Dans la région de Beni, des victimes qui ont survécu aux violences présentent des troubles psychologigues. Reportage dans un centre de prise en charge.
Georgine Siheria tient dans ses bras un bébé de neuf mois qu'elle a eu après une série de viols.
En 2012, elle et plusieurs autres personnes ont été enlevées à Kitevya, près de Oicha, puis conduites en brousse par les rebelles ADF.
Plusieurs jeunes filles ont été forcées à avoir des relations sexuelles avec leurs kidnappeurs.
Au Centre de protection des indigents et malades mentaux, où elle est assistée par des psychologues, elle s'efforce d'accepter son bébé dont elle ne connaît pas le père.
"Nous avons passé deux semaines dans leur camp, le visage voilé. Nous étions violées chaque jour par des inconnus, raconte Georgine Siheria. Quand ils nous ont enfin relâchées, j'ai erré deux jours durant avant d'arriver à la maison. On m'a conduite à l'hôpital et on m'a annoncé que j'étais enceinte. Cela m'a traumatisée et on m'a amenée ici. Les psychologues m'ont conscientisée pour aimer et garder l'enfant que je portais déjà. Le voici, c'est mon enfant, mais il ne connaîtra jamais son père", dit la jeune dame.
"Cette guerre m'a tout pris"
Au même centre, Espérance Kavugho, une autre femme, est aussi prise en charge par des médecins.
Les psychologues tentent de lui faire oublier la terreur vécue le jour où les rebelles ont attaqué son village.
Ce jour-là, elle a été prise en otage avec ses deux frères qui ne sont jamais revenus.
"Les ADF sont arrivés dans notre champ. Ils ont ligoté les filles à part et les garçons à part. Moi et d'autres filles, nous avons pu nous sauver en route. Je ne sais pas ce qui est arrivé à mes frères. Ils ne sont jamais revenus, témoigne Espérance avant d'ajouter : recueillie ici, je ne parlais plus, j'étais désespérée, hypertendue. On m'accompagne oui, mais toutes les fois que je pense à mes frères, à l'ambiance qu'il y avait dans notre champ, la peur m'envahit. Cette guerre m'a tout pris !", raconte Espérance.
Plus de 1.500 cas de traumatismes
Depuis 2021, le Centre de protection des indigents et malades mentaux d'Oicha a accueilli au moins 1.500 cas de personnes traumatisées.
Le psychologue Abraham Mukondi explique que son centre assiste des anciens otages, des déplacés de guerre, des veuves, des orphelins et des rescapés des massacres.
"La majorité décrivent leur vécu douloureux. Nous sommes obligés de faire l'hygiène psychologique de leur vécu douloureux. Nous avons réussi à réintégrer socialement au moins 300 cas. Nous assistons aussi les victimes par un petit travail, un petit métier et nous amenons le malade à positiver sa vie", explique le psychologue à la DW.
Mais, l'action des associations locales n'est pas suffisante pour assurer la prise en charge psychologique et la réinsertion des milliers de rescapés et victimes des tueries à Beni, dans l'est de la RDC.