Le Sénégal est sorti de la dernière fenêtre Fifa avec un bilan mi-figue mi-raisin. Si l'équipe nationale A s'est qualifiée pour la phase finale de la Can « Côte d'Ivoire 2023 » prévue en janvier 2024 après sa double confrontation contre le Mozambique (5 - 1 et 1 - 0), les U23 eux ont bu la tasse face au Mali (3 - 1 et 0 - 3) se faisant éjecter de la course à la Can U20 « Maroc 2023 ». Pour les « Lions » A, champions d'Afrique en titre, une présence en phase finale de Can est désormais dans l'ordre naturel des choses. Surtout depuis que la compétition se joue à 24 équipes. Ce qui ne l'est pas, c'est la qualification des U23 à celle de leur catégorie d'âge et, plus loin, au tournoi de foot des Jo. Visiblement, on ne s'est pas donné tous les moyens pour réussir dans ce second challenge. C'est un des nombreux enseignements à tirer de ces deux double-confrontations.
Des moitiés de matches des Sénégalais
Quatre matches, deux pour les A et autant pour les U23 en cette fenêtre Fifa ! En fait, c'est plutôt à des moitiés de matches (toujours la première) qu'on a assisté à tous les coups : deux fois au stade Abdoulaye Wade, une fois à Maputo et une autre fois à Bamako. Dans leur nouvel antre fétiche de Diamniadio, autant les U23 face au Mali que l'équipe nationale A contre le Mozambique, ont semblé profiter de « l'émerveillement » ou de la frilosité de leurs adversaires pour leur passer un savon d'entrée de jeu. 2 - 0 pour les Olympiques face au Mali et 4 - 0 pour les A contre le Mozambique à la pause ! En plus, à chaque fois, d'une bonne maîtrise collective. De quoi espérer donc un feu d'artifice au retour des vestiaires. Eh bien non ! Les uns et les autres ont si inexplicablement levé le pied qu'ils ont permis à leurs adversaires respectifs de revenir dans le jeu (à défaut de revenir au score). Les « Aigles » ont ainsi inscrit le but de l'espoir, même si sur la remise en jeu, les hommes du coach Demba Mbaye ont signé leur troisième réalisation. Ce qui a donné aux Maliens de bonnes raisons de croire en leur capacité à renverser la vapeur. Ce qu'ils ont réussi chez eux, mardi, où, encore une fois, les U23 sénégalais n'ont vraiment joué (ou plutôt résisté) que pendant une moitié de match, la première bien sûr, qu'ils ont bouclée avec leur cage inviolée. Avant de perdre pied après la pause pour s'écrouler littéralement entre la 60ème et la 73ème minute.
Pour les A, c'était encore plus flagrant. Alors qu'on les voyait réussir un score record face à des « Mambas » qui ont rarement aussi mal porté leur surnom, ils se sont ramollis en seconde période, avec un jeu qui s'est littéralement effiloché. Délité. Redonnant du poil de la bête aux Mozambicains tout heureux de faire admirer leur capacité à faire circuler le ballon et même de marquer un but. Heureusement qu'en sortant du banc, Habib Diallo avait encore la rage de vaincre. Ce qui lui permit de corser la note pour donner au score (5 - 1) des proportions plus proches du niveau des deux équipes.
Et rebelote, mardi, au retour à Maputo. Les Mozambicains, qui ont voulu commencer la manche retour comme ils avaient fini le match aller, s'étaient d'emblée jetés dans la partie. Mais les « Lions », après avoir fait le dos rond pendant le premier quart d'heure, les ont vite refroidis (18ème mn) grâce à une réalisation de Boulaye Dia, déjà buteur à Diamniadio. Puis, presque rien. Ou plutôt si. Que des maladresses techniques, des duels perdus, des occasions de but gâchées, des (re)positionnements défectueux. En un mot, rien de digne, en seconde période, des champions d'Afrique qui faisaient peine à voir.
Quand, au sortir de la piteuse élimination de son équipe par le Mali, Demba Mbaye a soutenu « dans ce match, il nous a manqué beaucoup de choses, notamment de personnalité », il ne parlait absolument pas que de la copie bafouillée à Bamako. Mais plutôt d'un mal plus général qui colle aux crampons de l'écrasante majorité de nos joueurs et de nos équipes, nationales comme de club.
Des choix incompréhensibles des coaches
S'il y a quelque chose que les observateurs n'ont pas compris chez les « Lions » entre le match de Diamniadio et celui de Maputo, c'est la non-titularisation d'Abdallah Ndour au profit de Moussa Niakhaté pour occuper le flanc gauche de la défense sénégalaise lors de la manche retour. L'ancien joueur de Génération Foot s'en était si bien sorti à l'aller, se montrant efficace défensivement et apportant régulièrement son appui offensif, qu'on s'était dit que la Tanière avait peut-être trouvé un remplaçant de Saliou Ciss au poste. Il est vrai qu'un match, si réussi soit-il, ne peut servir de garantie quant à une place de titulaire indéboulonnable. Mais Abdallah Ndour méritait d'être revu dans un autre contexte (match à l'extérieur).
Au lieu de quoi, le coach Aliou Cissé a fait coulisser Moussa Niakhaté de son poste de prédilection de défenseur central à arrière latéral gauche. Même s'il lui est arrivé de jouer « piston' » gauche avec son ancien club dans le championnat espagnol, l'actuel sociétaire de Nottingham Forest manquait visiblement de repères. Capitaine Koulibaly a ainsi dû plusieurs fois colmater les brèches qu'il laissait derrière lui.
Abdallah Ndour aurait-il été indisponible pour quelque raison que ce soit, Cheikh Tidiane Sidibé, le seul local appelé en renfort suite au forfait d'Ismaël Jakobs, aurait pu mieux le remplacer. L'excuse du manque d'expérience ne saurait tenir, le joueur de Teungueth FC n'étant pas tombé de la dernière pluie et a fait ses preuves au Jaraaf avant d'atterrir à Rufisque. Et puis, n'était-il pas un des éléments majeurs de l'équipe qui a remporté le CHAN le mois passé en Algérie ? Or, qui se frotte à cette compétition (et surtout la remporte) est suffisamment vacciné pour affronter n'importe quelle adversité.
Tout aussi incompréhensible, est le choix du coach de confiner Pape Ousmane Sakho sur le banc et de lancer Krépin Diatta en fin de partie, mardi, alors que les Sénégalais avaient du mal à conserver le ballon. Qu'on s'entende bien, nous ne mettons nullement en doute la qualité du Monégasque. Cissé la connait d'ailleurs mieux, lui qui l'a vu et revu en situation. C'est juste que l'occasion était belle de lancer Sakho qui peut être une bonne solution de rechange. Il excelle balle au pied et sait casser les lignes. Sa technicité et sa capacité à conserver le ballon n'auraient pas été de trop pour une équipe du Sénégal complètement à la rue. Et l'adversité, le joueur de Simba Fc de Tanzanie connaît bien puisque rompu aux joutes africaines depuis qu'il évoluait sous les couleurs de Teungueth Fc.
Demba Mbaye aussi s'est lourdement fourvoyé dans ses options. Mais, lui ne se cache pas derrière son petit doigt : « J'ai ma part de responsabilité parce que c'est moi qui ai fait les choix », a-t-il plaidé juste après l'élimination. En sortant de son onze de base Arouna Sanganté, Alpha Dionkou et à un degré moindre Mamadou I. Fall, qui n'avait tenu qu'une mi-temps à l'aller, il a objectivement désarticulé son équipe. D'où « le naufrage collectif » qu'il a lui-même reconnu. Et l'élimination qui s'en est suivie.
De l'absence des cadres U23 avec leur catégorie
En février 2019, en prévision d'une double confrontation avec la Guinée sur le chemin de la Can U23, feu Joseph Koto alors entraineur des Olympiques parlait dans une interview avec l'APS de « vases communicants entre les différentes sélections nationales ». Il prévoyait alors d'intégrer certains U20, finalistes de la Can de leur catégorie au Niger, dans son groupe pour affronter le « Sily » des moins de 23 ans. Il ne se doutait pas que les « vases communicants » allaient fonctionner ... à l'envers. Puisqu'Aliou Cissé, lui avait « piqué » certains de ses cadres dont Krépin Diatta pour quelques bouts de matches avec les « Lions » A. Lien de cause à effet ou pas, toujours est-il que le Sénégal avait été éliminé par la Guinée.
Cinq ans plus tard, même scénario : alors que les Olympiques de Demba Mbaye étaient à deux matches de la Can « Maroc 2023 », Cissé a récidivé. Il les a privés d'éléments qui auraient pu leur permettre de s'en sortir face au Mali. Dion Lopy, le capitaine, Pape Matar Sarr, voire Bamba Dieng ou Noah Fadiga étaient éligibles pour les deux confrontations face aux « Aigles ». Se passer de tous ces éléments aurait certainement dépeuplé la grande Tanière, mais un ou deux avec les U23 n'aurait certainement pas trop affaibli son équipe qui, dans tous les cas, s'en serait sortie avec la qualification. Mardi passé, à Maputo, ou lors des deux prochaines journées en juin et en septembre. Et cela aurait, à l'inverse, renforcé celle de Demba Mbaye qui était à un match de la phase finale de la Can U23. À l'image de l'adversaire qui est allé chercher des renforts chez les A pour le résultat que l'on connait. « J'ai travaillé avec l'effectif que j'avais à ma disposition », a semblé regretter le coach des Olympiques.
Après le match de Maputo et la qualification de son équipe à la Can « Côte d'Ivoire 2023 », Cissé a déclaré « ces deux derniers matches (en juin et en septembre, Ndr) vont nous permettre de faire bouger notre effectif et de donner du temps de jeu à d'autres jeunes joueurs qu'on n'a pas l'habitude de voir jouer avec l'équipe nationale du Sénégal ». N'est-ce pas une façon de reconnaitre implicitement qu'il n'avait rien à faire de ces « jeunes joueurs » sur cette double confrontation contre le Mozambique, sinon de faire nombre et de priver l'équipe de leur catégorie d'âge d'armes supplémentaires pour affronter le Mali ?
De la spirale brisée
Voilà comment, du fait de « vases communicants » défectueux et d'une absence de collaboration entre techniciens et au sein de la Dtn sous l'autorité de la Fsf, la belle spirale de victoires des sélections nationales s'est brisée dans la nuit bamakoise. On le savait, tôt au tard le Sénégal finirait par redescendre de son nuage. Car des cycles, il en arrive dans la vie de toutes les équipes. Mais on n'attendait pas la cassure si vite et si brutalement.
Les U23 sénégalais manqueront donc la Can de leur catégorie en juin et juillet prochains au Maroc. Les Jo de Paris en 2024, n'en parlons même pas. Or, il y avait vraiment de quoi briller au Royaume chérifien et espérer aller loin dans la capitale française. Et surtout de quoi préparer une belle relève. À l'image de la cuvée des Sadio Mané, Pape Ndiaye Souaré et autres Gana Guèye qui avait réellement pris son envol au sortir de Jo de Londres en 2012 où ils avaient été jusqu'en quarts de finale (défaite 2 - 4 après prolongations face au Mexique, futur médaillé d'or).
La spirale est brisée, un maillon important de la chaine s'est cassé avec cette « catégorie intermédiaire » qui rate sa cible. Mais, il faut s'en remettre au plus vite. Situer les responsabilités, tirer les enseignements et continuer à bosser.
Du bilan comptable positif, mais...
Quatre matches : trois victoires et une défaire ! Le bilan comptable de cette fenêtre Fifa est bien positif du point de vue des résultats. Mais dans l'absolu, il est difficile de s'en satisfaire. Car, si alors qu'il reste deux journées à disputer dans les éliminatoires de la Can « Côte d'Ivoire 2023 », le Sénégal est déjà qualifié, pour ce qui est de la Can U23 « Maroc 2023 », il a piteusement échoué.
Or tout semblait réuni pour une double qualification, vu les forces en présence. Mais une mauvaise gestion des hommes et des rencontres a valu au Sénégal de se contenter de ce qui est dans l'ordre naturel des choses. Oui, les « Lions », en phase finale de Can, c'est la moindre des choses depuis que la compétition a été élargie à 24 équipes. En plus, en tant que champions d'Afrique, c'est comme un train qui arrive à l'heure.
Le bonus aurait été une deuxième présence des Olympiques au tournoi de foot des Jo après ceux de 2012 à Londres. On a tout bonnement craché sur l'occasion.