Madagascar: Le premier 14-Juillet célébré en Imerina

Avec l'arrivée des colonisateurs, les Malgaches doivent adopter la Fête nationale française à la place de la Fête du Bain royal. Ils préparent, comme à leur habitude, les cadeaux qu'ils ont l'habitude d'offrir à qui de droit- parents, notables, doyens- comme le vody akoho (croupion du poulet).

« Des milliers de volatiles vont être échangés », narre un chroniqueur français de l'époque qui ajoute : « Les Malgaches les plus primitifs ne sont pas éloignés de croire que le général Gallieni, en grand uniforme, montera se baigner dans l'ancienne salle du trône ! » Mais la célébration se fera à l'européenne comme le promettent de grandes affiches : grande revue militaire, mât de cocagne, course en sac, feux d'artifices.

Cependant, de l'ancien rituel de la Fête du Bain, les Malgaches retiendront la retraite aux flambeaux à travers les villages des campagnes et les quartiers des villes... Bien avant le Jour-J, la ville s'efforce de métamorphoser la Place d'Andohalo, transformant le grand espace en pente rapide raviné par les pluies en un square ou plutôt en trois squares étagés. Au centre, le plus grand, se dresse un kiosque élevé sur les plans de Jully, architecte des Résidences.

« Si toutes ces merveilles n'ont pas été terminées pour la date convenue, du moins le travail est-il très avancé. » D'ailleurs, la « ville officielle » quitte le bas- le voisinage du marché du Zoma à Antaninarenina- pour se transporter autour d'Andohalo, les services de la Poste en dernier lieu. « On l'a installé au coin de la Place et du chemin de Faravohitra, dans un temple en construction qu'on a racheté et achevé. »

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Ainsi, en ce mois de juillet 1897, l' «Imerina en paix plonge, pour la première fois de son histoire, dans l'ambiance républicaine ». Les troupes françaises, quant à elles, par une nécessité inéluctable, prennent contact avec les Sakalava, continue le chroniqueur français. Quelques jours plus tôt, raconte-t-il, une bande de Sakalava Mavohaza mène une razzia dans le voisinage d'Ankavandra, suivant l'habitude des dahalo.

Le poste commandé par le lieutenant Rocheron, les poursuit et les rejoint dans un cul-de-sac, bloqué par une falaise à pic. L'affrontement se fait à l'arme blanche et les Sakalava, coincés, se défendent âprement. Bilan : du côté français, quatre Sénégalais tués et quatre autres blessés ; du côté sakalava, vingt-et-un corps sont restés sur le terrain. Pourtant, pense le journaliste, il est illusoire d'espérer que cette leçon servira.

Les Sakalava continuent, effectivement, d'inquiéter les postes frontières, comme ils l'ont fait des anciens postes hova. « Et comme notre patience est plus courte, nous serons acculés, à bref délai, à une action énergique. » Il pense que cette réaction aura deux résultats. Le premier fera « rentrer dans le droit chemin un repaire de bandits ». Le deuxième permettra de livrer le Tsiribihina à l'exploitation aurifère de Betsiriry et à la navigation. C'est « le plus beau fleuve de l'ile qui conduit jusqu'aux confins de l'Imerina. »

Pour les colons, ce sera un début de solution au problème pénible des communications. Toutefois, toujours d'après le chroniqueur français, le colon Lefèvre, ou du moins la société qu'il représente, obtient l'autorisation d'établir un chemin de fer aérien. L'infrastructure est formée d'un système de bennes momentanées et descendantes, « un immense funiculaire allant de Vatomandry à Ankeramadinika ». Malheureusement, jamais l'expérience n'est tentée sur une vaste échelle et l'on conteste la possibilité de son succès.

Pendant ce temps, la construction de la route de Mahajanga « qui a coûté tant de vies au corps expéditionnaire à cause surtout de maladies », avance assez rapidement. En attendant, la portion qui est l'oeuvre des sept mille victimes, aura supporté... deux saisons pluvieuses. Le chroniqueur conclut : « L'opinion publique a été justement impressionnée en France, mais les circonstances, pour ne pas dire les hommes, ont été plus coupables que le climat. L'Ouest est trois fois moins humide que l'Est : trois mètres d'eau annuellement à Tamatave, un à Majunga. Ces chiffres sont éloquents. Je ne serais pas étonné que, entre tant de routes possibles- Tamatave, Vatomandry, Diego-Suarez dont le lieutenant Boucca est en train d'explorer la route-, Majunga, jadis favori et dont la côte est ensuite tombée si bas, finit par arriver outsider. »

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