d'établir" est celle conduisant les enquêteurs vers M. Sy.
"C'est sous ce rapport que le sieur Yarga Sy [...] a été maintenu dans les liens de la détention pour des faits présumés d'homicide involontaire, de tentative d'assassinat, d'administration de substance nuisible à la santé", a ajouté Ibrahima Bakhoum.
Selon lui, la Sûreté urbaine, qui mène l'enquête sur la tentative d'assassinat dont l'opposant et maire de Ziguinchor (sud) dit être victime, a buté sur le refus de trois médecins de divulguer des informations pouvant être judiciairement utiles. Les médecins en question, après s'être portés au secours de l'opposant, ont invoqué le secret médical pour s'abstenir d'alimenter l'enquête, a dit le procureur général.
Les enquêteurs cherchaient, tout en restant "dans les limites du secret médical", à savoir si on a cherché à attenter ou pas à la vie de M. Sonko, "soit par atteinte à son intégrité physique, soit par atteinte à son intégrité sanitaire", selon le chef du parquet général de Dakar.
Yarga Sy a été appréhendé au terme de "saisies d'objets" et de "perquisitions" menées après que des informations faisant état d'une tentative d'assassinat sur M. Sonko ont été rendues publiques par les médias, a-t-il précisé. "En raison de la gravité des faits, le procureur de la République du tribunal de grande instance de Dakar, en toute responsabilité, s'est autosaisi et a demandé à la Sûreté urbaine d'ouvrir une enquête exhaustive et approfondie sur cette tentative d'assassinat [...] dont l'opinion s'émeut."
"Il est en instance de défèrement"
M. Sy a dit aux enquêteurs qu'il est un militant de Pastef, le parti d'Ousmane Sonko, selon le procureur général de la cour d'appel de Dakar. "Il est en instance de défèrement" au parquet, a-t-il annoncé.
Les enquêteurs "ont exploité une vidéo [...] partagée sur les réseaux sociaux. Une vidéo dans laquelle on aperçoit une personne qui porterait un capuchon, avec un sac à dos aux couleurs pouvant prêter à confusion avec l'accoutrement de nos forces de défense et de sécurité", a expliqué Ibrahima Bakhoum.
"Des recherches menées pour le localiser ont permis de se rendre compte que ce Yarga Sy a déjà été poursuivi et placé sous mandat de dépôt à la maison d'arrêt de Rebeuss", à Dakar, a-t-il déclaré.
M. Sy est un habitant de Mbour (ouest) et a été identifié comme un employé d'une société de sécurité aéroportuaire, selon M. Bakhoum, qui a invoqué la nécessité, pour le magistrat qu'il est, de respecter le secret de l'instruction pour ne pas en dire davantage.
"Il est ressorti de son audition qu'il a quitté le département de Mbour, le jour des manifestations, pour venir à Dakar", a-t-il affirmé.
"D'après ses propres déclarations, son leader (Ousmane Sonko) a été pris à partie par les forces de l'ordre, et il s'est proposé de venir participer à la manifestation. Il les (Ousmane Sonko et ses proches) a rejoints à [...] Mermoz et s'est fondu parmi les membres de la garde rapprochée d'Ousmane Sonko", a dit le magistrat.
Yarga Sy a confié aux enquêteurs, selon M. Bakhoum, que "pour se protéger des grenades lacrymogènes, ils (les proches d'Ousmane Sonko) ont l'habitude de se prémunir de bouteilles de vinaigre qu'ils [utilisent] pour amoindrir les effets de la fumée provenant des grenades".
Il dit avoir tenté de "secourir" Ousmane Sonko, qu'il a vu les yeux larmoyants, lorsque ses militants se sont mis à en découdre avec les forces de l'ordre, sur le chemin le conduisant au tribunal, pour le procès en diffamation que lui a intenté le ministre du Tourisme, Mame Mbaye Niang, un militant de l'APR, le parti politique de Macky Sall.