Ile Maurice: Etude commandée par le Kolektif Drwa Imin - Près de Rs 20 000 de dépenses directes pour une femme victime de violence

Et presque le double pour une victime LGBTQIA+

Intéressante étude que celle commandée par le Kolektif Drwa Imin (KDI) à quatre professionnelles et portant sur la violence basée sur le genre (VBG) et ses coûts économiques à Maurice, vus à travers le regard des victimes, qui sont le plus souvent des femmes, leurs enfants, de même que les personnes Lesbienne, Gay, Bisexuelle, Trans, Queer, Intersexe, Asexuelle et autres (LGBTQIA+). S'il a été difficile pour les chercheuses d'établir les coûts économiques indirects de cette violence sous-rapportée car les différents services de l'État qui s'en chargent n'ont pas harmonisé leurs données, en termes de coûts directs, durant les 12 derniers mois, une victime a casqué en moyenne Rs 19 375 en dépenses personnelles, médicales et légales. Et pour la personne LGBTQIA+, qui a subi cette violence au cours de la dernière année, c'était presque le double du montant susmentionné en coûts directs, soit Rs 27 585.

Le KDI réunit Gender Links Mauritius, la Young Queer Alliance et le Kolektif Drwa Zenfan Morisien, qui rassemble 11 organisations non gouvernementales et quatre membres individuels.lles. Son but est de promouvoir l'égalité, l'inclusion et la protection de tous.tes et en particulier des plus vulnérables de la société. Les professionnelles ayant mené cette étude sont Soujata Rughoobur-Seetah, qui a un doctorat en management avec spécialisation en gestion des ressources humaines, Sanju Naraidoo, détenteur d'un doctorat en économie, Loga Devi Balla Soupramanien, qui a un doctorat en droit et Yarti Deonaran, dont le doctorat en finance est actuellement examiné.

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Cette recherche était en trois volets. Les chercheuses ont d'abord organisé un Focus group avec 24 représentants de ministères de la Santé, des Finances, de l'Égalité des genres, de l'Education, de la Sécurité sociale, de l'Ombudsperson for Children, de la police, du Bureau central des Statistiques, des responsables de maisons d'accueil de femmes et d'enfants, des personnes LGBTQIA+, des avocats, médecins, universitaires et des étudiants, puis trois interviews semi-structurées en groupe de discussion. Elles ont ensuite sondé la population ciblée et l'échantillonnage comportait 620 femmes dont 405 victimes de violence, 119 autres choisies au hasard et 227 personnes de la communauté LGBTQIA+. La majorité des femmes concernées par l'étude ont complété leur cycle secondaire et une bonne partie a même fait des études universitaires. Finalement, pour la phase d'analyse statistique, les professionnelles ont administré 394 questionnaires sur la VBG, son impact sur les victimes et ses coûts directs et indirects.

Limitations

Les chercheuses se sont heurtées à des obstacles : les situations de violence non rapportées (par honte, peur, tabous, menaces, par la méconnaissance de ce qui est subi est en fait de la violence etc.) un manque de données spécifiques sur le coût unitaire encouru par les différents services de l'État traitant cette violence, l'information obtenue sur les enfants victimes directes ou collatérales de cette VBG venant des parents eux-mêmes ou de leurs tuteurs légaux et une absence de données sur des indicateurs importants comme les heures de travail perdues en raison de l'absentéisme des victimes ou le coût sur la productivité de ces absences au niveau de l'emploi. Sans compter un manque de statistiques précises sur la VBG ne permettant pas d'avoir un tableau global de la situation et un manque de concordance dans les statistiques de la police, des Family Support Bureaux, des organisations non gouvernementales s'occupant des victimes et du Bureau central des Statistiques.

Quand on parle de coûts économiques, cela englobe les coûts directs pour la victime, à savoir ses frais de transport pour se rendre à l'hôpital, ses dépenses pour les médicaments, ceux de la psychothérapie, les frais légaux mais aussi ceux indirects comme ses jours d'absentéisme pour aller se faire soigner et leur impact chiffré sur sa productivité et sur celle de l'entreprise qui l'emploie, le travail ménager non effectué mais aussi les coûts pour les différents services de l'État vers lesquels la victime se tourne. On sait seulement que pour l'année financière 2021/2022, le ministère de l'Égalité des Genres a alloué Rs 14,9 millions pour traiter les cas de VBG. De son côté, le Mauritius Research and Innovation Council a obtenu Rs 13,8 millions sous le National Resilience Fund pour mettre en place un Observatoire de la VBG, qui n'est toujours pas opérationnel et la National Social Inclusion Foundation a également approuvé un montant pour la réalisation de projets pour la protection de la famille, incluant la VBG. Mais ces chiffres sont loin de représenter la totalité des dépenses des services de l'État par rapport à la VBG sur les victimes mais aussi sur les auteurs de violence dénoncés, qui sont arrêtés et qui font de la prison.

Donne inchangée

La donne inchangée par rapport aux études antérieures faites sur la VBG est que la forme de violence la plus courante et la plus régulière est la violence verbale, émotionnelle et psychologique incluant un comportement de contrôle. Les premières données révèlent que 47.7 % des interrogées ont indiqué que leur partenaire se montre jaloux ou en colère lorsqu'elles parlent à d'autres hommes. Et 46.3 % des femmes ont souligné que leur partenaire insiste pour savoir où elles sont à chaque instant. Et 36.7 % des interrogées ont dit être accusées d'infidélité par leur partenaire. Et chez 32.3 % des sondées, leur partenaire les empêche de se lier d'amitié avec d'autres femmes. Il y a aussi les tentatives de limiter leurs rencontres avec leurs parents chez 33.3 % des interrogées. Plusieurs ont fait état d'humiliations, de menaces de s'en prendre à une personne qu'elles apprécient et d'insultes à leur égard pour les faire se sentir des moins que rien.

Durant les 12 derniers mois, 253 femmes disent avoir subi cette violence verbale, émotionnelle et ce comportement de contrôle. Vingt (20) d'entre elles en étaient si affectées qu'elles ont été en congé maladie pendant une semaine. Et 29 des sondées ont été hospitalisées entre une et deux semaines et 19 ont fait un séjour de deux à trois jours à l'hôpital. Des absences qui impactent leur productivité au travail. Mais même les femmes au foyer ont été affectées par cette violence car 127 d'entre elles ont dit qu'elles n'ont pu accomplir correctement le travail ménager et 79 se sont plaintes de ne pouvoir s'occuper adéquatement des membres de leur famille. Le pire est que cette violence est sous-rapportée à la police. Sur l'échantillonnage des interrogées, moins de 30 femmes avaient dénoncé l'auteur de ces violences aux autorités.

Il ne faut pas croire que la VBG n'a pas d'impact significatif sur les enfants qui en sont victimes ou témoins. Trente-deux mamans (32) ont avoué que leur partenaire actuel est violent envers leurs enfants et 21 autres ont dit que c'était leur ancien partenaire qui l'était avec leurs enfants. Les chercheuses soulignent que cette violence a des effets négatifs tout au long de la vie de ces enfants et adolescents, affectant leur santé psychologique et les traumatisant, les rendant dépressifs, érodant leur confiance en eux et les mettant à risque de tomber dans le piège des addictions. Cette VBG a aussi un impact direct sur leur scolarité et leurs performances éducatives, 64 femmes l'ayant noté chez leurs enfants alors que 44 interrogées ont dit que leur enfant était si affecté qu'il s'est absenté de l'école. Cette violence insidieuse affecte aussi l'épanouissement de ces enfants et adolescents dans leur vie d'adultes. «Most of the children victims of GBV become broken adults or have difficulties in forming meaningful relationships later in life.»

Statistiques nécessaires

Malgré l'absence de données, les chercheuses sont parvenues à calculer les coûts directs pour les victimes de VBG durant les 12 derniers mois et celles-ci dépensent en moyenne Rs 19 375 en termes de frais personnels, médicaux et légaux. Mais les professionnelles précisent que dans les coûts de cette étude, les frais médicaux et légaux sont moindres car les victimes ont tendance à se rendre à l'hôpital pour être soignées et à obtenir l'aide légale, qui est gratuite.

Le coût par heure des jours d'absence des victimes auprès de leur employeur a été calculé et est de Rs 66. «Si 1 % des Mauriciennes sont victimes de VBG, les coûts directs et les rares coûts indirects calculés se monteraient à Rs 133 400 006.» Selon une étude du Programme des Nations Unies pour le Développement menée en 2017, 18.4 % des Mauriciennes sont victimes de VBG. «Si l'on s'en tient à un taux de prévalence de 18 % de victimes, cela voudrait dire que les coûts économiques directs et indirects seraient de Rs 2,4 milliards. Et si une femme sur quatre est victime de VBG, la projection indique que les coûts économiques globaux seraient de Rs 3.3 milliards.»

Sur les 227 personnes LGBTQIA+ sondées, 191 ont subi la VBG durant les 12 derniers mois. Et 27.2 % ont dit l'avoir régulièrement subie et 41.7 % d'entre elles ont dû rester alitées pendant plus d'une semaine. La forme la plus courante vécue par 184 d'entre elles est l'abus émotionnel et psychologique incluant le comportement de contrôle, suivi de la violence physique chez 102 personnes LGBTQIA+ et de la violence sexuelle chez 37 d'entre elles. Les coûts directs et indirects de cette violence chez ces 277 personnes LGBTQIA+ durant les 12 derniers mois sont de Rs 27 585.

Comme recommandations, les professionnelles soulignent que le pourcentage du budget du secteur public orienté vers la VBG devrait être comptabilisé et toutes les données des différents services de l'État harmonisées afin d'avoir un tableau complet de la situation de la VBG à Maurice. Elles indiquent que lorsque le système légal fonctionne efficacement, il y a moins d'abus émotionnel car les auteurs de violence sont conscients des conséquences qu'ils pourraient encourir et s'abstiennent d'abuser leur partenaire. Par conséquent, les chercheuses estiment qu'il faudrait y avoir une multiplication de campagnes d'information pour sensibiliser les citoyens à propos des lois qui les protègent et mettre en garde les auteurs de violence. Elles soulignent l'importance d'avoir une Gender Equality Act pour promouvoir l'égalité du genre et empêcher la discrimination. «It is important for Mauritius to come forward with the enactment of the Gender Equality Bill without any further delay.»

Selon elles, la Protection from Domestic Violence Act doit être amendée pour insérer une définition plus inclusive de la VBG et pour détailler davantage la violence émotionnelle et psychologique qui comprend le comportement de contrôle. L'État, qui a une obligation de protection et de soins envers ses citoyens, devrait avoir une approche plus concrète avec les organisations non gouvernementales et mettre en place un plus grand nombre de maisons d'accueil pour les victimes afin de les aider à développer une indépendance financière. L'État devrait aussi recruter des psychologues mieux formés dans le secteur public et les déployer notamment dans les écoles. Et offrir des applications plus faciles à utiliser pour encourager les victimes à dénoncer les personnes les agressant. Les instances religieuses devraient jouer un rôle plus proactif dans la lutte contre la VBG. Les programmes d'études devraient intégrer l'empathie et des valeurs humaines, tout en incluant l'éducation sexuelle.

Mercredi, le KDI a aussi dévoilé son site internet qui est user-friendly, kdimoris.mu

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