Cote d'Ivoire: Escroquerie politico-morale

Sauf revirement de dernière minute, c'est cette semaine, précisément les 30 et 31 mars 2023, que le Parti des peuples africains- Côte d'Ivoire (PPA-CI), organise à Yopougon, une activité politique dite « fête de la renaissance ». Et le choix des dates n'est pas fortuit. En effet, dans les faits, il s'agit, pour les partisans de Laurent Gbagbo, de commémorer l'acquittement de leur mentor par les juges de la Chambre d'appel de la Cour pénale internationale, intervenu le 31 mars 2021.

« Cette décision de la justice internationale est la victoire de l'Afrique digne, de l'Afrique des lumières sur les ténèbres... Nous célébrons la renaissance d'une Afrique digne, libre et déterminée », indiquait, récemment, l'un des cadres du PPA-CI.

Derrière cette déclaration se cache, indéniablement, un message subliminal adressé aux partisans de Laurent Gbagbo. L'ancien Président de la République reprend ainsi, via ses bras séculiers, sa rengaine faussement panafricaniste. Mais, cette démarche politique totalement calculée, pue grandement la manipulation de l'opinion nationale, tout comme l'odeur d'un oeuf pourri empoisonnerait l'air ambiant. Justement, en quoi l'acquittement de Laurent Gbagbo est-il un triomphe de pseudo-souverainistes sur de supposés impérialistes ? D'autre part, Gbagbo qui veut renaitre, à l'image du phénix, est-il promis à une nouvelle vie politique, porteuse d'espérance ?

Disons-le d'entrée, la posture de ces ex-socialistes n'est, ni plus ni moins, qu'une vraie escroquerie politique. C'est d'ailleurs le condensé du jeu favori de Laurent Gbagbo qui a construit sa notoriété politique sur le populisme, la fourberie et la récupération. Car, à la vérité, l'ancien leader frontiste a été relaxé par les juges de la CPI, qui ont estimé que le bureau du Procureur, n'avait pas produit suffisamment de preuves pour le condamner. Le manque de preuves ou la mauvaise préparation du dossier ne signifie pas qu'il n'y a pas eu d'exactions ou que Gbagbo est innocent de tout. C'est un procès mal préparé du fait d'un dossier mal ficelé qui a abouti à la décision des juges. Ce qui ne signifie aucunement que Laurent Gbagbo a été innocenté, encore moins que sa responsabilité pénale n'était nullement engagée dans les violences et les tueries de la crise postélectorale, qui ont fait, selon les chiffres officiels, 3000 morts. C'est connu de tous, Laurent Gbagbo fut un acteur majeur de ce conflit, né de sa volonté effarante de ne pas se soumettre au verdict des urnes donnant son adversaire, Alassane Ouattara, vainqueur du second tour de l'élection présidentielle, avec 54,1 % des voix contre 45,9 %.

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N'était-il pas le chef supérieur d'une armée clanique, infestée de supplétifs et de miliciens, qui s'est rendue coupable d'exécutions sommaires, de tueries massives, de viols et d'exactions contre des civils ? Quand on est chef de l'État dans un régime présidentiel, on est chef suprême des armées. On a le pouvoir de décider, on donne des ordres. Et, c'est ce que Gbagbo faisait, retranché dans son bunker.

Moralement et politiquement, Gbagbo fut un homme défait et discrédité du fait de son séjour carcéral pour crimes de guerre et crimes contre l'Humanité. L'Histoire retient de son action politique qu'il fut celui qui a plongé son pays dans les pages les plus sombres. Opposant véritable au père de la Nation, Gbagbo n'a pas réussi à transformer l'essai une fois aux affaires. Il est sorti par la très petite porte.

Malheureusement, chez Laurent Gbagbo et ses partisans, force est de constater qu'il n'y a pas de place pour la résipiscence. Jusque-là, pas de remords, ni de compassion pour les victimes de leurs dérives politiques. Même pas un geste de soulagement, un simple mot pour apaiser le coeur de ces hommes et femmes meurtris et qui portent encore, hélas, pour beaucoup d'entre eux, les stigmates de atrocités. Ce sont ces acteurs politiques, qui ont fait tant de mal à ce pays, qui bombent, à nouveau le torse, pour célébrer la victoire de de l'immoralité sur la morale, de l'indécence sur la décence...

Visiblement, ce n'est pas la fête de la renaissance que le PPA-CI s'apprête à célébrer mais celle de la survie, d'autant que le Gbagbo qu'on nous présente comme un homme nouveau, peine à exister sur la scène politique et les seuls faits d'armes de son parti, depuis sa création en octobre 2021, restent les discours enflammés et tapageurs - embaumés de contre-vérités flagrantes et un brin provocateurs - de ses responsables. C'est plutôt un parti qui vivote et se bat, comme il peut, avec des arguments peu convaincants, pour subsister.

Au lieu de donner dans le triomphalisme béat et de rêver sans aucune assise nationale, à une hypothétique reconquête du pouvoir d'Etat, le PPA-CI gagnerait indéniablement à concentrer ses efforts dans la conquête des militants de la gauche, plus que jamais divisés et désorientés entre plusieurs clans aux intérêts divergents et antagonistes qui se regardent en chiens de faïence.

Renaitre, peut-être. Mais comment y parvenir quand la chute fut si lourde et qu'on est tombé aussi bas dans les profondeurs abyssales de la décadence ? That is the question !

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