Cote d'Ivoire: Salubrité - Les caniveaux transformés en dépotoir

Les habitudes, dit-on, ont la peau dure. Malgré la nouvelle politique de salubrité dans le district d'Abidjan, caractérisée par des opérateurs équipés de matériels modernes de ramassage des ordures, et un centre de valorisation et d'enfouissement technique de ces déchets, les populations continuent d'utiliser les caniveaux comme des poubelles.

« Nous sommes obligés d'enlever ces déchets afin que l'eau puisse couler. Si nous ne le faisons pas, toute l'eau que nous enlevons du sol va se retrouver sur le bitume et inonder les lieux ». Ainsi s'adressent à nous deux hommes rencontrés à Marcory Zone 4, boulevard du 7 décembre, non loin du restaurant « Petit café ». Avec un râteau et une pelle, ils s'attèlent à enlever des déchets, en l'occurrence des sachets plastiques, des bouteilles d'eau minérale, de soda, des gobelets jetables utilisés par les vendeurs ambulants de café et thé, des bouts de planche... dans un caniveau. Comment tous ces objets ont-ils pu se retrouver dans ce conduit d'eau pluviale? Les deux hommes affirment n'avoir aucune idée. Juste qu'ils ont font le constat que cela gênait leurs travaux. Aussi, ont-ils ont décidé de curer le canal à leur niveau.

En fait, les deux hommes sont sur le chantier de construction d'un immeuble à quelques mètres de ce caniveau bouché. C'est donc tout naturellement que les ouvriers reversent toute l'eau qu'ils enlèvent du sol dans le canal. Ce, à travers de gros tuyaux qui draine le liquide depuis le sous-sol.

De fait, toutes les canalisations de cette rue où foisonnent restaurants, glaciers et autres fast-foods sont bouchées par les déchets solides. Un fait assez surprenant quand même. Quand on sait que nous sommes dans un des quartiers les plus huppés de la commune de Marcory, où habite une forte communauté étrangère, en particulier asiatique et européenne, assez aisée. Et, où les habitudes ne sont pas les mêmes que dans les quartiers populaires. D'où viennent donc ces ordures qui replissent les caniveaux jusqu'à les rendre invisibles ?

Zongo, serveur dans un des restaurants de la place, pointe du doigt les passants, les vendeurs ambulants et ceux installés le long de la rue. « C'est une rue beaucoup fréquentée. Il y a beaucoup de chantiers de construction d'immeuble ici. Donc, il y a de nombreux travailleurs qui arrivent le matin tôt pour ne repartir que le soir. Ils se restaurent chez des vendeuses de nourritures installées juste à côté des caniveaux. Ce sont tous les déchets de ces commerces qui se retrouvent dans les conduites d'eau pluviales. Nous avons aussi les vendeurs ambulants de café qui sont assez nombreux sur la rue. Après avoir servi un client, ils s'en vont. Ce dernier n'ayant pas de poubelle à côté, se débarrasse de la tasse jetable dans la rue ou dans le caniveau », explique le jeune serveur. Qui indique que des bacs à ordures avaient été déposés au niveau de quelques carrefours de la rue, mais l'insalubrité qui y régnait a amené les riverains à demander leur déplacement. Sauf deux grandes poubelles au carrefour du Petit café, sont restées.

Autre endroit, toujours à Marcory, le grand marché. Le canal qui passe devant ce lieu est totalement bouché par les ordures. Y stagne une eau noirâtre dégageant une odeur nauséabonde. Juste devant le marché se trouve un bac à ordures. Mais, de nombreux commerçants déversent leurs détritus juste à côté du bac. De sorte que l'eau qui y suinte coule vers le caniveau. Qui lui-même sert de dépotoir pour les eaux et les déchets de poissons frais. Ce comportement des vendeuses de poissons est décrié par les tenants de magasins installés le long du marché et sur tout l'alignement menant à l'église Sainte Bernadette. « On (les vendeuses de poissons) leur a parlé en vain. Mais le soir, elles jettent tous les restes des poissons dans le caniveau. C'est ce qui provoque cette odeur que nous sommes obligés de respirer à longueur de journée », se plaint la propriétaire d'un magasin de vente de vêtements pour dames. De leur côté, les vendeuses de protéines soutiennent que les bacs sont faits pour les déchets solides et qu'il n'y a aucun dispositif leur permettant de se débarrasser de l'eau de poissons, à part les regards et le caniveau.

Cependant, Marcory n'est pas la seule commune à connaitre ce phénomène de caniveau bouché.

Une situation générale !

Plusieurs caniveaux des communes d'Abidjan (Adjamé, Abobo, Koumassi, Yopougon etc.), sont bouchés par les déchets solides. Une situation qui amène à s'interroger. A qui incombe la responsabilité de curer les caniveaux?

Interrogée, une source du service communication de la mairie de Marcory soutient que le curage des caniveaux n'incombe pas aux mairies. Mais plutôt au ministère de l'Hydraulique, de l'Assainissement et de la Salubrité. Audit ministère, il nous a été rétorqué que seuls les caniveaux situés sur les voies principales sont de leur responsabilité. L'entretien des caniveaux situés sur les voies secondaires incombe aux mairies. « Ce que nous appelons réseaux primaires, ce sont les grands ouvrages qui ne sont pas à la portée des communes. C'est l'Etat qui s'en charge à travers le ministère de l'Assainissement et par délégation à travers l'ONAD (Office national de l'assainissement et du drainage). Il s'agit des gros barrages écreteurs. Nous avons aussi les grands caniveaux et certains caniveaux secondaires qui ont une certaine dimension. Maintenant, les réseaux tertiaires, les ruelles dans les quartiers, ce sont les communes qui s'en chargent. Elles (les communes) diront souvent qu'elles n'ont pas les moyens pour faire le travail », explique M. Sanogo Amara, directeur général de l'ONAD.

Avant chaque saison des pluies, l'office, soutient-il, organise des opérations de pré-saison qui consistent à entretenir ces ouvrages. Ces opérations, à l'en croire, ont démarré. Et cette année, l'ONAD a été instruit de prendre en charge aussi les réseaux tertiaires pour soulager les mairies et éviter ainsi les inondations.

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