A la deuxième semaine du mois sacré, une question continue d'agiter le débat : qu'en sera-t-il du niveau des prix des denrées alimentaires ? Confrontés depuis quelques mois à des tensions inflationnistes quasi-structurelles, les ménages sont mis en difficulté par la cherté de la vie.
Certains redoutent même un Ramadan sans saveurs, et appréhendent l'idée de ne pas pouvoir subvenir aux dépenses liées à cette période synonyme de copiosité et de plaisirs gustatifs.
Pour l'heure, les consommateurs, dans l'attente d'une baisse des prix, se serrent la ceinture et privilégient la parcimonie à l'opulence habituelle des ftours, en optant pour des recettes moins onéreuses à base d'ingrédients abordables.
Alors que le mois de Ramadan est en règle générale accompagné d'un renchérissement des prix en raison de la forte demande en produits alimentaires, cette année, le consommateur est en plus contraint de composer avec l'agent inflation.
Les derniers chiffres du Haut-Commissariat au Plan (HCP) confirment ce constat puisque l'indice des prix à la consommation (IPC) a enregistré, en glissement annuel, une hausse de 10,1% au cours du mois de février 2023.
La composante alimentaire à elle-seule s'est appréciée de 20,1% sur la même période tandis que l'IPC des produits non alimentaires a évolué de 3,6%. Les légumes affichent une augmentation de 17,8%, les fruits de 5,7% et les viandes de 4,3%.
Sur les étals des grandes surfaces comme dans les souks et les marchés, les prix des denrées alimentaires connaissent tellement des fluctuations que les mécanismes économiques de détermination des prix ne font plus autorité.
En effet, à en voir le taux de variation des prix, il est clair que les facteurs économiques classiques tels que l'inflation et la demande excédentaire ne suffisent plus à justifier ces niveaux tarifaires nourris par la spéculation de certains commerçants.
Ces dérives ont d'ailleurs fait l'objet d'une récente communication du Conseil économique, social et environnemental (CESE) qui pointe du doigt la responsabilité des intermédiaires dans la hausse des prix et appelle à la réglementation de leur rôle et à la réorganisation des circuits de commercialisation.
Interrogé par la MAP, le président de la Fédération nationale des associations du consommateur, Ouadie Madih, préfère parler d'une "stabilité" au lieu d'une "baisse" des prix qui ne reviendront, selon lui, certainement pas aux niveaux antérieurs.
"Il faut dire que le consommateur marocain se retrouve dans une situation délicate où les revenus stagnent et le coût de la vie augmente", a-t-il déploré en essayant d'expliquer la cherté actuelle de la vie par un triple choc.
A la hausse systématique des prix durant le mois de Ramadan, s'ajoutent le contexte inflationniste international et la baisse de la pluviométrie qui impacte depuis quelques années l'ensemble des filières agricoles, a-t-il précisé.
M. Madih évoque un autre facteur, non moins influent, qui est celui des fraudes commises par certains commerçants, accentuant ainsi la hausse des prix des denrées. "Lorsque la demande dépasse l'offre, certains marchands cèdent à l'appât du gain et profitent de ce déséquilibre pour faire augmenter leurs marges", a-t-il dit.
Pour s'accommoder avec cette conjoncture "exceptionnelle", M. Madih a appelé les consommateurs à rationaliser leurs dépenses, revoir leurs habitudes de consommation, et prévenir le gaspillage, car ils sont pour une partie responsable de la hausse des prix.
Et d'ajouter : "Il faut rappeler aux ménages leurs droits et leurs obligations et comment ils doivent se comporter pendant le mois de Ramadan (...) nous les invitons aussi à adopter une attitude raisonnable dans leur comportement d'achat et de consommation pour pouvoir combattre la cherté de la vie".
Pourtant les autorités gouvernementales semblent préoccupées par la question du pouvoir d'achat des citoyens et se mobilisent depuis des semaines pour un retour à la normale, ou du moins une stabilité, des prix des produits alimentaires.
"Les prix de certains produits alimentaires ont connu une hausse au cours des derniers jours en raison des conditions climatiques", avait récemment indiqué la ministre de l'Economie et des Finances, Nadia Fettah.
La ministre a toutefois assuré que ces prix devraient se stabiliser ou baisser à la faveur de l'augmentation attendue du rythme de la production au cours des prochains jours pour être à la portée de tous les citoyens.
En prévision d'un retour imminent des prix à la normale et dans l'espoir que les différents acteurs de la chaîne d'approvisionnement alimentaire prennent conscience de cette situation, il est temps que les consommateurs remettent en question leurs habitudes de consommation, qui ne devraient pas être dictées uniquement par le critère du prix.
Par Zin El Abidine Taimouri (MAP)