Dans la soirée du 30 mars 2023, il avait plu à verse sur Antananarivo. Et, pour la énième fois, je déplorai que toute cette eau se perde inutilement par les «tatatra» avant de finir à la mer alors que, plusieurs fois sur son chemin, en amont de la ville d'Antananarivo ou en aval dans ce qui fut le Betsimitatatra, sur le cours de l'Ikopa, sur le cours du Betsiboka, on pourrait créer plusieurs lacs artificiels avant Maevatanàna.
Aux États-Unis, le lac Mead, créé en 1936 sur le cours du Colorado par la construction du barrage Hoover est, avec ses 640 km2 et 32.236 km3, le plus grand réservoir d'eau aux États-Unis, alimentant l'Arizona, le Nevada et la Californie, soit 20 millions de personnes. Toujours sur le cours du fleuve Colorado, le lac Powell est le deuxième plus grand réservoir des États-Unis : créé en 1963 par la construction du barrage de Glen Canyon, il s'étend sur 300 km2 et génère 4200 MW d'hydroélectricité (près de 50 fois Andekaleka). En comparaison, l'Alaotra (la mer, «laut», en indonésien), le plus grand lac naturel de Madagascar, a une superficie (théorique) de 450 km2 tandis que les deux lacs artificiels de Mantasoa et Tsiazompaniry occupent respectivement 20 et 32 km2.
Depuis une vingtaine d'années, l'Ouest américain connaît une «méga-sécheresse» qui menace le niveau des lacs-réservoirs, déjà «pillés» par la surconsommation en eau et électricité. En octobre 2004, le Los Angeles Times écrivait que depuis la fin des années 1990, plusieurs régions des États-Unis n'avaient pas connu pareille sécheresse depuis 1000 ans. Conclusion confirmée par une étude de février 2022, menée par des chercheurs de l'UCLA et de l'Université Columbia. À Madagascar, quand viendra l'étiage, nous pleurerons toute cette pluie qu'on aura oublié de stocker. En un énième plaidoyer pour un ou plusieurs «ranobe mangeniheny», je reprends ce passage d'une Chronique du 9 novembre 2012 : «Au carrefour des décisions». J'azertise sous une pluie battante.
Cette eau, si précieuse, demain, dans les journaux, et tous les médias, on se plaindra de sa trop grande générosité, provoquant inondations dans des quartiers de toutes manières inondables. Plutôt que de se soucier d'un lac-réservoir de rétention et de régulation en amont de la Capitale, on va s'époumoner vainement à pomper l'eau excédentaire d'une zone où, naturellement, elle avait sa place, et avec laquelle les Anciens avaient trouvé le modus vivendi des rizières nourricières du Betsimitatatra, un peu comme les Egyptiens avaient su profiter des crues et reflux, physiques, naturelles, inexorables, du Nil.