Rodrigues n'est pas en reste en matière de gaspillages de fonds publics. D'emblée, il ressort que l'Assemblée régionale (ARR) n'a pris aucune action dans 62 % des lacunes relevées dans le rapport précédent. Cette fois-ci, l'ARR est épinglée pour l'absence de mise en oeuvre des normes comptables internationales pour le secteur public (IPSAS), les faiblesses dans le contrôle des dépenses, les lacunes dans la gestion des finances, des actifs et des projets et le non-respect des législations.
Opacité
Contrairement au gouvernement central qui s'y est lancé depuis octobre 2016, l'ARR ne s'est toujours pas alignée aux normes IPSAS comme préconisé par le Fonds monétaire international (FMI) dans son rapport de juin 2022. L'objectif principal est de consolider ses comptes avec ceux de l'administration budgétaire centrale afin d'améliorer la transparence, la responsabilité et la prise de décision. Malgré la disposition transitoire pour l'année 2021-22 dont elle aurait pu bénéficier comme souligné par le FMI, et les nombreux rappels de l'Audit depuis 2018-19, l'ARR n'en a cure.
Rs 5,8 millions à des pseudo-indépendants
Rs 1,08 milliard ont été dépensées pour des prestations sociales, telles que les pensions, l'aide sociale et le soutien aux chômeurs en 2021-22, sans contrôle adéquat. Manque d'information sur le statut des bénéficiaires, mesures inefficaces pour détecter et recouvrir des pensions versées en trop à d'anciens récipiendaires décédés, versement de Rs 94 400 à sept retraités pour le mois suivant leur décès et zéro recouvrement des Rs 5,8 millions payés sous le plan d'aide aux travailleurs indépendants à 183 bénéficiaires dont le revenu dépassait le seuil prévu.
D'octobre 2018 à juin 2022, les bénéficiaires cotisants ont reçu des pensions totalisant Rs 48,85 millions provenant du budget de la RRA mais aucune demande de remboursement n'a été faite auprès du National Pensions Fund. Ensuite, Rs 4 millions ont été payés malgré la non-présence des travailleurs recrutés dans le cadre du programme de réhabilitation des terres sur six sites identifiés. Paiement également de Rs 864 960 en deux fois à l'entrepreneur pour la construction du centre communautaire du Mont-Lubin sans que le montant excédentaire ne soit récupéré.
Manque à gagner à Rs 18 millions et Rs 79,7 millions
L'ARR n'a pas revu les lois existantes et les mécanismes de collecte des revenus. Les recettes générées en 2021-22 par le RRA ont légèrement augmenté pour atteindre Rs 48 millions contre Rs 46 millions de roupies en 2020-21. Les dépenses, quant à elles, ont augmenté de manière significative pour atteindre Rs 4,6 milliards en 2021-22 contre Rs 4,1 milliards en 2020-21.
Manque à gagner à Rs 18 millions et Rs 79,7 millions (à l'exception des droits d'enregistrement payables sur le transfert de propriété des véhicules) pour les droits et la taxe d'enregistrement respectivement pour les trois dernières années se terminant au 30 juin 2021.
Ce n'est pas tout. En septembre 2022, quelque 40 mois après la création d'une société de TIC, la capacité de bande passante vendue à trois opérateurs n'était que de 14,4 Gbps sur la capacité disponible de 100 Gbps. Aucun plan stratégique pour augmenter la vente de la capacité de bande passante qui aurait permis d'augmenter de Rs 16 millions le montant perçu au cours de 2021-22.
Non-respect des procédures à l'aéroport de Plaine-Corail
Les procédures du marché public n'ont pas été suivies lors de la sélection d'un consultant pour une étude d'impact environnemental et social (ESIA) du projet de développement de l'aéroport de Plaine-Corail. Même défaillance lors de la désignation d'un consultant chargé d'assurer la formation des bénéficiaires sélectionnés et de superviser les installations de digesteurs de biogaz pour la production d'énergie à partir de déchets organiques ménagers et l'éco-village de Rivière-Coco.
En septembre 2022, soit 28 mois après la construction de 141 digesteurs de biogaz pour Rs 21 millions, 140 d'entre eux n'étaient toujours pas raccordés aux cuisines des bénéficiaires. L'objectif de réduire l'utilisation de gaz importé par les bénéficiaires n'a donc pas été atteint.
Tablettes et PC coûtant plus de Rs 10 millions inutilisés
La commission responsable de l'éducation, qui ne disposait pas d'une liste d'élèves éligibles, a acheté Rs 3,46 millions de tablettes, qui n'ont pas été remises aux écoles secondaires. De même, elle a loué 110 ordinateurs personnels (PC) pour Rs 8,46 millions pour cinq ans sans aucune analyse coût/bénéfice pour décider de la meilleure option. Le comble : la plupart de ces ordinateurs de cinq écoles primaires visitées n'ont pas été utilisés faute de connexion à l'Internet.
Le projet de création d'une seconde unité de dialyse au centre de santé régional de La Ferme, à Rs 4,8 millions, était toujours en suspens. Quant à l'appareil de dialyse et d'autres équipements coûtant Rs 5,72 millions et livrés depuis mars 2022, ils étaient toujours conservés dans des cartons au centre de santé de la région en septembre 2022.
Captage d'eau de pluie à l'eau
Les structures de collecte d'eau de pluie à Montagne-Goyaves et Baie-Malgache, construites à Rs 37,4 millions, sont restées inutilisées pendant plus de quatre ans, impactant négativement sur le développement de l'agriculture dans ces régions.
Un récepteur RX-C pour le DWR, acheté à 6 705 euros et reçu en décembre 2020, n'a toujours pas été installé à la station météorologique, 20 mois après sa livraison.
La gestion du contrat pour la construction de routes à Rodrigues pour les exercices financiers 2020-21 et 2021-22 n'a pas été strictement conforme au cahier des charges, retardant les travaux.
Retard de livraison pour l'acquisition d'équipements médicaux d'une valeur de Rs 11,9 millions. Les dommages-intérêts pour retard ont été annulés sans aucune justification. Treize équipements médicaux, d'un coût de Rs 20,6 millions, qui auraient dû être livrés entre janvier 2021 et août 2022, n'avaient toujours pas été livrés en septembre 2022.
Les documents d'appel d'offres pour la construction du centre de loisirs pour seniors à Baie-Lascars n'ont pas été préparés convenablement. Cela a retardé la mise en oeuvre du projet lancé en 2013 et qui en était encore au stade de l'appel d'offres neuf ans plus tard.
Le robinet toujours à sec
Le design préliminaire du réseau de distribution d'eau entre le réservoir de Montagne-Goyaves et Baladirou a été estimé entre Rs 50 millions et 65 millions. En avril 2021, il a été demandé au consultant de procéder à la conception détaillée du projet. En août 2022, plus d'un an plus tard, le rapport sur la conception détaillée était toujours attendu. Ce retard entrave sérieusement le développement du réseau de distribution d'eau dans les régions où le manque d'eau est une préoccupation majeure.
Quelque 17 mois après la date d'achèvement révisée, la station d'épuration des eaux usées de Grenade n'a toujours pas été complétée. Cette installation a été jugée de la plus haute importance en raison des graves problèmes environnementaux qu'elle soulevait.
Le modèle d'éco-village de Rivière-Coco n'a pas été un succès. Sur les cinq moyens décrits dans le modèle pour exploiter et utiliser les énergies renouvelables, seuls deux, à savoir l'électricité pour l'éclairage public et la vente d'électricité au Central Electricity Board, ont été réalisés.
Le contrat pour la fourniture, l'installation, les essais et la mise en service de l'usine de dessalement et de l'équipement à Baie-Malgache et Pointe-Cotton, attribué en avril 2018 pour un montant de Rs 121,7 millions, n'a pas été correctement géré. Après la mise en service de la station à Baie-Malgache en décembre 2020, celle-ci est tombée en panne pendant la période d'essai. En août 2022, le même entrepreneur a obtenu un contrat pour le démantèlement et la relocalisation de la station de Baie-Malgache à Pointe-Venus et Songes, et la réparation de l'usine de Pointe-Cotton pour un montant de Rs 19,7 millions par le biais d'une méthode de passation de marché directe.
Les subventions du gouvernement à l'Assemblée régionale ont totalisé quelque Rs 16,1 milliards au cours des quatre derniers exercices financiers, dont Rs 4,6 milliards pour l'exercice financier 2021-22. D'où la piqûre de rappel de l'Audit de faire preuve de prudence et de diligence afin que les fonds publics soient dépensés de manière économique, efficiente et efficace.