Sénégal: "Ndiaye drapeau" - Le patriotisme au cœur jusqu'à la mort

Dakar — Momar Ndiaye, emblématique supporter des équipes nationales du Sénégal, décédé, samedi, à Dakar, à l'âge de 61 ans, des suites d'une maladie était réputé pour son civisme et son patriotisme au point d'avoir été davantage connu sous le surnom de "Ndiaye Drapeau".

"Ndiaye drapeau" était un sénégalais réputé pour son civisme. Il ne passait jamais inaperçu avec ses tenues aux couleurs nationales, signe le plus visible de son patriotisme proclamé et assumé.

En ce début de mois d'avril coïncidant avec le 63ème anniversaire de l'accession du Sénégal à la souveraineté internationale, l'APS a lancé son magazine "Vitrine" dont le premier numéro évoque les enjeux de civisme, de citoyenneté et de patriotisme.

Le premier numéro du magazine consacre sa rubrique "portrait" à "Ndiaye drapeau", ce citoyen exemplaire qui a le patriotisme au coeur.

A 61 ans, le visage de "Ndiaye drapeau" a bien pris quelques rides, mais il s'illumine toujours à l'évocation du Sénégal, depuis 25 ans qu'il porte haut les couleurs nationales dans les stades les plus chauds à travers le monde, parfois dans des conditions improbables.

Son amour du Sénégal l'a transformé en mascotte des équipes nationales, toujours en veston vert /jaune/rouge avec l'étoile verte soigneusement imprimée au dos de ladite veste. Une chemise et une casquette aux mêmes couleurs. Le pantalon vert et les chaussures jaunes complétant cet accoutrement.

Mais cette tenue, quelque légendaire qu'elle soit, ne signifierait pas grand-chose sans le drapeau national jamais desserré entre ses mains.

Cela fait 21 ans que ce passionné s'est forgé ce monde qui n'a de motivation que son seul amour pour le Sénégal. Son patriotisme sans égal et sans aucune contrainte.

Au ministère des Sports où il est employé, "Ndiaye drapeau" est apprécié de tous. Il faut, pour l'y rencontrer, prendre donc son mal en patience, le temps qu'il fasse le tour des directions.

"Où est Ndiaye Drapeau ?", demande une voix féminine dans les couloirs dudit ministère. "Il était au 6e étage il y a quelques minutes", répond un autre employé. Et la voix féminine d'ajouter : "Il parait qu'aujourd'hui, il a offert le déjeuner à tout le personnel, comme il a l'habitude de le faire à chaque fois qu'il rentre de mission".

Des morceaux de conversations spontanées qui en disent long sur la générosité de l'homme, qui apparait bientôt, sourire aux lèvres, le visage rayonnant.

Normal en vérité. "Ndiaye drapeau" revient d'Egypte, avec lui le trophée de la Coupe d'Afrique des nations (CAN) des moins de 20 ans remportée par les Lionceaux, le 11 mars dernier.

"Il mérite tous les honneurs"

"C'est le meilleur", lâche spontanément un homme qui venait à peine de franchir le bureau, en parlant de Momar Ndiaye, passé le moment des retrouvailles empreintes de chaleur avec ses collègues qui lui vouent admiration et estime.

Il est décrit comme quelqu'un de "dynamique, de généreux, de gentil, de disponible, de loyal, de fidèle. Un patriote qui n'a pas d'égal".

"Il est toujours prêt à se mettre au-devant de la scène pour l'intérêt du Sénégal. J'apprécie beaucoup son engagement. Tout Sénégalais devrait se comporter comme tel. Il est sur tous les fronts. Il mérite tous les honneurs du pays", dit de lui Abdoulaye Bamba Mbaye, agent à la direction des activités physiques et sportives.

Madame Guèye, cheffe du service social au ministère des Sports, n'est pas moins élogieuse que son collègue Abdoulaye Bamba Mbaye.

"C'est un homme de coeur, discret, dit-elle au sujet de Ndiaye drapeau. Il est apprécié de tous. Il est intègre. Nous le remercions pour son patriotisme et son dévouement sans faille au service du Sénégal".

Du chef de la sécurité à la responsable du restaurant, en passant par les agents de la direction de la Haute compétition, ils sont tous unanimes : "Ndiaye drapeau" mérite d'être récompensé et honoré, pour que son patriotisme soit donné en exemple.

Devant tant d'éloges, l'intéressé n'a pas pu retenir ses larmes. Toute la sensibilité d'un père de famille dévoué, selon son épouse Penda Diop, domiciliée aux HLM Las Palmas, à Guédiawaye, dans la grande banlieue dakaroise.

"Il a le coeur sur la main. Nous nous sommes mariés en 2006. Nous avons un garçon. Pas une seule fois, je ne l'ai vu se mettre en colère. Je suis fière de lui, fière de son patriotisme et de tout ce qu'il représente. Quand je le vois arborer les couleurs nationales, je suis contente. Je l'ai connu aussi passionné". Vérités d'une épouse comblée par tant de qualités humaines et d'exemplarité dans les actions citoyennes.

La patrie, sa seule motivation

"Ndiaye drapeau" précise, pour que les choses soient remises dans leur contexte : "Il m'arrive de me prendre entièrement en charge pour aller supporter le Sénégal un peu partout dans le monde. Je profite de mes relations pour payer mes déplacements. Et cela, beaucoup ne le savent pas".

Supporteur infatigable et énergique des Lions, "Ndiaye drapeau" a assisté à 11 Coupes d'Afrique des nations de football, deux Championnats d'Afrique des nations, quatre Jeux de la Francophonie, quatre Jeux africains, trois Coupes du monde de football et une Coupe du monde de basket. Il a aussi été des Jeux Olympiques de Rio au Brésil, en 2016.

Peu de supporters peuvent se vanter d'avoir autant accompagné les équipes du Sénégal, sans jamais céder au découragement, les bons résultats sportifs n'ayant pas toujours été au rendez-vous pour le pays.

La première finale perdue par les Lions du football en 2002, contre le Cameroun, Ndiaye drapeau s'en rappelle très bien. "Ce jour-là, avant même de me rendre au stade, je sentais déjà que ce ne serait pas un jour de succès", dit-il, toujours animé de la même amertume, vingt-ans après la CAN de cette année-là jouée au Mali.

En réalité, la passion de Ndiaye drapeau pour le sport sénégalais date de 1975. "Cette année-là, j'ai passé ma première nuit au stade Demba Diop pour avoir une place pour suivre la finale de la Coupe du Sénégal", raconte ce fervent supporter de l'US Gorée.

"Ndiaye drapeau" se rappelle aussi de ses talents de footballeur, quand il était plus jeune. "Je jouais comme défenseur. J'étais redoutable et efficace à mon poste", affirme-t-il, le visage soudain illuminé par un large sourire. Conscient que beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis ses jeunes années.

Momar est en réalité devenu Ndiaye drapeau en 2002, une année charnière pour le renouveau de l'équipe nationale de football du Sénégal, qui a joué cette année-là sa première finale de CAN avant de participer au Mondial lors duquel les Lions ont fait forte impression en Corée du Sud et au Japon.

Il se veut le plus ancien et le plus régulier des supporters des équipes nationales du Sénégal. "Ce que je fais avec le drapeau, c'est un don de Dieu".

A la question de savoir ce qui l'a amené à devenir un supporter tant animé de patriotisme, cet originaire de Rufisque, vieille ville située à la sortie de la région de Dakar, répond : "C'est mon destin", tout en exhibant les nombreux pin's qu'il a collectionnés au cours de ses nombreux voyages.

Il est le premier Sénégalais à avoir reçu, trois fois, le trophée de meilleur supporter. Mais la récompense qui lui tient le plus à coeur, c'est son élévation au grade de Chevalier de l'Ordre du mérite par le président de la République, en 2014.

"Je maîtrise ce que je fais. Ce que je fais avec le drapeau dans les gradins, personne ne peut le faire. C'est un don de Dieu", dit fièrement Ndiaye drapeau, qui ne compte pas s'arrêter avec l'âge.

"Il mérite d'aller à La Mecque, d'avoir une maison et de préparer sa retraite. Ndiaye n'est plus jeune. La nation doit le célébrer de son vivant", répètent quelques-uns parmi ses collègues. A croire qu'ils se sont passé le mot.

"J'ai duré dans ce milieu. Depuis 2002, [époque] où il n'y avait que très peu de supporters sénégalais jusqu'à aujourd'hui, je suis là. J'aime mon pays, je suis fier de mon pays. Le drapeau du Sénégal me tient à coeur. Peu importe ce que cela me coûte, je continuerai d'en prendre soin, sans attendre grand-chose, si ce n'est de voir le Sénégal soulever d'autres trophées".

Une dernière profession de foi qui résonne comme une prière dans la grande salle de conférence du ministère des Sports.

Avec le poids de l'âge, la gestuelle de "Ndiaye drapeau" est devenue plus lente, mais son amour pour le drapeau national reste assurément le plus vif possible. Il y a chez lui de ces évidences. Comme la petite musique très patriotique de l'hymne national qui lui sert de sonnerie de portable.

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