Ile Maurice: Retour sur les lieux du...Jaylall Seemanto - Le guérisseur tué dans un cimetière

Dans cette rubrique hebdomadaire, nous revenons sur des disparitions, faits divers ou crimes perpétrés il y a plusieurs semaines, mois, années... Des drames qui ont marqué les esprits et qui ont bouleversé des vies à tout jamais...

Jaylall Seemanto, ancien caretaker d'une école primaire, 59 ans, avait été tué à coups de barres de fer à l'emplacement de la Grande croix, au cimetière de Bois-Marchand, à Terre-Rouge, le 8 avril 2005. Guérisseur, selon sa famille, et non «longaniste», comme le disaient certains, il était très réputé dans le Nord, notamment parmi les malades et personnes avec des problèmes qui affluaient à son domicile, à Cité EDC, à Plaine-des-Papayes. C'est pour cela que sa femme, Sharda, ne comprenait pas pourquoi on s'était autant acharné sur lui dans ce cimetière.

Selon des articles de presse, une demi-heure avant sa mort, Jaylall Seemanto avait mis cap sur le cimetière de BoisMarchand avec son aide, un voisin de 16 ans à l'époque. Il devait y rencontrer un homme dont la fille était gravement malade pour effectuer des rites. Dans son sac en plastique, il avait apporté tout son attirail : une bouteille de rhum, un cierge, de l'encens et du camphre. Le client était au rendezvous et tous les trois - Jaylall Seemanto, son voisin et le client - se sont dirigés vers la Grande croix, en se faufilant entre des tombeaux réservés aux défunts d'origine chinoise.

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Jaylall Seemanto s'apprêtait à allumer un cierge sous le monument vers 19 h 20 lorsque trois hommes cagoulés ont surgi. Deux d'entre eux, armés de barres de fer, se sont jetés sur lui, l'ont violemment roué de coups jusqu'à ce qu'il tombe à terre. Jaylall était alors à l'agonie, le dos et la tête en sang, quand ses agresseurs ont décidé d'arrêter de le marteler de coups. Les possibilités alors envisagées par la police sont qu'après avoir menacé son jeune aide, les malfrats ont disparu entre les sépultures et que le client s'est évaporé dans la nature.

À son arrivée, le SAMU a tenté de sauver Jaylall Seemanto mais le guérisseur était grièvement blessé. Le service d'urgence de l'hôpital du Nord ne pourra rien pour lui. Il avait succombé à des lésions à la tête quelques minutes plus tard. L'équipe de l'ex-inspecteur Bhojesh Domun de la CID de Terre-Rouge, épaulée par des limiers de la Major Crime Investigation Team (MCIT), s'était lancée dans une véritable chasse à l'homme. La vie de Jaylall, ses dernières rencontres, ses récents rendez-vous... Rien n'avait été négligé. Le lieu du crime avait aussi été passé au peigne fin.

«Le service d'urgence de l'hôpital du nord ne pourra rien pour lui. Il avait succombé à des lésions à la tête quelques minutes plus tard.»

Les thèses avancées par la police d'alors était que le guérisseur avait été tué soit sur les ordres d'un client mécontent de ses invocations soit par un «collègue» voulant reprendre sa clientèle ou encore que c'était un vol qui aurait mal tourné. Le témoignage du jeune voisin et les déclarations des membres de la famille Seemanto auraient alors confirmé le dernier point soulevé. Sa gourmette, sa bague, sa montre et sa moto leur avaient été restituées. En pleurs, Poonam, l'une des belles-filles de Jaylall Seemanto, avait alors confié à l'express que la victime avait été contactée par un homme en milieu de semaine pour des prières pour sa fille malade. Jaylall lui avait donné rendez-vous en face d'un temple tamoul. Mais le mystérieux interlocuteur s'était ravisé à la dernière minute. Poonam accompagnait souvent son beau-père dans ses rites. «Linn soné pli tar linn dir pa amenn madam. Vandredi monn trouv li pé alé, monn dir li pa bizin, atann mo vinn ar li, me li pann oulé.»

«Dimé aprédimé nou pou gagn zot», disait le fils aîné du disparu, Sunil. «Nou sink garson. Séki zot inn fer nou papa, zot pou péyé sa, dimé aprédimé nou pou gagn zot. Nou oulé lazistis. Nou papa ti enn bon boug, Li ti dan gouvernman. Li ti caretaker. Mo pa kapav dir si li ti ena lenmité. Mo pa konn so detayman ki linn al fer laba. Li pa ti fer mové travay. Li ti bien rélizié», poursuivait-il en montrant deux statues noires de la déesse Kali en face de la modeste case qu'occupait Jaylall Seemanto et son épouse. «Dépi mo éna konésans mo koné li fer laprier. Li okip dimounn malad et maléré. Me zamé linn demann kas, li kontan édé. Séki dimounn la donn li li pran?»

Que s'est-il passé ensuite ?

Le 8 février 2021, presque 16 ans après ce crime sordide, Vikram Sepaul plaide coupable en cour pour meurtre. Il avoue qu'il avait «latet fatigé, que sa femme l'avait quitté et qu'il voulait donner une correction à Jaylall Seemanto et qu'à aucun moment, il n'avait l'intention de tuer le quinquagénaire». Toujours selon son récit, il avait sollicité les services du guérisseur après que son épouse avait déserté le toit conjugal. Jaylall Seemanto lui a alors dit en lisant les cartes qu'il avait vu que quelqu'un lui avait fait «mesansté ek ki li bizin soigné». La victime lui avait demandé Rs 10 000 pour cela. Mais finalement, il n'y avait eu aucun résultat concret. D'où sa colère. Il a alors voulu récupérer son argent. Il a piégé le guérisseur en lui donnant rendez-vous au cimetière où il l'a agressé à coups de tuyau à plusieurs reprises, notamment à la tête. Un an auparavant en 2020, Juglaul Gowreeshankur avait été condamné à 18 mois de prison pour complicité. On avait conclu qu'il avait aidé Vikram Sepaul à monter un complot contre Jaylall Seemanto.

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